L'ex-chef du gouvernement algérien a la ferme intention d'écarter le président-candidat, et d'écarter par la même occasion l'image d'une Algérie baignant dans le formol. L'heure est à l'espoir. Mais face à lui se trouve un homme diminué : Bouteflika briguant un quatrième mandat. L'homme emprunte davantage à la marionnette oxydée qu'au battant monté sur ressorts, pourtant, à défaut de sondages, toutes les estimations au doigt mouillé le donnent grand favori. Il y a quelques jours encore, tout semblait joué. Bouteflika allait rempiler pour un quatrième quinquennat, continuant de tirer sur la corde qu'il use depuis le début : l'exploitation des richesses en hydrocarbures du pays. Jusqu'à ce que dessèchement des sols s'en suive.
Bien sûr, il ne gouvernerait pas. Bien sûr, il en serait incapable et refilerait le bébé à son frère, Saïd Bouteflika, déjà officieusement aux manettes du pays. Secret de polichinelle. Pourquoi dans ce cas les Algériens le plébisciteraient ? Par défaut, principalement. Et puis, il faut aussi dire que Bouteflika a oeuvré pour que l'Algérie soit davantage reconnue sur la scène diplomatique internationale.
Problème, la médaille a un revers. Bouteflika est aussi à l'origine d'un système où népotisme et corruption n'ont rien de fantasmes. Les médias sont muselés. Les élections bidouillées à outrance. Bouteflika entretient par ailleurs un modèle économique rentier qui court à sa perte. Depuis six ans, la production d'hydrocarbures est en chute libre. Les dépenses de l'Etat, elles, explosent. Bouteflika, enfin, s'il avait quelque chose de positif à transmettre à l'Algérie, a eu tout le temps de le faire en 15 ans de présidence. Ce qu'il n'a pu faire en pleine possession de ses moyens, il ne le fera pas au crépuscule de sa vie.
Ali Benflis, le challenger qui monte
Saisir le nom d'Ali Benflis dans la barre de recherche de son navigateur, et cliquer sur "Actualités", c'est se rendre à l'évidence : l'homme est incontournable. Dans les médias internationaux, mais aussi et surtout nationaux. Pourquoi l'Algérie, résignée, s'est soudainement souvenue que ses élections étaient libres et que Bouteflika n'était après tout qu'une option, pas une obligation ? Sans doute parce qu'Ali Benflis, son principal rival, sait faire parler de lui et se faire prendre au sérieux.
Pas exactement là pour blaguer, Benflis est un homme du sérail. Ancien ministre de la Justice, chef du gouvernement de 2000 à 2003, un temps proche de Bouteflika, il déchante vite lorsqu'il comprend que le président en place s'intéresse très peu à l'indépendance de la Justice. Il claque la porte en 2003, et se présentera l'année suivante à la présidentielle. De lourds soupçons de fraude pèsent sur le scrutin. Bouteflika l'emporte. Benflis récoltera les miettes.
10 ans plus tard, l'homme a pris de la bouteille, et revient fort d'un programme tiré au cordeau. Ouverture du marché algérien sur l'extérieur, introduction en bourse d'une partie du capital des banques et entreprises, limitation à deux quinquennats présidentiels, liberté de la presse, tout y est. Pour ce faire, il faudra revisiter la Constitution de fond en comble. Une tâche qu'il compte remplir en réunissant les acteurs politiques et la société civile. Une première en Algérie.
Benflis n'est pas seul : « Je dispose du soutien de 23 partis politiques, et de 213 associations nationales ou régionales, sans compter tous les comités de soutien » annonçait-il mardi 1er avril entre deux meetings. Des meetings qu'il enchaîne à tour de bras, et qui ont la manie de faire salle comble. Ainsi, quelque chose se trame à l'aube de cette présidentielle annoncée verrouillée.