"Si vous croyez qu’un juge est corrompu alors scandez son nom en public au lieu de faire une généralité. Mais ne les mettez pas tous dans le même sac en clamant que la justice entière reflète un vaste panier de corrompus. Je vous supplie de ne pas démanteler le système judiciaire et ses institutions quand vous n’avez rien d’autres à offrir pour divertir vos compagnons », s’était exprimé l’ancien ministre de la Justice, Sarosh Homi Kapadia le jour où a été célébrée la Loi. Mais qu’advient-il quand c’est la Cour suprême d’un pays entier qui n’applique pas les décisions humaines appropriées ? La Justice, celle à laquelle on est censé se référer en cas d’abus, a-t-elle toujours la même force et les mêmes valeurs ? Le châtiment d’Afzal Guru peut en faire douter. Condamné à la peine capitale, l’homme aurait été la victime d’un système judiciaire arbitraire.
"Samedi 9 février, juste avant le petit déjeuner, Afzal Guru, le principal accusé dans l’attentat de 2001 contre le Parlement indien, a été pendu en secret et son corps, enterré à la prison de Tihar, à Dehli. Sa femme et son fils n’en ont pas été informés. Aucune importance, ce ne sont que la femme et le fils d’un terroriste cachemiri !" s’est insurgé la romancière Arundhati Roy. Que l’homme fasse partie d’une minorité rejetée en Inde (les Kashmiris) ne change rien à la gravité même de la peine.
Le couloir de la mort est une réalité dans le pays de Gandhi. 4 321 condamnés ont été amenés à la potence en moins de 10 ans selon le Times of India. Entre 2001 et 2011, assassins, terroristes, violeurs, voleurs et innocents se sont retrouvés au bout d’une corde au nom de la loi. Ils apparaissent désormais comme de simples statistiques dénonçant la pendaison en Inde, appliquée tous les trois jours. L’application de la peine de mort dans les plus rares cas est devenue une « routine » se désespère Suhas Chakma, coordinateur de la campagne nationale pour l’abolition de la peine de mort en Inde.
Les affaires Guru se multiplient
Le cas d’Afzal Guru n'est pourtant pas isolé. Le procès de Gnanaprakasham, Simon, Meesekar Madaiah et Bilavendran, accusés d’appartenir au gang dirigé par le bandit Veerappan et de l’assassinat de 22 policiers en 2001, est similaire. La pétition au nom de leur clémence et du droit de vivre est en cours d’analyse depuis 2004. Ce genre de pétition est un appel à l’aide que les présidents laissent en suspens des années durant et rejettent généralement avant l’exécution comme ils l’ont fait deux jours avant la mort de Guru. La fille d'un des accusés s'est récemment exprimé sur le sujet : « Mon père n’est pas un assassin, les preuves retenues contre lui sont à peine tangibles, le jugement n’est en cela même pas solide ! »
Ces pétitions signées par des citoyens, des activistes qui réclament eux aussi un élan de pitié, font la fierté de la plus grande démocratie du monde. Pourtant les rejets s'accumulent. Le mépris de ceux qui prennent les décisions finales pourrait être la preuve d’une justice corrompue. A cet égard, l'ONG Transparency International a constaté que « la longueur des délais pour chaque cas et la réduction de juges dans des procédures complexes, ont exacerbé la nécessité prépondérante d’établir de nouvelles lois afin de garantir l’impartialité des superviseurs et l’obligation de tout analyser afin de respecter les droits des victimes et des accusés ».
Avec l’exécution d’Afzal Guru qui a suscité de vives réactions tout autour du monde (notamment du fait de son appartenance à une minorité kashmiri), le Parlement tente de se légitimer en prenant des mesures aussi cruelles avec d’autres prisonniers. La pendaison - soi-disant rarissime - est courante en Inde. Elle ne vise aucune minorité en particulier. Ce supplice mortel touche tous les êtres humains quel que soit leur lieu de naissance ou leur communauté d’appartenance. Tous les Hommes sont égaux en droit - le gouvernement indien ira même jusqu’à dire devant la mort.
Henri Tiphagne, directeur de People’s Watch, affirme qu’en Inde “la culture des pendaisons confidentielles est une réalité mais dont le secret reste bien trop conservé”. Avant que la décision de "tuer, car on ne peut appeler cela autrement, ne soit prise, il faudrait que les familles et les prisonniers ait un temps suffisant pour faire à nouveau appel et au moins que les familles des prévenus soient informées de la décision irrévocable retenue contre leur proche, au moins pour dire au revoir". Fermement opposé à la peine de mort, People's Watch prend part au débat, dénonçant une « justice qui ne fonctionne pas ».
Henri Tiphagne, directeur de People’s Watch, affirme qu’en Inde “la culture des pendaisons confidentielles est une réalité mais dont le secret reste bien trop conservé”. Avant que la décision de "tuer, car on ne peut appeler cela autrement, ne soit prise, il faudrait que les familles et les prisonniers ait un temps suffisant pour faire à nouveau appel et au moins que les familles des prévenus soient informées de la décision irrévocable retenue contre leur proche, au moins pour dire au revoir". Fermement opposé à la peine de mort, People's Watch prend part au débat, dénonçant une « justice qui ne fonctionne pas ».