Slovénie : l'adhésion de la Croatie à l'UE fait débat

Claire Estagnasié
5 Juillet 2013



Lundi 1er juillet, la Croatie est devenue le 28e membre de l’Union européenne. Une adhésion qui n’est pas vue d’un bon œil par le pays voisin, la Slovénie. Le Journal International vous propose un regard unique, celui d'Européens sur de nouveaux Européens, les Slovènes s'expriment sur les Croates.


Crédits photo -- Belga/EPA/A.Bat
Crédits photo -- Belga/EPA/A.Bat
Bienvenue dans l'Union européenne », a clamé le président de la Commission européenne José Manuel Barroso aux Croates rassemblés à Zagreb, juste avant que l’hymne de l'UE ne résonne. La Croatie fait donc son entrée dans le grand bain européen, après la Roumanie et la Bulgarie intégrées en 2007. Pour l’occasion, les présidents de tous les pays des Balkans étaient au rendez-vous. Parmi eux, Borut Pahor, le chef d’État slovène. Les tensions entre les deux pays voisins, autrefois réunis dans l’ex-Yougoslavie, sont vivaces. La guerre des Balkans a laissé des cicatrices indélébiles qui relancent des piques de temps à autre, sous forme de litiges transfrontaliers ou financiers. La Slovénie a d’ailleurs tardé à approuver cette décision avant de ratifier l’entrée de son voisin le 2 avril 2013.
 
La Slovénie, dans l’Union européenne depuis 2004 et dans la zone euro depuis 2007, cristallise les inquiétudes des instances financières depuis le mois de mars 2013, allant même jusqu'à la qualifier de « nouvelle Chypre de la zone euro ». Considérée auparavant comme l’État le plus prospère des Balkans, la Slovénie est désormais assimilée aux pays d'Europe du Sud ne bénéficiant pas d'une réussite économique flagrante. Autant dire que, outre les vieilles rancœurs historiques slovéno-croates, Ljubljana s'inquiète de l'entrée de la Croatie dans le club des 28.

Une adhésion qui ne fait pas l’unanimité

L’entrée de la Croatie fait l’objet de toutes les discussions à l’Université de Maribor. Viktoria, étudiante en droit, estime que « l’Union européenne ne s’intéresse à la Croatie que pour son tourisme. Or le tourisme, ça ne marche que l’été ». Elle nous fait part de l’euroscepticisme de ses camarades : « Les gens ici critiquent beaucoup l’Union européenne, et pensent que l’Allemagne va prendre le contrôle de l’UE. À long terme, l’adhésion n’est pas bonne pour ce pays, ils vont connaître les mêmes déboires que nous, les Slovènes : tous les prix vont monter, mais pas les salaires, et la crise va s’aggraver ». Benjamin, lui, s’inquiète du problème de la corruption : « La Croatie est encore plus corrompue que la Slovénie, qui en souffre déjà beaucoup… ». En effet, en 2012, l'ONG Transparency International a classé la Croatie au 62e rang mondial sur 176, dans son index de perception de la corruption, soit derrière le Rwanda, la Jordanie et Cuba.

Pourtant, Zagreb est considéré comme l’économie la plus prospère de l’ex-Yougoslavie après la Slovénie, et c’est d’ailleurs pour cela que le statut de candidat a été accordé à la Croatie dès 2004. L’avenir est encore plus incertain pour autres pays balkaniques de l’ancien État yougoslave : le Monténégro a obtenu le statut de candidat le 17 décembre 2010 et la Serbie le 1er mars 2012, mais pour l’instant aucun élargissement n’est à l’ordre du jour. Les discussions concrètes avec la Serbie ne vont commencer qu’en 2014. Quant à la Bosnie-Herzégovine et au Kosovo, ils ne sont considérés que comme candidats potentiels. L’inquiétude des Slovènes peut se comprendre : avec des adhésions au compte-goutte des pays des Balkans dans l’Union européenne, la peur de voir éclater une nouvelle guerre yougoslave pointe le bout de son nez. Ce sera en effet la première fois depuis la fin du conflit en 2001 que ces États se trouveront à nouveau réunis dans une même entité, l’UE.

Katerina, avocate, estime que « la Croatie est trop pauvre pour intégrer l’Union européenne, et son économie pas assez compétitive. Comme nous, mais en pire. Ils vont couler ». Il est vrai que les défis à relever sont ambitieux : le PIB croate est de 39% en dessous de la moyenne européenne (seules la Roumanie et la Bulgarie sont derrière). Avec un taux de chômage de 20% (plus de 50% pour les jeunes) pour seulement 4,2 millions d’habitants, la Croatie devra désormais redresser la barre par des mesures d’austérité. Le pays, en récession depuis 2009, compte bien sur son adhésion à l’Union européenne pour encourager les investissements étrangers, qui permettraient de relancer son économie en perte de vitesse.

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