Crédit Photo -- Marie Roussel | Le Journal International
Le premier contact avec la ville de Koursk est bien sûr quelque peu âpre. Aucune règle précise ne semble ordonner le trafic routier, qui doit donc se réguler de lui-même. Sur l'autoroute, le nombre de voies varie de deux à quatre en un clin d'œil et personne n'est surpris de se faire doubler par la droite ou de recevoir sur sa carrosserie une pierre lancée par un déçu du stop.
Quant aux paysages, ils sont pour le moins charmants. Les forêts alternent avec des villes qui se distinguent peu des routes autour desquelles elles sont bâties. Le contraste est remarquable entre les énormes bâtiments surplombant de gigantesques places – vestiges de l'époque soviétique – et, parfois immédiatement à côté, de petites baraques de pierre, voire de bois, à propos desquelles on se demande légitimement comment elles ne se sont toujours pas écroulées.
Une grande partie des logements est souvent insalubre : l'eau n'y est souvent ni chaude ni potable et les installations électriques sont d'un niveau de sécurité douteux. Les fenêtres brisées par des températures extrêmes et les rues qui se transforment en un torrent sale à la moindre pluie n'améliorent pas le confort.
Quant aux paysages, ils sont pour le moins charmants. Les forêts alternent avec des villes qui se distinguent peu des routes autour desquelles elles sont bâties. Le contraste est remarquable entre les énormes bâtiments surplombant de gigantesques places – vestiges de l'époque soviétique – et, parfois immédiatement à côté, de petites baraques de pierre, voire de bois, à propos desquelles on se demande légitimement comment elles ne se sont toujours pas écroulées.
Une grande partie des logements est souvent insalubre : l'eau n'y est souvent ni chaude ni potable et les installations électriques sont d'un niveau de sécurité douteux. Les fenêtres brisées par des températures extrêmes et les rues qui se transforment en un torrent sale à la moindre pluie n'améliorent pas le confort.
La Russie et le monde
Avec cet aperçu depuis la Russie centrale, il convient de se pencher sur les relations qu'entretient ce pays avec le reste du monde. Parallèlement à un racisme de type disons classique, l'étranger est ici considéré de manière ambiguë. Les questions que l'on pose souvent sont : pourquoi un Français ou un Anglais, qui a chez lui toutes les infrastructures nécessaires, vient-il en Russie, si ce n'est pour nous espionner ? Comment pouvez-vous vous intéresser sincèrement à la Russie, alors que personne ne nous aime ? Les Russes de Koursk, pas ceux évidemment de Moscou ou Saint-Pétersbourg habitués aux hommes d'affaires, diplomates et touristes internationaux, pensent réellement être détestés dans le monde. Curieusement, ou bien logiquement, la présence d'une délégation franco-autrichienne à l'Université d'État est observée, immortalisée par des photos ensuite exposées sous vitre.
Les Russes auraient, semblent-il, ici peur de la mondialisation, ou plutôt du Nouveau Monde. Les relations internationales contemporaines sont évidemment plus multipolaires qu'à l'époque de la Guerre froide, et pourtant la Russie continue à vouloir se comparer aux États-Unis – en ne prenant en compte que les critères qui l'avantagent. Ainsi, leur méfiance de principe envers l'étranger s'estompe rapidement quand ils constatent, avec plaisir, que l'on s'efforce de nouer le contact en russe, et que l'on ne se sent nullement supérieur à eux.
Les gens peuvent ainsi se montrer très chaleureux. Notre groupe d'une quinzaine d'étudiants occidentaux, ne maîtrisant pas parfaitement le russe, a pu sympathiser en un instant avec un homme d'une cinquantaine d'années et son fils, des Ukrainiens, pour plaisanter sur Gérard Depardieu – en tant que Français, l'étiquette n'est pas flatteuse –, prendre des photos et nous rendre au bord de la rivière pour un barbecue.
Les Russes auraient, semblent-il, ici peur de la mondialisation, ou plutôt du Nouveau Monde. Les relations internationales contemporaines sont évidemment plus multipolaires qu'à l'époque de la Guerre froide, et pourtant la Russie continue à vouloir se comparer aux États-Unis – en ne prenant en compte que les critères qui l'avantagent. Ainsi, leur méfiance de principe envers l'étranger s'estompe rapidement quand ils constatent, avec plaisir, que l'on s'efforce de nouer le contact en russe, et que l'on ne se sent nullement supérieur à eux.
Les gens peuvent ainsi se montrer très chaleureux. Notre groupe d'une quinzaine d'étudiants occidentaux, ne maîtrisant pas parfaitement le russe, a pu sympathiser en un instant avec un homme d'une cinquantaine d'années et son fils, des Ukrainiens, pour plaisanter sur Gérard Depardieu – en tant que Français, l'étiquette n'est pas flatteuse –, prendre des photos et nous rendre au bord de la rivière pour un barbecue.
Orthodoxie, bureaucratie, police
N'ayant pas eu la chance, durant de mon séjour, d'assister à une cérémonie de culte orthodoxe, il me fut possible de visiter le célèbre monastère « tchiornaia korennaia pustyn » (чëрная коренная пустынь), nous permettant de nous immerger, selon la tradition, trois fois dans la rivière bénite. Il faut bien reconnaître que la plupart des visiteurs poursuivaient des fins touristiques et non religieuses. Luther, d'origine camerounaise, confirme que « les églises orthodoxes sont relativement vides si l'on ne compte pas les personnes les plus âgées. Au contraire, la communauté catholique romaine est, dans cette ville en tout cas, plus jeune. »
Crédit Photo -- Marie Roussel | Le Journal International
La Russie est connue pour être un pays à la tradition bureaucratique. Chaque entrant sur le territoire doit prendre bien garde à ne pas perdre son formulaire d'immigration, ni son certificat d'enregistrement. Dans le foyer où j'ai au résidé les premières semaines, les étudiants russes disaient savoir que les « babouchki » (бабушки, grands-mères) de la cabine de l'entrée épiaient leurs moindres faits et gestes et consignaient dans un cahier leurs heures d'arrivée et de départ et leur fréquentation d'autres chambres. Dans les rues, on croise de temps à autre des policiers. Bien plus souvent qu'en France à ce qu'il m'a pu sembler, ils se déplacent par deux ou trois. Leur présence n'est néanmoins pas intempestive.
Traces du soviétisme vs. modernité kitch
Lors d'une discussion sur le site d'une importante bataille de chars entre les forces nazies et soviétiques en 1943, une professeure de français née à la fin des années 1970 m'affirme très clairement se « considérer bien plus soviétique que russe, parce que de nos jours, il n'y a plus aucune valeur ». Elle « essaie de transmettre cette opinion à [sa] fille, mais [est] déçue que cette dernière se sente entièrement russe ».
Une pratique issue de l'époque soviétique a perduré, celle des abréviations. Il ne s'agit pas de sigles, mais de mots auxquels ont été supprimées des syllabes. Ainsi par exemple, papeterie, qui se dit « kantstovary » (канцтовары) au lieu de « kantseliarskie tovary » (канцелярские товары) dans le langage courant. Les cas sont nombreux. Par ailleurs, la rue principale de la ville de Koursk est toujours la Lenina (Ленина) – et ce personnage possède encore une statue à son effigie – et l'ancienne Maison des Conseils (дом советов) a conservé son inscription et sur sa façade ses faucilles et ses marteaux.
De l'autre côté, les voitures allemandes et japonaises s'exhibent, les bars à cocktails n'ont rien à envier à ceux des cités balnéaires de la Méditerranée, les mariages dont j'ai vu les séances photo en forêt sont souvent d'un faste kitschissime, on voit dans la main des gens les derniers smartphones, la plupart des femmes sont particulièrement à la mode. Surtout à Moscou, où j'ai passé quelques jours pour conclure en beauté, afficher sa modernité et sa « coolitude » est essentiel – affaire d'apparences dans cette ville bouillonnante.
Une pratique issue de l'époque soviétique a perduré, celle des abréviations. Il ne s'agit pas de sigles, mais de mots auxquels ont été supprimées des syllabes. Ainsi par exemple, papeterie, qui se dit « kantstovary » (канцтовары) au lieu de « kantseliarskie tovary » (канцелярские товары) dans le langage courant. Les cas sont nombreux. Par ailleurs, la rue principale de la ville de Koursk est toujours la Lenina (Ленина) – et ce personnage possède encore une statue à son effigie – et l'ancienne Maison des Conseils (дом советов) a conservé son inscription et sur sa façade ses faucilles et ses marteaux.
De l'autre côté, les voitures allemandes et japonaises s'exhibent, les bars à cocktails n'ont rien à envier à ceux des cités balnéaires de la Méditerranée, les mariages dont j'ai vu les séances photo en forêt sont souvent d'un faste kitschissime, on voit dans la main des gens les derniers smartphones, la plupart des femmes sont particulièrement à la mode. Surtout à Moscou, où j'ai passé quelques jours pour conclure en beauté, afficher sa modernité et sa « coolitude » est essentiel – affaire d'apparences dans cette ville bouillonnante.