Un nouveau président pour le Sénat camerounais

15 Juin 2013



Le 12 juin dernier, les sénateurs camerounais, récemment élus, ont choisi leur président. C'est Marcel Niat Njifenji, un fidèle du régime de Paul Biya, qui a été nommé.


Crédit Photo -- Afp/Seyllou
Crédit Photo -- Afp/Seyllou
Après les sénatoriales et les diverses nominations de Paul Biya en mai dernier, il ne manquait plus qu'un président pour le tout nouveau Sénat camerounais. Marcel Niat Njifenji a été choisi. Il devient donc le numéro 2 de l'État camerounais, et pourrait remplacer Paul Biya en cas de vacance du pouvoir. 

L'élection a eu lieu lors de la séance plénière du 12 juin. Le suspense était faible, Njifensi était le seul candidat en lice, dans un sénat entièrement acquis à la cause du RDPC, le parti de Paul Biya. Il a remporté l’élection avec 86 voix pour, 0 voix contre et 14 abstentions sur 100 voix au total. Le Sénat est dominé à 80 % par le RDPC, le parti de Paul Biya. Ce qui fait naturellement penser que le choix de Marcel Niat Njifenji serait en réalité celui de Paul Biya lui-même. Ainsi, le chef de l’État camerounais, comme à son habitude, a déjoué tous les pronostiques et toutes les spéculations de la presse camerounaise. En effet, l’opinion publique camerounaise voyait plutôt à ce poste l’ex premier ministre camerounais, l’anglophone Peter Mafany Musonge, président du groupe RDPC au Sénat. En d’autres termes, personne n’avait prévu l’arrivée de Marcel Niat Njifenji. Mais qui est cet homme ?

La rupture entre le Nord et le Sud

Marcel Niat Njifenji est certes l’homme que l’on attendait le moins, mais il n’est néanmoins pas inconnu du public camerounais. Né le 26 octobre 1934 à Bangangté dans la région de l’Ouest, Niat Njifenji est un ex-ministre et un fidèle serviteur du régime de P. Biya. Il a dirigé la Société nationale d’Électricité du Cameroun (SONEL) durant deux décennies et demie. C’est en France qu’il fait ses études supérieures où il obtient une Licence en Sciences et un diplôme d’Ingénieur de l’École supérieur de Sciences de l'information et d'Énergie électrique de Paris (SUPELEC).

À deux reprises, il devient ministre. C’est en septembre 1990 qu’il fait sa première entrée dans le gouvernement en qualité de ministre du Plan et de l’Aménagement du territoire. Entre avril et novembre 1992, il occupe, cumulativement avec ses fonctions de Directeur général de la SONEL, le poste de vice-Premier ministre chargé des Mines, de l’Eau et de l’Énergie.

C’est donc sur un de ses plus proches collaborateurs que Paul Biya a jeté son dévolu. Mais au Cameroun, c’est plus l’origine ethnique de Marcel Niat Njifenji qui fait l’objet des débats. Car il est originaire du peuple connu au Cameroun sous le vocable de « Bamiléké ». Les Camerounais se demandent pourquoi Paul Biya a confié le second poste le plus important de la République à un « Bamiléké » et non à un « Béti » (son ethnie d’origine) ou à un « Nordiste ».

Cette interrogation vient du fait qu’au Cameroun, les Bamilékés sont considérés par leurs détracteurs comme ceux à qui il ne faudrait pas confier la gestion suprême du pouvoir politique étant donné qu’ils détiennent déjà le pouvoir économique. Un ex-ministre et baron du régime de Paul Biya avait d’ailleurs dit une phrase restée célèbre au Cameroun : « Un Bamiléké à Etoudi ? Jamais ! » Les Nordistes, quant à eux, s’attendaient à ce que le pouvoir retourne dans leur camp, c'est-à-dire que Paul Biya le redonne à un Nordiste puisque c’est d’un Nordiste, Ahmadou Ahidjo, que P. Biya avait reçu le pouvoir en 1982. Ainsi, l’axe Nord – Sud se trouve désormais décapité. Après avoir octroyé le secrétariat général du RDPC pour la première fois à un Bamiléké, le chef de l’État camerounais vient d’octroyer le poste de son successeur constitutionnel à un Bamiléké. S’agit-il là du réalisme politique ou du respect d’un pacte sudiste ?

Les partis de l’opposition ont aussi réagi à l'élection de Marcel Niat Njifenji. L’UDC a salué son arrivée en soutenant que c’était l’homme qu’il fallait. Au contraire, le SDF n’a pas donné de jugement sur cette élection, mais a plutôt exigé la création d'un Conseil constitutionnel qui n’existe pas encore au Cameroun. Jusqu’ici, c’est la Cour suprême qui jouait son rôle. Quoi qu’il en soit, maintenant que le dernier maillon de la chaîne a été désigné, la succession de Paul Biya est désormais en marche.

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Etienne SEGNOU
Correspondant à Douala, au Cameroun, pour Le Journal International. En savoir plus sur cet auteur