Radek John, ancien ministre de l´Intérieur, retourne à son métier d'origine, le journalisme d'investigation, mais sans abandonner son mandat parlementaire
En République tchèque, personne n'est surpris qu'un énième député veuille renforcer la lutte contre les vols d'argent public. La semaine prochaine, Radek John se lancera dans cette lutte par un moyen non-conventionnel : une émission télévisée. Il présentera son propre TV Show où il montrera les détails du monde politique tchèque, et pointera la corruption dans les hauts echelons de la société ; une initiative qui peut sembler courageuse.
Malheureusement, on doute que ce soit le cas. Il y a seulement quelques mois, ce député, Radek John, était ministre de l'Intérieur et présidait la Commission parlementaire de la sécurité. Il avait alors accès à des informations très délicates touchant à la sécurité nationale et les enquêtes policières. On a du mal à croire que ces données confidentielles puissent être présentées au public. Néanmoins, Radek John se dit prêt, en lançant son émission, à lutter contre les "dinosaures", surnom qu'il donne aux hommes politiques soupçonnés de corruption. L’événement apparaît 15 mois avant les élections législatives.
Du Parlement à la télévision.. Et vice versa ?
Au début du siècle, Radek John était déjà une véritable célébrité de la télévision tchèque. Il animait alors une émission sur les affaires de secrets et de corruption. En 2009, il entre dans un nouveau parti politique, Veci verejne (Les affaires publiques). Il profite alors de son capital politique pour continuer à lutter contre les affaires douteuses liées à l‘Etat. Un an plus tard, le parti remporte 24 sièges sur 200 à la Chambre des députés.
Le succès du parti est imminent. Les nouveaux députés mènent un nouveau style de politique. Très vite, ils se mettent d'accord avec les autres groupes parlementaires de droite. Ensemble, ils forment un nouveau gouvernement. Radek John, leader de Veci verejne, devient ministre de l'Intérieur.
Malheureusement, le rêve ne dure que quelques mois. Le parti est jeune, ses députés ne connaissent pas la pratique parlementaire. Après un an, le nombre de membres décline en même temps que la confiance publique.
A vrai dire, le Veci verejne, suite à son arrivée au pouvoir, a vu des affaires douteuses arriver sur le tapis, Radek John a donc du, sous le poid de la pression, quitter le ministère, les affaires de son propre parti était insoutenable.
C’est pourquoi, à la fin de 2012, l’ex-ministre a cherché un plan pour regagner la confiance publique et ainsi maintenir les mandats politiques de son parti après les élections de 2014. Le président de Veci verejne a récemment indiqué qu'il retournait à son métier initial et qu’il lancerait, début mars 2013, un nouveau show TV.
Les secrets politiques en danger ?
"Ce sera une émission d'investigation du type de Sixty Minutes de CBS. Je la prépare, je serai l'animateur et si je trouve assez de temps je préparerai aussi des contributions. Le programme portera sur tout ce qui dérange les gens dans ce pays : les politiques et les questions qui touchent directement à leur vie", s’est exprimé Radek John. Alors, quels seront les thèmes de ses reportages ?
D’une part, il est probable que le député dévoile des cas sensibles, en particulier les détails des enquêtes policières. Comme ministre de l'Intérieur, Radek John était aussi le superviseur de la police, il avait donc accès aux dossiers relatifs à la corruption politique ou aux grandes opérations d´Etat. Il se peut même que les enquêtes ne soient pas encore terminées ; dans ce cas, la publication des informations pourraient ruiner le travail des inspecteurs. D’autre part, en tant que chef de la Commission de la sécurité, il recevait à l’époque des informations concernant le fonctionnement de l'État et sa sécurité. Quitte à violer la règle de la confidentialité.
"Maintenant, John va tirer à la lumière de Dieu les affaires qui devaient rester cachées. Avec une grande volonté il lancera un barrage d'artillerie contre le gouvernement, lequel son parti a dû quitter : en tant que membre de l'opposition, il n'a en effet plus les pouvoirs qu'il avait il y a 2 ans," a affirmé un expert des médias, Jan Potucek. Puisque la République tchèque est à quelques mois des élections, Radek John aura chaque semaine un espace médiatique pour mener sa campagne électorale – il gagnera même un salaire !
L’événement lance un grand débat sur la protection des informations confidentielles au grand public. Si la politique devrait être transparente et contrôlée par des autorités indépendantes, et si le public a un droit de regard, le cas de Radek John reste délicat. On peut aisément craindre l’utilisation de ces informations sensibles uniquement pour un profit personnel. Cette émission est considérée davantage comme un business politique, que comme un exemple d’objectivité.
Il ne nous reste plus qu’à attendre le 5 mars, date du pilote de l’émission. Les journalistes tchèques attendent avec impatience le format final et les grandes découvertes que le député présentera pendant ses 50 premières minutes à l´écran.
