« Notre but ultime est de rester une ethnie et ne pas être assimilés » a affirmé Valerii Dill, président du Conseil des Allemands du Kirghizstan, lors du 10e congrès des Allemands de la République kirghize du 20 mars 2014 à Bichkek. Crédit : Aman Jumabaev
Dans son discours d'ouverture, l'ambassadeur de la République fédérale d'Allemagne, Gudrun Sraga, a rappelé les nombreuses aides versées par son pays à la minorité allemande du Kirghizstan. Un soutien financier accessible via les allocations DAAD - le service d'échange universitaire allemand - pour les Kirghizes d'origine allemande, les subventions du Goethe Institute, et le soutien dans les questions relatives à la réinstallation en Allemagne. Mais beaucoup semblent encore méconnaître ces programmes.
La communauté allemande du Kirghizstan est l'une des minorités ethniques les plus actives du pays. Généreusement financée par l'ambassade d'Allemagne, elle organise diverses manifestations culturelles. Valerii Dill, le président du Conseil des Allemands du Kirghizstan, a vigoureusement encouragé la population à apprendre l'allemand tout en soulignant l'importance pour les parents de montrer l'exemple.
Le représentant de l'agence gouvernementale pour les relations inter-ethniques, Bagyshbek Raiymbekov, a précisé que 8000 citoyens d'origine allemande vivent encore au Kirghizstan. La plupart réside dans la capitale ou à proximité, dans la vallée de Chui.
Des critiques ont été adressées à l'État kirghiz. Certaines portaient sur l'enregistrement auprès d'un centre médical dans certaines localités. Un représentant local de la commununité allemande, Anatoli Kening, dans son rapport annuel sur l'activité de la diaspora allemande, a rapporté que, parfois, les États créent des obstacles pour les personnes : « Le soutien du gouvernement ne doit pas se limiter aux discours mais aussi dans les actes ».
Valerii Dill, dans son discours d'ouverture, lequel aura duré près d'une heure, a pris le temps d' énumérer les difficultés de la minorité allemande et de souligner l'importance des activités dans lesquelles la diaspora est impliquée : « Notre but ultime est de rester une ethnie et ne pas être assimilés. Nous allons remplir nos fonctions de manière responsable, ou alors nous devenons juste un club de vacances ». Le Congrès a également signé une nouvelle résolution.
L'histoire des Allemands de la République kirghize remonte au début du XIXe siècle. Ils se sont d'abord installés dans la partie occidentale de l'empire russe. Sous Catherine II de Russie, elle-même d'origine allemande, ils ont peuplé de vastes territoires de la Russie méridionale, aujourd'hui le kraï de Stavropol, afin de réclamer la terre et développer les infrastructures dans la région.
En République kirghize, la migration des Allemands de Russie a commencé à la fin des années1870 et début 1880. Au printemps 1882, dans la seule région de Talas, au sud du pays, plus de 500 familles ont immigré et fondé trois villages : Keppental, Nikolaipol et Gnadental, plus tard rebaptisés en russe Vladimirovskoe, Romanovskoe, Adreevskoe. Ces migrants allemands travaillaient principalement dans l'agriculture et l'élevage. Le climat a favorisé le développement de l'agriculture dans cette région. La première usine de production de beurre de laiterie a ouvert à Ramonovo en 1909. La production de ce secteur s'est maintenue à un niveau élevé jusqu'en 1917.
À partir de 1950, et suite au déplacement des Allemands sous Staline, les questions d'identité nationale et de sa préservation ont émergé. Le 15 octobre 1956, le gouvernement kirghize de la république socialiste soviétique (RSS), a introduit de nouveaux règlements permettant aux parents d'enseigner la langue allemande à leurs enfants dès la deuxième année de primaire. Mais le peu de cours d'allemand a probablement favorisé l'assimilation culturelle linguistique. Le recensement de la population de 1959 atteste de ces changements considérables : 19,4 % de tous les Allemands au Kirghizstan ne considéraient déjà plus l'allemand comme leur langue maternelle. Dans les années qui ont suivi, l'assimilation s'est intensifiée comme l'indique le recensement de 1989 : 36,4 % des Allemands nommaient le russe comme leur langue maternelle.
Les précédents congrès ont toujours eu lieu sous la supervision de l'ambassade de la République fédérale d'Allemagne. Au dernier congrès, en 2009, le Ministère de l'Intérieur de la migration allemand avait même fait le déplacement. Chaque année, l'aide apportée à la communauté allemande augmente à mesure que le nombre de personnes diminue. En 2009, la communauté comptait 11 000 kirghizes d'origine allemande. Chaque année, environ 500 millions d'euros seraient alloués à la minorité allemande kirghize. Malgré cette aide, beaucoup d'entre eux décident de rentrer dans leur patrie historique.
Les efforts de Valerii Dill dans la préservation de l'ethnie allemande kirghize comme une minorité distincte d'Asie centrale sont énormes. Avec le Kazakhstan, les Allemands du Kirghizstan sont, dans cette région, environ 150 000. À l'époque soviétique, les Allemands ont tout fait pour rester une ethnie. Mais le temps a fait son oeuvre. Alors que l'ancienne génération est en train de disparaître, les plus jeunes se tournent vers la Fédération de Russie ou l'Europe. Aujourd'hui, parmi toutes les minorités du Kirghizstan, la minorité allemande est indiscutablement la mieux organisée pour faire valoir ses droits. Mais sur le long terme, sans soutien politique de l'État kirghiz, cette ethnie pourrait voir son influence politique se déliter progressivement.
Publié à l'origine sur Francekoul.com (http://bit.ly/1isr4Ds)