Thaïlande : l’état d’urgence décrété à Bangkok

Ariane Kupferman, à Bangkok
22 Janvier 2014



A Bangkok, où l’on manifeste contre le gouvernement de Yingluck Shinawatra depuis plus de 80 jours, l’état d’urgence vient d’être prononcé hier soir, 18h30 heure locale. Le décret s’applique à la capitale ainsi que trois de ses provinces limitrophes, Samut Prakan, Prathum Thani et Nonthaburi.


© Ariane Kupferman/Le Journal International
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L’état d’urgence est décrété. Cette promulgation fait suite à plusieurs journées de violences en marge des manifestations, des incidents qui contrastent avec l’ébullition festive et l’ambiance de braderie qui animent normalement la ville. Les tirs et lancers de grenade sur les manifestants qui se sont récemment amplifiés ont fait un mort la semaine dernière et blessé plus d’une soixantaine de personnes.

Alors que les deux camps se rejettent mutuellement la faute, celle-ci est généralement attribuée aux forces pro-gouvernement. Le porte-parole de la majorité parlementaire Anusorn Iamsaard accusait cependant l’opposition d’avoir perpétré ces violences et d’en faire endosser la responsabilité au gouvernement, dans le but de déclencher un coup militaire.

C’est que le souvenir du mois de septembre 2006 reste encore vivace dans la mémoire des Thaïlandais. Alors qu’il se rendait à l’Assemblée générale des Nations Unies, l’ex-Premier ministre (et frère de l’actuelle Première ministre) Thaksin Shinawatra a vu son gouvernement renversé par l’armée. Il était par ailleurs condamné pour corruption et abus de pouvoir et se trouve présentement en exil à Dubaï. S’en sont suivies huit années de crise politique dont le pays n’est pas près de sortir.

Viol de la Constitution

La récente tentative par Yingluck Shinawatra de déclarer une amnistie générale qui inclurait notamment son frère a suscité l’hostilité d’une large partie de la population. Elle voit en lui l’homme qui a divisé le pays. La polarisation des idées politiques a atteint son apogée dans les manifestations des deux derniers mois, paralysant les points névralgiques de la capitale thaïlandaise ainsi que plusieurs ministères.

Les manifestants reprochent en outre à Mme Shinawatra d’avoir violé la Constitution, légiféré en faveur d’intérêts privés et de vouloir soustraire à la vue du public d’énormes postes de dépense. La Première ministre est en ce moment mise en examen par la Commission nationale anti-corruption à la suite d’un scandale de subventions aux agriculteurs.

L’état d’urgence qui a débuté à minuit ce 22 janvier 2014 remet peut-être en cause le déroulement d’élections parlementaires prévues pour le 2 février, un vote que l’opposition appelait par ailleurs à boycotter. Il implique la possibilité d’arrestations sommaires, la fermeture d’organes de presse ainsi que l’interdiction de rassemblements politiques. Dans un discours qu’il a tenu ce soir au coeur de Bangkok, le leader de l’opposition Suthep Thaugsuban a cependant affirmé vouloir défier le décret et continuer à manifester.

© Ariane Kupferman/Le Journal International

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