Roma Pride : entre Europe et discriminations

Laëtitia Nourry, correspondante en Roumanie
15 Octobre 2013



La fin des restrictions du droit au travail des citoyens Roumains et Bulgares à l'étranger et le débat sur l'entrée de ces deux pays dans l'espace Schengen ont ravivé l'éternelle question de l'intégration des Roms. Ce dimanche, la « Roma pride » promouvait la culture tzigane dans toute l'Europe. Mais peut-on se sentir à la fois Rom et Européen ?


Crédits photo -- Laëtitia Nourry
Crédits photo -- Laëtitia Nourry
Les récentes déclarations de Manuel Valls et de Marine Le Pen les avaient de nouveau mis sur le devant de la scène. Ce dimanche 6 octobre, c'est la communauté rom elle-même qui décide de faire parler d'elle. « La Roma Pride », journée de mobilisation internationale pour la dignité des Roms et des gens du voyage, avait simultanément lieu dans 15 pays d'Europe. Un calendrier qui coïncide ironiquement avec l'emballage médiatique français des dernières semaines. Il représente également l'occasion de s'interroger intelligemment sur cette si délicate question de l'intégration : « On a besoin d'un moment comme la Roma Pride », explique Ionut Stan, Rom vivant en France et travaillant pour le Caritas.

« Non seulement on y montre notre fierté d'être tzigane mais surtout nous avons l'occasion de prouver que notre culture est belle. Nous avons un héritage culturel important, qui s'est dispersé dans toute l'Europe, notamment par notre musique, mais aussi par nos valeurs concernant la famille. Être rom, c'est être fier d'aimer sa famille, de vouloir travailler et de s'en sortir malgré les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. »

Croiser les regards

« Les Roms ont vocation à rester en Roumanie », déclarait Manuel Valls. Mais les discriminations et difficultés ne sont pas réservées aux Roms qui ont choisi d'émigrer vers l'ouest. En Roumanie, pays où vit la majorité de la communauté rom, les critiques et les clichés s'entendent partout. Rares sont les Roumains qui n'utilisent pas le terme « voleur » ou « faignants » pour qualifier ceux qu'on appelle les « gipsies ». Paradoxalement, la musique tzigane est extrêmement populaire dans le pays et s'entend régulièrement à la radio. En se promenant dans les rues de Iasi (nord-est de la Roumanie) le dimanche, on croise parfois cette troupe de danse tzigane, en train de faire une démonstration au son de « Djelem, djelem », l'hymne de la communauté. Cette troupe est celle de l'association « Gipsy Eye », crée en 2008 par Ionut Stan. Une fois le spectacle terminé, les danseurs se présentent. L'une d'entre eux annonce fièrement à la foule : « Je suis en troisième année de médecine ! »

Les profils sont en effet très divers parmi cette minorité, estimée, selon l'Union européenne, entre 10 et 12 millions sur tout le continent. Certains font de grandes études et habitent de belles maisons quand d'autres vivent dans les bidonvilles à la sortie des villages. Pour Ionut Stan, le problème d'intégration est dû à un manque de regard et de compréhension mutuelle : « Beaucoup de Roumains et de Français ne connaissent pas la communauté rom. Quand on ne sait pas qui est l'autre, comment le comprendre ? » C'est dans ce but que Ionut Stan a créé l'association Gipsy Eye. « On voudrait que les gens n'aient plus peur de partager avec les autres, que chacun prenne le temps de s'écouter. Et ça va dans les deux sens ! Les Roms ont encore beaucoup de retard dans l'éducation, l'informatique,... On essaie de les encourager à se moderniser pour mieux s'intégrer à la société. »

Européen à part entière

« Ce qui me fait mal, c'est de voir que la France nous rejette alors que nous sommes des citoyens européens comme tout le monde », regrette Ionut Stan. Pourtant, les possibilités d'emploi à l'étranger vont s'élargir dès le premier janvier 2014. En effet, les Roumains et les Bulgares ne disposent pas des mêmes droits au travail que les autres citoyens européens. Ils ne peuvent exercer que 291 métiers, principalement dans le bâtiment, le transport, mais aussi la médecine.

« Je me sens parfaitement européen, je peux me déplacer comme je veux », déclare fièrement Ionut Stan, « c'est un sentiment que nous essayons de développer au sein de la communauté rom par le biais de notre association. Nous voudrions que les Roms s'ouvrent à cette idée européenne. » Pour lui, le débat actuel sur l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'espace Schengen n'en est pas un : « L'espace Schengen, c'est une question économique, elle concerne les entreprises roumaines mais en aucun cas les Roms. Nous n'avons pas besoin de l'espace Schengen pour nous déplacer ! Mais nous aimerions être considérés comme des citoyens européens à part entière par le reste de la population. »

Notez