Crédit DR
Vous n’en avez peut-être jamais entendu parler, et pourtant ce festival a déjà touché plusieurs pays, de l’Afrique à la Russie en passant par le Canada. C’est à Bogota que tout a commencé, il y a deux ans, grâce à un groupe d’étudiants désireux de rendre la ville plus agréable en partageant des activités diverses. L’idée principale est de participer, que ce soit pour un simple câlin, offrir un cadeau, faire un concert, ou encore repeindre des murs usés par le temps.
Le concept « 100 en 1 » permet de redécouvrir les façades de là où l’on vit et de multiplier l’interconnaissance par cent actions dans une seule journée. Si la première année, moins de cent personnes avaient participé à l’évènement, trois mille ont répondu présent l’année d’après. Ce véritable phénomène de socialisation urbaine est venu toucher l’une des villes les plus prisées d’Amérique du Sud : Rio de Janeiro.
La notion de vivre ensemble
Le concept est d’emblée un challenge mais le mener à bien dans une ville comme Rio n’était pas gagné. Souvent perçue comme déchirée entre la Zona Norte, plus défavorisée et la Zona Sul, plus chic avec ses beaux quartiers, l’ancienne colonie portugaise avait un sacré défi à relever en décentralisant les activités un peu partout. Le défi a été largement relevé puisque d’une part ce sont les cariocas eux-mêmes qui proposent les activités et d’autre part, si l’on avait voulu tout faire dans la même journée il aurait fallu penser à la téléportation, tellement les distances étaient espacées. Ainsi, sous un soleil tropical, les habitants et touristes de Rio ont pu profiter d’une balade à vélo, d’un cours de surf gratuit à Leblon, d’échanges de cadeaux à Lagoa, de chorégraphies, d’échanges de rêves, de poèmes à la sortie du métro de Botafogo, d’atelier de tricotage à Tijuca, de photos, de crier ses envies sur la place publique ou discuter sur un canapé près de Gloria. A Triagem, tout une partie de la ligne de métro a été peinte pour proposer « le plus grand musée ouvert du monde ».
Crédit : 100 em 1 dia Rio
A Ipanemea, dans le Sud du Rio, le collectif "Liberte seus sonhos" a investi un bout de trottoir proposant un moment convivial pour décorer de vieux lampadaires à l’aide de chutes de tissus. Le collectif habitué à ce genre d’évènement, propose aussi un coin lecture pour les enfants, un concert ainsi que de laisser une trace de ses rêves sur un mur, repeint en noir à cet effet. De cette manière, les passants pourront passer et écrire leurs rêves. Pour Priscilla, productrice de "Liberte seus Sonhos", il faut avant tout créer de l’interaction avec les gens, se libérer et s’exprimer de manière performative. En effet, dans cette fête populaire chacun peut trouver sa place et participer grâce sa créativité.
La place Sarah Kubitchek n’est pas la plus connue du quartier de Copacana. Et pour cause, Fernanda, en train de coller du papier fluo explique que « personne n’y va, ça sent l’urine et c’est souvent fermé parce qu’il y a des gens qui y dorment ». « Tu risques de te faire braquer », confirme un passant intéressé par le travail de l’étudiante. Pour ces raisons, deux entreprises de design, Gambiarra et Formigueiro dont fait partie Fernanda, ont décidé de reprendre ce lieu à l’occasion du festival en peignant des bancs, créant un espace de concert, des cendriers, des balançoires… Ils veulent faire revivre cette espace pour que tout le monde en profite. Henrique, designer également, explique que c’est une mobilisation générale qui dépend des personnes elles-mêmes et de leur implication. Selon Fernanda, réhabiliter les espaces pour les faire vivre, est une idée qui se développe de plus en plus dans les mentalités.
« C’est une bonne surprise ! »
Ainsi s’est exprimé un habitant de Tijuca, lorsqu’il a vu les étudiants d’Unirio danser sur la place Saens Peña dimanche après-midi, en sortant de chez lui. Tania Alice, artiste performeur (voir son travail dans la favela Santa Marta, article du 12 avril 2014) à proposé à ses étudiants l’exercice des « Cinq rythmes ». Technique de danse importée des Etats-Unis, cette méthode propose à tout le monde de danser en passant par cinq rythmes différents liés à la musique, crescendo puis decrescendo. Un touriste américain explique qu’il s’est arrêté, intrigué par la faculté des gens à se laisser aller : « Ils font ce qu’ils veulent, comme ils veulent, quand ils veulent », explique-t-il avant d’ajouter, « Ca devrait arriver plus souvent ces choses-là ».
Les passants regardent, certains viennent danser, d’autres encouragent de leur voiture. Pour certains, bien sûr ils pourraient le faire, pour d’autres non, c’est juste drôle à regarder. Leuvis, à Rio depuis deux ans, explique que c’est spécifique à la ville. Travaillant lui-même dans l’art de la rue et après avoir beaucoup voyagé, il insiste sur le fait que « c’est facile de faire de l’art dans la rue à Rio, parce que cela plaît, alors personne ne dit rien. N’importe qui peut arriver et faire son show, personne ne dira rien. ». Selon lui quand on voit ça, on ne se demande pas pourquoi cela se passe. « Ça se passe et c’est bien », termine Leuvis. L’avis général semble favorable et assez enthousiaste, comme dans beaucoup d’autres endroits où le festival s’est déroulé.
Que retenir de « 100 em 1 dia/ Rio 2014 » ?
Dans les différents propos, les personnes insistent souvent sur le fait qu’elles veulent montrer une belle image de la ville mais aussi créer de la sociabilité. A Tijuca, un passant explique que ce genre d’évènement permet l’intégration des personnes dans le contexte urbain. Dans une autre mesure, il semble que faire ces interventions dans Rio est un moyen de faire ce que personne ne fait. Sur la place Sarah Kubichek, Fernanda explique que comme le gouvernement ne fait rien, c’est à eux de prendre les choses en mains et de les faire belles pour que chacun puisse s’y retrouver. « Il faut faire la différence » commente-t-elle. Une femme lui demande par curiosité l’origine de la réhabilitation du lieu : « C’est volontaire ou c’est la municipalité ? ». La passante semble s’attendre à la réponse mais encourage tout même le travail de la jeune-fille.
Bien que finalement un nombre trop important de personnes ne fût pas au courant de cette manifestation sociale et populaire, ce qui a été fait dans la ville de Rio le 4 mai dernier restera, que les activités aient été permanentes ou non, car elles ont montré la volonté d’un grand nombre de cariocas de faire vivre leur ville et de participer à son développement, d’écrire son histoire.