Rio : le paradoxe de pollution «durable»

9 Avril 2013



Tandis que les gouvernements mondiaux se réunissaient autour d’une discussion sur le développement durable lors de la conférence Rio +20 l’an dernier, une vaste pollution aux métaux lourds d’un site sidérurgique bouleversait les habitants et l’écosystème du quartier de Santa Cruz, à peine à quelques kilomètres de la conférence. L’entreprise responsable, le groupe allemand Thyssenkrup, refuse aujourd’hui de payer ses amendes et va profiter d’une compensation pour ses efforts de « développement durable ».


Rio : le paradoxe de pollution «durable»
Santa Cruz, auparavant quartier florissant dans des activités agricoles et maritimes, baigne désormais sous une couche de poussière de métaux lourds. Cette « pluie d’argent », comme la nomme la population locale, relativement présente, provoque maladies respiratoires, infections oculaires et maladies dermatologiques. Certains résidents ont même développé des allergies aiguës faisant gonfler leur visage. De plus, les écosystèmes locaux, qui assuraient la subsistance de milliers de familles de pêcheurs, sont désormais détruits.

Le vaste complexe sidérurgique TKCSA, ouvert en 2010 par l’entreprise allemande ThyssenKrupp, couvre une superficie de 9 km² auparavant occupée par des paysans du mouvement sans-terre. L’État brésilien a décidé d’expulser ces derniers, car ils « détruisaient les mangroves ». L’État a donc, au nom du développement local, favorisé ce mégaprojet avec le soutien financier de la Banque Nationale du Développement Économique et Social.

Mais qu'en est-il aujourd’hui? La pollution demeure toujours aussi massive en métaux lourds, que ce soit dans l’air, les sols ou même les eaux. À seulement 500 mètres des habitations, TKCSA a fait augmenter de 600% des particules fines de fer en produisant près de 5 millions de plaques d’acier par an pour l’exportation. D’ailleurs, depuis la construction de l’usine en 2006, les mangroves ont été détruites à un tel point que les poissons ne peuvent plus se reproduire. Plus de 8 000 pêcheurs et leurs familles se trouvent désormais avec leurs filets sous les bras.

Subissant ces impacts catastrophiques, la population locale a porté plainte contre ThyssenKrupp. Lors d’une rencontre, organisée par la compagnie, 200 pêcheurs ont fait savoir qu’ils ne voulaient pas de l’usine. Ils réclamaient une compensation financière et la fin immédiate de la pollution. En janvier 2011, les autorités environnementales de l’État de Rio ont répondu en condamnant la firme, devant débourser 6,3 millions d’euros, somme que ThyssenKrupp n’a toujours pas payé.

Contre toute attente, l’entreprise opte pour une campagne de « greenwashing » en faisant publier ses efforts en « management de la biodiversité », une gestion, soi-disant durable, de la mangrove et des populations locales. Pire encore, l’entreprise va peut-être pouvoir profiter de « crédits carbone » pour son usine thermoélectrique dont les turbines à cycle combiné aident à réduire des émissions de gaz à effet de serre, selon les Nations Unies. Le monde institutionnel à l’échelle internationale essaie de vendre la mèche sur le développement durable. Or, il s’agit d’une nouvelle forme de vente – celle de la planète. Derrière tous ces mensonges se cachent les vraies victimes – une population et un écosystème qui ne se trouvent plus de chez eux.

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Jane Zhang
Rédactrice au sein du Journal International depuis 2012, je suis une étudiante canadienne en... En savoir plus sur cet auteur