En 2012, le président péruvien Ollanta Humala inaugurait la première installation de panneaux solaires à grande échelle en Amérique latine. Des panneaux photovoltaïques T-Solar d’une capacité de 44 mégawatts venaient alors d’être montés dans la ville d’Arequipa, dans les Andes. À l’instar du Brésil et de l’Uruguay, le Pérou marque sa volonté de développer des sources d’énergies renouvelables pour bâtir son économie et de suivre les régulations du protocole de Kyoto dont il est signataire. Alors que l’industrie du tourisme est en plein essor, la préservation de l’espace naturel et la lutte contre la pauvreté sont au cœur des débats.
L’électricité, inaccessible dans les milieux ruraux
Un tiers de la population péruvienne n’a pas accès à l’électricité, principalement par manque d’infrastructures adéquates. Le climat humide, la météo imprévisible et les reliefs escarpés rendent toute installation électrique traditionnelle compliquée, voire impossible. Les habitants de ces zones s’éclairent à la bougie et cuisinent à l’aide de réchauds au kérosène. En l’absence d’un éclairage correct, les jeunes ne peuvent pas étudier à la nuit tombée et c’est le soleil qui impose son rythme aux familles. Face à la nécessité de résoudre ce problème énergétique pour développer le pays, le Pérou mettait en 2008 les énergies renouvelables au centre de ses préoccupations.
L’accès à l’énergie sauve des vies
Cinq ans plus tard, le National Photovoltaic Household Electrification Program (NPHEP) était lancé. Pour répondre à une demande d’énergie croissante, le gouvernement péruvien annonçait l’installation de 12 500 panneaux photovoltaïques pour fournir 500 000 foyers en énergie gratuite et propre. Le coût initial de l’opération s’élevait à 200 millions de dollars. C’est à Contumaza, dans la région de Cajamarca au nord-est du pays, que le programme a débuté, avec la mise en place de 1600 panneaux. « Au début, certains habitants n’en voulaient pas. Ils croyaient que c’était une tentative d’arnaquer la communauté, déclare le paysan José Tello. Mais maintenant tout le monde en est très content ».
L’éclairage arrive dans les foyers et permet à leurs occupants de profiter même la nuit de conditions de vie et de travail nettement meilleures. Parfois même, le téléphone et la télévision s’installent dans les habitations. Outre l’amélioration du confort de la population, l’électricité est cruciale pour l’hygiène et la santé des péruviens. Grâce au NPHEP, certains villages peuvent faire fonctionner des systèmes de pompage et de filtrage de l’eau. En découlent une baisse de la mortalité infantile et une amélioration de l’accès à l’eau potable, dont huit millions de Péruviens ne disposent pas encore à ce jour.
Le Pérou a un potentiel énergétique inexploité
Le territoire péruvien est riche en ressources naturelles, ce qui en fait une zone idéale pour l’implantation de dispositifs d’énergies renouvelables. À l’heure actuelle, le pays n’utilise que 4,7% de son potentiel hydraulique, 0,65% de son potentiel éolien, 6,1% de sa biomasse et seulement 1% de son énergie solaire. L’essor des panneaux photovoltaïques peut donc s’avérer très productif pour cette région qui bénéficie d’un niveau d'ensoleillement particulièrement élevé.
Jorge Merino, ministre de l’Énergie et des mines à l’époque du lancement du programme, a assuré qu'il devrait permettre d’assurer à 95% de la population l’accès à l’électricité d’ici 2016. « Ce programme cible les populations les plus pauvres, qui n’ont pas accès à la lumière électrique et utilisent encore des lampes à huile. Ils dépensent leur argent dans des combustibles nocifs pour leur santé » déclarait-il.
Un programme trop ambitieux ?
Si Merino est convaincu par son projet, il faut rappeler que l’énergie solaire n’est pas une solution miracle. En pratique, le NPHEP rencontre plusieurs obstacles, liés principalement à la fragilité du matériel photovoltaïque et à son entretien. Selon Rafael Espinoza, directeur du Centre universitaire des énergies renouvelables, « le projet est trop ambitieux (…) Il va falloir un nombre considérable de professionnels ».
Le principal atout du panneau photovoltaïque est sa portabilité. Dans les régions montagneuses et isolées du Pérou, les panneaux sont plus simples à installer qu’une liaison traditionnelle au réseau électrique qui nécessite d’importants travaux. Néanmoins, cette économie n’est qu’apparente, puisqu’il faut prendre en compte la possible détérioration des panneaux et, le cas échéant, l’acheminement coûteux de nouvelles pièces à travers les montagnes. L’énergie solaire requiert des structures de stockages conséquentes qui doivent elles aussi être entretenues très régulièrement par des spécialistes. Il y aurait donc un risque que les panneaux solaires abîmés ne puissent pas être remplacés et soient laissés à l’abandon par des populations incapables de les réparer.
Le message des sceptiques est clair, il faut encadrer non seulement l’installation des dispositifs photovoltaïques mais aussi leur fonctionnement par la suite. En somme, l’initiative péruvienne pose la question du bénéfice à court terme et à long terme. Elle tente de combiner les deux pour développer son économie sur des bases moins énergivores que les sociétés occidentales.