Politique américaine en Syrie : rupture ou continuité ?

8 Mai 2013



Les attentats de Boston, survenus le 15 avril, remettent en jeu la stratégie diplomatique américaine en Syrie. Analyse.


Crédits photo — Reuters
Crédits photo — Reuters
D’aucuns estiment que les attentats de Boston influenceront la position du président Obama face à la crise syrienne. Certains avancent que l’administration américaine voit d’un mauvais œil la puissance des combattants fondamentalistes en Syrie et envisage même un retour au dialogue avec le régime en place pour mettre fin aux combats qui déchirent le pays depuis plus de trois ans. Ce retour aux négociations, préconisé aussi par la Ligue des Etats Arabes constituerait, en quelque sorte, une révolution dans la position américaine qui n’a cessé de réclamer le départ du régime en place.

Ce nouveau comportement intervient quelques jours après les attentats de Boston, ce qui s’explique par la crainte des Etats-Unis de voir l’ampleur des combattants djihadistes en Syrie augmenter. D’ailleurs, les Américains « ne veulent pas une victoire militaire pure et simple en ce moment parce qu'ils croient que les 'bons gars' ne peuvent pas finir par être les gagnants », selon les analystes du Wall Street Journal, Adam Entous et Julian E. Barnes. Un constat qui n’est pas totalement vrai puisque la stratégie américaine en Syrie a été toujours caractérisée par une certaines méfiance à l’égard des djihadistes présents en Syrie. Alors, les attentats de Boston vont-ils modifier la stratégie des Etats-Unis en Syrie ?

L’analyse de la politique américaine en Syrie démontre parfaitement que l’administration américaine a toujours considéré le soutien de l’opposition politique et militaire qui se trouve loin des combattants fondamentalistes comme une priorité, c’est la raison pour laquelle elle a privilégié une assistance prudente avant même les attaques de Boston. Les attentats de Boston n’ont fait, en réalité, que renforcer cette priorité, puisqu’il est pour l'heure inconcevable de voir les Etats-Unis soutenir des combattants terroristes qui pourraient s’attaquer aux intérêts américains dans la région après la chute du régime de Bashar Al Assad.

Un soutien prudent aux rebelles syriens

Depuis le début de la crise syrienne, les Etats-Unis et ses alliés n’ont pas caché leur ambition de faire chuter le régime de Bashar Al-Assad par tous les moyens, y compris le financement de l’opposition. Cependant, le président Obama a toujours fait la distinction dans le cadre de son soutien, entre les combattants de l’Armée syrienne libre et les groupes islamistes auxquels il conditionne l’assistance. Justement, Obama a promis des aides financières et militaires à l’opposition syrienne sous réserve que cette dernière effectue le ménage dans ses rangs. Il s’agit, en fait, d’une pression destinée à mettre la lumière sur les combattants en Syrie qui sont affiliés à des organisations terroristes.

En fait, les militants islamistes radicaux qui font partie de la rébellion syrienne sont très forts et possèdent des combattants partout sur le terrain, mais leur affiliation à Al-Qaida rend leur financement dangereux. Si Barack Obama a autorisé le financement des groupes armés de l’opposition y compris les islamistes modérés. c'est qu'il espère en fait éloigner les groupements les plus radicaux, dans la perspective de les isoler pour les affaiblir.  

A cet égard, le président américain n’a pas hésité à intégrer le groupe Jabhat Al-Nusra dans la liste des organisations terroristes - bien qu’elle soit la force la plus importante contre le régime Al-Assad puisque accrédité de quelque 6 000 combattants qui ont infligé les dégâts les plus lourds au régime syrien. Cette situation démontre parfaitement que Washington s’est toujours méfié de l’influence grandissante d’Al-Qaida sur le sol syrien. C’est la raison pour laquelle Obama s’est toujours opposé à l’armement direct de l’opposition en place. Une position que les attentats de Boston semblent renforcer.

Renforcement de la méfiance du président Obama

Après les attentats de Boston, l’administration américaine s’est rendu compte que les djihadistes n’avaient pas disparu. Au contraire, ils sont de plus en plus présents et leur puissance s’accroit considérablement suite aux conséquences du printemps arabe. Ce contexte a contraint le président Obama, sous les conseils du Pentagone, à maintenir sa politique de prudence concernant la crise syrienne et à y penser en termes de risque pour la sécurité nationale.
 
Selon le Pentagone, la composition des rebelles syriens devient « de moins en moins claire », une réalité qui justifie, du coup, le refus du président Obama d’un financement direct des combattants de l’opposition en Syrie car le chef d’Etat américain craint une montée en puissance des djihadistes dans la région après la chute du régime de Bashar Al Assad, comme l’indique un haut responsable américain, « nous voulons tous qu'Assad tombe demain, mais il n'est pas bon d'avoir toutes les institutions qui tombent sous le contrôle islamiste. »

Mieux encore, Barack Obama envisage d’activer sa politique de lutte contre le terrorisme en Syrie en liquidant les combattants fondamentalistes présents en Syrie. C’est ainsi qu’il a autorisé la CIA à collecter « des renseignements sur ces islamistes en vue de les liquider. » Pour ce faire, l’administration américaine prône le recours à des frappes aériennes effectuées, à l’instar des opérations organisées au Pakistan et en Afghanistan,  par le biais des drones placés à cet effet.
 
Cette stratégie qui entre dans le cadre du programme de planification d’urgence de la CIA a été accélérée après les attentats de Boston. Désormais, ce plan se focalise, outre la liquidation des djihadistes en Syrie, sur la destruction des armes chimiques pour éviter qu’elles ne tombent entre les mains des combattants fondamentalistes. 

Il apparaît évident que les attentats de Boston n’ont pas changé la vision du président Obama vis-à-vis de la situation en Syrie, mais ils ont largement contribué au durcissement de sa méfiance à l’égard de l’opposition fondamentaliste. Un tel contexte ne permet nullement à la population syrienne de sortir de cette crise dont elle souffre depuis plus de trois ans. Au contraire, il augmente le risque de voir la Syrie subir l’anarchie et la violence d’une guerre civile atroce dont les conséquences seront néfastes sur l’avenir de ce pays au bord de l’explosion.

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Mehdi RAIS
Doctorant en Relations et Droit Internationaux à l'Université de Rabat (Maroc) et membre du Centre... En savoir plus sur cet auteur