Cela faisait plusieurs mois que le retrait du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), groupe considéré comme terroriste par la Turquie et l’Union européenne, avait été annoncé par ses dirigeants. Les rebelles ont en effet commencé à quitter la Turquie le 8 mai pour se diriger vers le nord de l’Irak selon les informations du numéro 2 du PKK, Murat Karayilan.
Un retrait sous tension
Ce retrait est principalement l’œuvre d’un homme, Abdullah Öcalan. Le créateur du PKK, enfermé depuis 1999, a appelé le 21 mars à un cessez-le-feu historique avec Ankara. Dans cette déclaration prononcée à l’occasion du Nouvel An kurde, il a demandé au mouvement de renoncer à un État kurde indépendant et de militer pour une autonomie politique au sein de la Turquie. Cela signifierait à terme la fin de la lutte armée, qui devrait se transformer en lutte politique. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan approuve l’initiative, et envisage déjà l’étape suivante, « L’important, ce n’est pas le retrait, mais le désarmement de l’organisation. »
On compte 2000 rebelles kurdes en Turquie, auxquels s’ajoutent 2500 combattants dans les bases arrière du mouvement sur le sol irakien. Les Irakiens qui habitent près de la frontière s’inquiètent de voir s’installer des membres du PKK dans leur région, ce qui pourrait motiver des raids de l’armée turque. Dans un communiqué, le gouvernement irakien s’est plaint de l’arrivée de ces hommes armés sur son territoire, craignant une violation de sa souveraineté. Olivier Grojean, spécialiste de la question kurde et maître de conférence en sciences politiques à l’université Aix-Marseille, rappelle que « si le gouvernement irakien ne peut pas faire grand-chose, le gouvernement régional kurde est un peu embêté par cet afflux de combattants dont le sort n'est absolument pas résolu… ».
La question kurde dépasse en effet les frontières. Ce peuple d’origine indo-européenne, à majorité musulmane sunnite, est établi sur près d’un demi-million de kilomètres carrés, aux confins de la Turquie, de l’Iran et de la Syrie. Les Kurdes, qui ont su préserver leurs traditions et un mode d’organisation clanique, revendiquent pour certains la création d’un Kurdistan turc, désigné par les autorités sous le terme « Région de l’Anatolie du Sud-est ».
On compte 2000 rebelles kurdes en Turquie, auxquels s’ajoutent 2500 combattants dans les bases arrière du mouvement sur le sol irakien. Les Irakiens qui habitent près de la frontière s’inquiètent de voir s’installer des membres du PKK dans leur région, ce qui pourrait motiver des raids de l’armée turque. Dans un communiqué, le gouvernement irakien s’est plaint de l’arrivée de ces hommes armés sur son territoire, craignant une violation de sa souveraineté. Olivier Grojean, spécialiste de la question kurde et maître de conférence en sciences politiques à l’université Aix-Marseille, rappelle que « si le gouvernement irakien ne peut pas faire grand-chose, le gouvernement régional kurde est un peu embêté par cet afflux de combattants dont le sort n'est absolument pas résolu… ».
La question kurde dépasse en effet les frontières. Ce peuple d’origine indo-européenne, à majorité musulmane sunnite, est établi sur près d’un demi-million de kilomètres carrés, aux confins de la Turquie, de l’Iran et de la Syrie. Les Kurdes, qui ont su préserver leurs traditions et un mode d’organisation clanique, revendiquent pour certains la création d’un Kurdistan turc, désigné par les autorités sous le terme « Région de l’Anatolie du Sud-est ».
Une question politique
Sur le qui-vive, de nombreux rebelles demandent encore la remise en liberté de leur chef, ou du moins son assignation à résidence. « Quand il s'agira de réfléchir au sort de ces milliers de combattants réfugiés en Irak, quand les questions politiques seront sur la table, on peut imaginer des dissensions », prédit Olivier Grojean. « Et c'est à ce moment que se posera encore plus fortement la question de la libération d’Öcalan, ou en tous cas de sa réapparition dans l'espace public, car lui seul a l'autorité et la légitimité nécessaire pour éviter les scissions. LE PKK craint également qu’Ankara profite de la situation pour lui infliger de lourdes pertes. Les rebelles kurdes gardent le souvenir amer de la trêve unilatérale de 1999 : alors que 500 Kurdes quittaient les montagnes, l’armée turque les avait attaqués. « Ce retrait est historique, mais ce qui est aujourd'hui le plus frappant, c'est l'apparente volonté du gouvernement de s'engager réellement dans un processus de paix », analyse Olivier Grojean. « C'est la première fois que l'armée observe elle-même un cessez-le-feu tacite. Le flou extrême qui caractérise ce processus est pour l'instant un atout. »
Le gouvernement, qui a finalement accepté que les rebelles quittent le territoire avec leurs armes, leur a accordé des garanties. Erdoğan s’est ainsi engagé à leur assurer un sauf-conduit pour le Kurdistan irakien. Si les Kurdes peinent encore à bénéficier d’une réelle représentation politique, le projet de nouvelle Constitution en Turquie pourrait élargir leurs droits. Un « paquet législatif » a été déposé au Parlement par le gouvernement en mars, dans le but de remettre en liberté des centaines de Kurdes incarcérés pour leurs liens présumés avec le PKK.
Le gouvernement turc a tout à gagner à la fin d’un conflit qui aurait fait 45 000 morts depuis le début de la lutte armée en 1984, mais il doit également prendre en compte une opposition qui guette le moindre faux pas. Le CHP (Parti républicain du peuple, kémaliste) a ainsi qualifié les « marchandages avec l'organisation terroriste » de « déshonorants ». Le double attentat du 11 mai à Reyhanli, dans le sud de la Turquie proche de la Syrie, a ravivé les tensions. Les rebelles kurdes ont bien vite été accusés. La responsabilité de l’attentat a par la suite été attribuée à un groupuscule marxiste turc à la solde du régime syrien.
Le gouvernement, qui a finalement accepté que les rebelles quittent le territoire avec leurs armes, leur a accordé des garanties. Erdoğan s’est ainsi engagé à leur assurer un sauf-conduit pour le Kurdistan irakien. Si les Kurdes peinent encore à bénéficier d’une réelle représentation politique, le projet de nouvelle Constitution en Turquie pourrait élargir leurs droits. Un « paquet législatif » a été déposé au Parlement par le gouvernement en mars, dans le but de remettre en liberté des centaines de Kurdes incarcérés pour leurs liens présumés avec le PKK.
Le gouvernement turc a tout à gagner à la fin d’un conflit qui aurait fait 45 000 morts depuis le début de la lutte armée en 1984, mais il doit également prendre en compte une opposition qui guette le moindre faux pas. Le CHP (Parti républicain du peuple, kémaliste) a ainsi qualifié les « marchandages avec l'organisation terroriste » de « déshonorants ». Le double attentat du 11 mai à Reyhanli, dans le sud de la Turquie proche de la Syrie, a ravivé les tensions. Les rebelles kurdes ont bien vite été accusés. La responsabilité de l’attentat a par la suite été attribuée à un groupuscule marxiste turc à la solde du régime syrien.
Un racisme toujours présent
Le sort des journalistes qui évoquent le sujet reste tendu. Quarante-six journalistes arrêtés en décembre 2011 ont été jugés à Silivri à partir du 24 avril. Seuls deux journalistes ont été libérés, vingt-quatre autres restant en détention, en attendant la prochaine audience en juin. Ce procès attise des tensions et pourrait aller à l’encontre du processus. « Ces procès sont toujours des procès politiques et sont en cela très sensibles », analyse Olivier Grojean. « Ils montrent que le système judiciaire peut toujours être un instrument anti-kurde, qu'il ne joue pas son rôle de contre-pouvoir, et qu'il permet toujours de réduire une liberté d'expression très précaire en Turquie quand il s'agit de la question kurde. »
Si le processus de pacification semble aller dans le bon sens au plus haut niveau de l’État, les Kurdes restent aujourd’hui encore victimes de racisme. « Comme le montre Clémence Scalbert-Yücel dans un ouvrage à paraître, la "normalisation" de la question kurde ne signifie pas fin de la hiérarchisation ethnique : les Kurdes sont toujours souvent présentés et pensés comme des êtres arriérés, non développés, pris dans leurs traditions rétrogrades. Et les violences anti-kurdes n'ont pas été rares ces dernières années, de la part d'une population turque dont de larges segments restent très nationalistes. », explique Olivier Grojean. Si les Kurdes se disent prêts à enterrer la hache de guerre, des conflits plus latents peuvent encore menacer le processus de pacification.
Si le processus de pacification semble aller dans le bon sens au plus haut niveau de l’État, les Kurdes restent aujourd’hui encore victimes de racisme. « Comme le montre Clémence Scalbert-Yücel dans un ouvrage à paraître, la "normalisation" de la question kurde ne signifie pas fin de la hiérarchisation ethnique : les Kurdes sont toujours souvent présentés et pensés comme des êtres arriérés, non développés, pris dans leurs traditions rétrogrades. Et les violences anti-kurdes n'ont pas été rares ces dernières années, de la part d'une population turque dont de larges segments restent très nationalistes. », explique Olivier Grojean. Si les Kurdes se disent prêts à enterrer la hache de guerre, des conflits plus latents peuvent encore menacer le processus de pacification.