“¿Chile? ¡La Buena Onda!”. Nos pieds commencent à peine à fouler le sol chilien que déjà nous voilà accueillis par ces cris de bienvenue, ceux-là mêmes qui nous accompagneront jusqu’à notre départ de ce pays latino-américain. La sympathie des habitants est en effet frappante alors qu’en France la coutume est plus à la froideur. Les chiliens abusent de sourires et de plaisanteries, veillent à notre confort et à notre satisfaction, et insistent pour être pris en photo et immortalisés dans nos albums. Contrairement à des régions plus au nord du continent sud-américain, ils ne semblent pas, dans l’ensemble, agir de manière intéressée : leur plaisir est de nous entendre nous émerveiller, nous, étrangers, au sujet de leur pays, leurs villes, leurs quartiers, leurs magasins, leurs taxis. Ils sont très bavards et ne cessent de demander si leur capitale est en mesure d’égaler la lumineuse, romantique et riche capitale française.
Ils en oublieraient presque les charmes de Santiago. Alors que j’imaginais une ville immense, surpeuplée et polluée, j’ai découvert une ville certes grande, très peuplée (plus de 7 millions d’habitants) et recouverte d’un constant nuage de pollution, mais cependant belle et aérée. Dans ces grandes métropoles d’Amérique latine bien souvent envahies par de hauts immeubles gris, il est difficile de trouver des espaces vierges de constructions. Ici au contraire, au milieu de ces grands bâtiments surgissent ici et là des parcs, des espaces verts, des pistes cyclables, que délimitent les arbres plantés le long des routes. Il est d’autant plus agréable de se promener dans les quartiers hétéroclites de Santiago pendant que le vent frais atténue la chaleur de l’été (30 degrés en moyenne).
De fait, les quartiers nord sont plus populaires. Moins bien entretenus, plus sales, plus pauvres et parfois plus dangereux, ils conservent cependant leur charme : les rues plus étroites sont pavées ; les habitants parlent fort, sont joyeux et nous préviennent des dangers éventuels que nous pourrions rencontrer. C’est là qu’on trouve le fameux Mercado Central (http://mercadocentral.cl/) : il déborde de petits stands de vêtements, d’aliments de base, de jus de fruits naturels, de petits objets en tout genre (porte-clés, lentilles de contact, stickers, raquettes, etc.). A l’étage supérieur se trouvent les restaurants : les clients se serrent autour des tables, les serveurs circulent vite ; beaucoup sont des locaux et des habitués ; peu sont des touristes. Les quartiers sud sont plus riches. On y rencontre les jeunes, les touristes, les familles chiliennes plus aisées. Le choix de restaurants est plus large et on ne sait que choisir entre repas chilien, péruvien, ou encore italien. C’est là aussi que se situe le quartier bourgeois de Santiago, Bella Vista, particulièrement agréable : les maisons sont pleines de couleurs, les tags envahissent les murs, les rues regorgent de boutiques en tout genre, de restaurants, de bars. On y retrouve une grande partie des étudiants, des artistes et intellectuels, ainsi que la trace de Pablo Neruda qui est ici la plus visible !
Un pays se découvre également par sa gastronomie et ses spécialités culinaires. Où que l’on soit dans la ville, on rencontre des vendeurs ambulants, et l’on ne peut éviter ceux qui vendent le fameux « Mote con Huesillos» : d’apparence peu ragoûtante, il s’agit d’une semi boisson versée dans un gobelet en plastique. Au fond sont visibles des grains jaunâtres semblables à de l’Ebly (el mote, le blé cuit), par-dessus sont posées une ou deux pêches séchées (huesillos), et le tout nage dans le jus des pêches mélangé à de la cannelle, du sucre et de la peau d’orange. Le Mote se consomme très frais et est particulièrement rafraîchissant en ces journées chaudes d’été. Il est également possible de se rafraîchir avec les Trugos que vendent d’autres marchands ambulants : ce sont des sorbets naturels, faits avec des fruits frais en morceaux (fraise, fruit de la passion, mangue) mélangés à du sucre et contenus dans des tubes fins et souples dont on aspire le contenu. En nourriture rapide, ce sont essentiellement des sortes de hot-dogs que l’on trouvera, notamment le fameux Completo, ce pain brioché fourré à la saucisse, aux tomates, à la purée d’avocat et à la mayonnaise, et auquel les plus aventuriers pourront rajouter de la choucroute ! En ce qui concerne les « vrais » plats, ce sont bien souvent des grands potages où se mélangent viande ou poisson, légumes, féculents et fromage.
Le coût peu élevé de la vie –en le comparant à l’Europe car le Chili reste parmi les pays chers d’Amérique du sud–, permet ainsi de manger de tout, de se déplacer facilement, et de monter par exemple jusqu’au sommet de la colline de San Cristobal (860 mètres) où trône une grande Vierge Marie blanche. De là, elle domine la ville, et les visiteurs, après une ascension vertigineuse en funiculaire, peuvent contempler la ville toute entière. On comprend son étendue considérable de la ville (640 km²), car où que l’on regarde, il est impossible d’en distinguer la limite : la ligne d’horizon se confond avec les immeubles, les montagnes, les nuages et la pollution.
La seule chose que l’on ne voit pas de là-haut est la présence majeure et pesante des forces de sécurité à n’importe quel endroit de la ville : police, gardes, armée, vigiles, gardiens, guets, gendarmes, troupes, affluent dans les rues et les quartiers. Chacun semble avoir sa spécialité et ne se mélange pas avec la brigade voisine ; tous sont sérieux et peu bavards. Pourtant, le danger n’est pas facile à détecter. Enfin, la capitale est en travaux dans bon nombre de quartiers, ce qui confère à l’ensemble une atmosphère parfois chaotique. Le plus étonnant est de constater que la majeure partie des travaux, des forces de sécurité et du danger se situent dans le centre, à savoir le quartier historique où l’on ne s’attend pas à devoir faire plus attention que dans des quartiers plus au nord. De manière générale, les touristes doivent de toute façon être vigilants : très facilement repérables, ce sont des cibles idéales pour des marchands ambulants ou des chauffeurs de taxis qui n’hésitent parfois pas à augmenter excessivement leurs prix. J’en ai d’ailleurs fait les frais : de faux chauffeurs de taxis rôdent dans les quartiers plus touristiques et sont dotés de faux compteurs, leur permettant de faire passer une course de normalement 2000 pesos (2.60 €) à 7000 pesos (9 €) … Mais l'aventure ne s'arrête pas là, il est maintenant temps de prendre la route vers Valparaiso...