Les citoyens catalans se sont prononcé en grand nombre en ce jour-clé pour leur avenir politique, tant et si bien que leur volonté s'est traduite sous la forme d'une pluralité composée de six grands partis. Une chose est certaine : ce sont les souverainistes qui ont obtenu les meilleurs résultats.
Si le but des élections est de clore le débat sur l’indépendance de la Catalogne, il se peut qu’elles aient compliqué davantage le contexte politique qui entoure le territoire. Le désir d’indépendance des Catalans s’est fait sentir à travers les votes récoltés par deux candidats souverainistes différents : la coalition Junts Pel Sí, ressortie gagnante des élections avec 62 sièges obtenus, et la Candidatura d’Unitat Popular (CUP), avec 10 sièges.
Ces deux résultats ensemble donnent aux forces indépendantistes la possibilité de former un gouvernement de majorité absolue : pour ce faire, 69 sièges sont nécessaires, pour mener à bien le processus de sécession avec l’Espagne. Il n’en demeure pas moins qu’une série de complications s’impose, complications issues de ces mêmes résultats.
La CUP ne veut pas de Mas pour président
L’investiture du nouveau président est la complication la plus immédiate. L’actuel dirigeant de la Generalitat, Artur Mas, quatrième sur la liste de Junts Pel Sí, est le premier choix de la coalition pour présider le gouvernement. Il s’agit cependant de l’élément-clé qui fait obstacle à tout accord avec la CUP, et sans cet accord, pas de majorité absolue.
Les représentants de gauche, de leur côté, reprochent à Mas les restrictions en matière d’aide sociale mises en place lors de son dernier gouvernement, ainsi que les cas de corruption dans lesquels il a été impliqué. Ce sont ces affaires qui risquent de l'empêcher de prendre la place à laquelle il prétend dans cette nouvelle ère.
Lors d’une interview à la Cadena Ser, le leader du parti Antonio Baños a communiqué la semaine dernière une proposition de « présidence tournante » au lieu d’une seule figure présidentielle qui conduirait le processus, pour répondre au refus de la CUP. Anna Gabriel, deuxième favorite du parti indépendantiste, annonçait également un jour plus tôt qu’ils resteraient ouverts à ce que Mas y participe comme toutes les personnes qui sont en adéquation avec une présidence pluraliste. Elle assure en effet que l'intention n’est pas de « l’enterrer politiquement ».
Les deux partis n’ont donc plus d’autre choix que de se concerter pour trouver un accord qui leur permette de rassembler leurs objectifs communs en un même bloc. Le nouveau Parlement doit se constituer avant le 27 octobre prochain, puis les membres devront élire un président dans un délai maximum de 10 jours.
Une majorité des sièges mais pas des votes
Paradoxalement, l’autre grand problème des indépendantistes, qui est aussi l’argument le plus fort de l’opposition, est le résultat des élections. Si le nombre de sièges obtenus a valu la victoire au parti de l’indépendance, les chiffres ne leur octroient que 47,8 % des votes. Dans un tel contexte, les forces indépendantistes refusent de considérer l’abandon du projet souverainiste. Le Journal International a recueilli des propos auprès de la CUP, qui considère que les résultats légitiment « la mise en place d’un système qui aboutira à la rédaction d’une Constitution catalane obligatoirement soumise à un référendum une fois terminée. »
Pour citer le responsable de la communication Jordi Salvia, ils feront le nécessaire pour que ce processus se montre « participatif et populaire », de sorte que « le plus de gens possible [se joigne au mouvement], il ne s’agit pas de se limiter aux partis indépendantistes. »
L’approbation via référendum d’une Constitution catalane supposerait une proclamation unilatérale de l’indépendance de la communauté autonome. Cela implique assurément que les Catalans devront voter une fois de plus pour se séparer ou non de l’Espagne.
Mas inculpé pour le 9N
Si l’ambiance n’était pas suffisamment électrique, à deux jours des élections, la haute Cour de Justice catalane a accusé le président Artur Mas d’un présumé délit de désobéissance en convoquant un référendum mené sur le territoire le 9 novembre dernier. Il a été appelé à se prononcer, ainsi que l’ex-présidente et la ministre de l’Éducation pour répondre aux accusations de quatre délits qui pèsent sur ses épaules : malversation, désobéissance grave, prévarication et usurpation de fonctions.
S’il était condamné, les peines encourues pour de tels délits entraîneraient une incapacité à prétendre à une charge publique, y compris la présidence. En conséquence, et malgré sa certitude quand à la victoire aux élections, les problèmes s’accumulent pour la coalition de Junts Pel Sí qui, à plusieurs semaines de sa supposée victoire, se retrouve avec bien peu de choses à célébrer.