Slovaquie : les sciences, premières victimes de la politique d'austérité ?

23 Août 2013



Dans le cadre des économies réalisées afin de satisfaire la règle d'or budgétaire, le gouvernement slovaque envisage de réduire encore le budget de l’Académie slovaque des sciences, la principale institution scientifique en Slovaquie regroupant 70 organisations. Une mesure audacieuse, au vu du retard déjà existant du pays, dans ce domaine.


Crédit Photo -- Slovenskà Zdravotnicka univerzita v Bratislave / szu.sk
Crédit Photo -- Slovenskà Zdravotnicka univerzita v Bratislave / szu.sk
Le gouvernement slovaque envisage de réduire encore le budget de l’Académie slovaque des sciences, même en régime d’austérité, une coupe de 17 % du budget alloué au Science semble plus qu'audacieuse. Le sous-investissement chronique en Science, plaçant déjà la Slovaquie à la queue des pays européens. D’après la déclaration sur le programme gouvernemental 2012 – 2014, « le gouvernement reconnaît que la recherche et le développement est l'un des facteurs les plus importants pour le développement ultérieur de la Slovaquie, dans l’objectif d’améliorer la qualité de vie de ses citoyens même en temps de crise économique, sociale, financière et morale ». Or cet énoncé solennel se heurte à la triste réalité des faits.
 
En Slovaquie, il est de coutume pour chaque nouveau gouvernement de déclarer son intention de bâtir – finalement – une véritable « économie de connaissance », en insistant sur l’importance de la science comme premier pilier du succès d’une économie compétitive. Même si le pays est actuellement « prospère », étant devenu une des premières puissances mondiales dans le domaine de la production automobile, l'on assiste à une prise de conscience générale du caractère éphémère de ce modèle « d’usine », de ce modèle industriel. Les perspectives sont même alarmantes. L'industrie slovaque, reposant essentiellement sur une structure donnant la part belle aux emplois sous-qualifiés, a contrario on constate la faible part de la production à forte valeur ajoutée, la faible part des produits innovants.
 
Ce constat ne devrait pas surprendre vu l’investissement dérisoire dans la science, qui ne représente que 0,48% de PIB, tandis que la moyenne européenne est de 1,8%. Ce qui vaut la Slovaquie 20e place dans le classement de la performance d’innovation des pays européens. Déjà problématique, le manque de fond alloué à la Science vient de subir ce qui n'est pas loin de ressembler à un coup fatal, ce dernier porté par la proposition du budget 2014 – 2016.

De la sous-alimentation lente à la solution finale ?  

Le gouvernement envisage une coupe budgétaire de 17%. Ce qui représente pas moins de 11 millions, sur le budget total de 60 millions de l’Académie slovaque de sciences. Plus précisément, 20% de ces économies devraient permettre une importante opération de réduction du personnel, par le licenciement de 20% de scientifiques (600 sur 2 800), ceci dans le contexte où le drainage de cerveaux représente d'ores et déjà un problème inquiétant. Le salaire moyen des employés de l’Académie est de l'ordre de 820 euros (tandis que le salaire moyen en Slovaquie est de 805 euros) – une somme qui pousse de nombreux chercheurs vers des emplois à l'étranger, bien plus attractif.
 
Personne ne s'oppose à la nécessité de faire des économies, afin de ne pas franchir le seuil des 3% de déficit et, pour remédier à l'explosion de la dette, qui atteint le niveau record de presque 57%. Reste que personne ne pense qu'une croissance durable et la prospérité puissent se passer de la science. Seul le gouvernement semble le penser.

Le reflux de l’initiative mortifère de gouvernement ?

Toutefois, les deux partis ont été amenés à reconnaître la nécessite de négociation afin de parvenir au compromis. L’Académie slovaque des sciences s’est déclarée prête à faire des efforts, de se soumettre à des aménagements afin d’améliorer l’efficacité des dépenses gouvernementales, ainsi que ses résultats. D’ailleurs ce processus s’insère dans le cadre de la réforme générale du secteur public (ESO) entamé par le gouvernement de Robert Fico II. La mesure clé pour l’avenir de l‘Académie est notamment le changement des statuts légaux de ces instituts – leur transformation en établissements publics de recherche va simplifier l’accès aux financements externes .

Parallèlement, le gouvernement a également décidé d’exprimer sa bonne volonté, vu l’effort de la part de l’Académie. D’après la nouvelle proposition prévisionnelle du budget pour la période 2014 – 2016, le programme d’austérité se voit adouci. Désormais, l’objectif n’est plus d’atteindre un déficit de l'ordre de 2,4%, mais seulement de 2,9%. En ce qui concerne la science plus spécifiquement, les projets initiaux sont pour le moment révisés à la hausse. Finalement, le budget de l’Académie des sciences va être maintenu sur le même niveau, au lieu de subir la réduction de 17%.

Comment expliquer un tel changement d’avis radical ? Nombreux sont ceux à penser que l’indignation de la communauté scientifique, suite à la proposition initiale qui avaient eu que peu d'écho, est loin d’être la raison. Un facteur plus important pourrait être le programme Europe 2020, dont les recommandations pour les pays membres étaient à atteindre un objectif d’investissement de 3% de leur PIB. Or vu l’ampleur d’adoucissement de l’austérité en général, certains sont allés jusqu’à y voir « l’effet candidat » – l’intention du premier ministre Robert Fico d’éviter un présenter un budget impopulaire et clivant, dans la perspective de l’élection présidentielle de l’année prochaine. La science devenant ainsi « otage » de ce jeu politique, un constat préoccupant pour la société slovaque. Plus inquiétant encore, le peu de réaction et de mobilisation de la part des médias, mais surtout de la part des citoyens.

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