Pérou : Asu Mare, phénomène social identifié

Les Péruviens en ont mangé à toutes les sauces, du petit-déjeuner au souper, jusqu'à l'indigestion. Ils ont frôlé la crise de foie avec les bandes-annonces, les reportages et bien sûr le film lui-même. Le film ? Vous ne le connaissez sans doute pas, vous ne le verrez probablement jamais... et c'est bien normal. Asu Mare n'est pas à confier à n'importe qui. Pourquoi ? Histoire péruvienne, société péruvienne, blagues avec des jeux de mots typiquement péruviens. Le film narre la vie d'un comédien local Carlos Alcántara qui se raconte lui-même. Bref, il faut être du coin pour comprendre malgré la présence de thèmes universels.

S'il est si intéressant pour les étrangers, c'est parce qu’il a remporté un succès sans précédent au Pérou. Un peu comme Bienvenue chez les Ch'tis. Asu Mare a attiré 2 300 000 spectateurs, un record absolu au Pérou. A tel point que la suite vient d'être confirmée pour avril 2015.

Certains voient en Asu Mare une comédie assez drôle qui se moque des contrastes et des extrêmes, comme l'avait si bien fait à son époque Bienvenue chez les Ch'tis. Le choc entre les pauvres et les riches ainsi qu’entre les différentes communautés est indéniable. Carlos Alcántara est drôle, sa vie est passionnante... mais il faudrait être fou pour croire que ce succès historique n'est le résultat que d'un seul homme.

S'il a déchaîné les passions, Asu Mare doit avant tout son succès à sa société elle-même. Ce film évoque l'univers péruvien et le fait sans complexes. Traduisez : la société péruvienne s'ouvre au monde et s'assume entièrement. Fini le terrorisme, place à la construction, la culture, le tourisme, la gastronomie, de tout cela le Péruvien est fier.

C'est ainsi que le cinéma national, par l'élan populaire qui sévit sur la terre des Incas, suit le même chemin, se décomplexe à son tour et oublie les tabous, les censures et l'oppression. La page sera définitivement tournée lorsque le septième art sortira un film sur le terrorisme et qu'il atteindra les chiffres d'Asu Mare.

Aujourd'hui, Asu Mare est entré dans les mœurs. Ce Carlos Alcántara est un Péruvien de la classe moyenne et cette authenticité a été la grande raison de son succès. Néanmoins, le cinéma péruvien connaît souvent des périodes de vide : manque de moyens, un public plus attiré vers les grosses productions américaines. Certains craignent qu'Asu Mare soit plus un phénomène isolé qu’un très beau modèle marketing.

Aujourd’hui, les répliques s’entendent dans les rues, les personnages sont caricaturaux et donc célèbres. Tout le monde attend la suite avec une impatience à peine dissimulée. Asu Mare, c'est le Pérou. Un pays qui tente de s'ouvrir au monde en assumant et en exhibant sa culture si particulière, qui balbutie parfois dans sa démarche, mais qui a sans conteste toutes les armes pour rivaliser avec les plus grands. Rendez-vous en 2015...