Russie : le Kremlin garde la mainmise sur Moscou, Navalny conteste

9 Septembre 2013



Dix ans que les Moscovites n’avaient pas été appelés aux urnes pour élire leur maire. Sans grande surprise, Sergueï Sobianine a été élu maire avec 51,37 % des votes. Proche de Vladimir Poutine, il a affronté Alexeï Navalny, principal opposant au régime, qui a obtenu 27,24 % des suffrages. Le Journal International a recueilli les réactions des habitants de la capitale russe suite à cette élection.


Crédits photo -- Reuters
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La personne pour qui j’ai voté devrait bien s’en sortir », a déclaré hier Vladimir Poutine, qui est allé voter armé de son plus grand humour. Quatre heures après la fermeture des bureaux de votes, les résultats officiels n’étaient toujours pas connus. Avec 51,37 % des voix, Sergueï Sobianine, maire démissionnaire, a été élu au premier tour. Le Kremlin a donc bien gagné la bataille mais certainement pas la guerre. Pourtant, c’est bien le terme « élu » et non pas « réélu » qu’il faut employer, Sobianine ne s’était jamais frotté à l’épreuve des urnes mais avait bel et bien été nommé par le Président. Une élection qui lui permet d’asseoir sa légitimité avec un chiffre clair.

« Au final, nous gagnerons dans tous les cas »

Déclaration de Sobianine hier soir alors que le comptage des bulletins était en cours. Il ne s’est pas gardé d’ajouter que la ville avait organisé les élections « les plus honnêtes et les plus ouvertes à la concurrence de l’histoire de Moscou.» Quand on sait que le maire de la capitale était jusqu’à présent désigné par le Président, il est vrai qu’on ne pouvait que faire mieux … L’équipe et les sympatisants de Sobianine ont tenu à fêter la victoire avant les résultats officiels et pas n’importe où, puisque c’est sur la place Bolotnaya qu’auront lieu les festivités. Cette place n’est autre que l’endroit qui a accueilli les deux manifestations anti-Poutine en 2011. Le taux de participation a été de 32 %, un chiffre bien faible qui montre le peu d’intérêt que les Moscovites ont eu pour cette élection municipale (57 % en 2003).


Malheureusement, impossible de passer à côté du chapitre des falsifications de votes. L’équipe de campagne d’Alexeï Navalny n’a pas tardé à suspecter des tentatives de fraudes. Même le principal observatoire de cette élection, Golos a rapporté des dysfonctionnements dans les listes d’électeurs. Liza, habitante de la province de Moscou, affirme que les fraudes n’ont pas vraiment été cachées : allant de l’interdiction de filmer le dépouillement au classique votant autorisé à glisser 10 enveloppes dans l’urne. Bien sûr, rien ne peut prouver de quel camp proviennent ces dysfonctionnements mais le doute est là, comme à son habitude… Ekaterina a voté pour cette élection, elle nous confie « J’ai vu la liste de mon bureau de vote. Il n’y avait que 2 signatures, la liste était vide, mais je suppose que l’on se chargera de faire voter fictivement les absents… ! »

Navalny, la grande surprise

Navalny a pu participé librement à cette élection (il a été jugé pour détournements de fonds il y a quelques semaines). Pour Liza, « cette période électorale a été plus intéressante que d’ordinaire étant donné que c’était la première fois que l’opposition était autorisée à se présenter. Bien sûr, si Poutine l’a laissé participer à l’élection, ce n’est pas un hasard. »

Pas de prison pour le principal opposant au féroce Kremlin. Acte de bonté ou tentative d’innocence face à l’opinion publique ? Peur des représailles (laissez-moi rêver...) ? Volonté de prouver que la démocratie existe bien en Russie ? Son score aussi est étonnamment élevé. Anatoliy, 34 ans, vit à Moscou. Il a suivi avec intérêt cette élection et reste « très surpris qua Navalny ait enregistré un tel pareil ». D’après Alexeï Mukhin, expert Center for Political Information à Moscou, Navalny a « atteint son objectif » en se positionnant comme un homme politique très influent (source : RFE/RL). Il y a une semaine, tous les analystes estimaient que Navalny pourrait faire environ 15 %, mais pas un de plus.

Pour le jeune avocat, les résultats ont été falsifiés afin d’éviter à Sobianine le tête-à-tête du second tour. Il promet que les Russes qui veulent changer la Russie descendront dans la rue tant que l’administration n’admettra pas son « erreur ». Le candidat anti-corruption a déjà été autorisé à organiser une manifestation dans le centre de Moscou ce soir.


Sobianine réélu au centre de la Russie, que va devenir Moscou ? Quelles sont les mesures politiques qui vont être annoncées et appliquées ? D’après Liza, Sobianine, le technocrate, veut « moderniser l’éducation, contrôler les migrations et rétablir la sécurité à Moscou, mais pour moi, et comme avec tous les discours délivrés par Russie Unie (parti de Vladimir Poutine, nldr) ce n’est pas clair… ». Pour Anatoliy « Il n’y aura pas de changement positifs. Depuis qu’il est à la tête de Moscou, les contrats publics ne sont pas sortis du cercle Poutine ».

A ce sujet, Vladimir Poutine a d’ailleurs déclaré hier : « Une grande ville comme Moscou n’a pas besoin d’un politique, mais plutôt d’un homme d’affaire dépolitisé qui sait travailler comme il le faut ». Etonnant.

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