Pérou : 738 plaintes déposées pour harcèlement à l'école

Jessy Goffi, correspondant à Lima
5 Mars 2014



La tension monte. C'est le constat apporté par l'étude d'un organisme péruvien qui pointe du doigt les « bagarres » dans les collèges du pays. Analyse d'un phénomène en mutation qui se banalise...


© Diego Grez
© Diego Grez
738. Selon le Siseve (système spécialisé dans le recensement des actes de violence dans les établissements scolaires), 738 plaintes ont été établies depuis le début de l'étude. Quelles sont leurs points communs ? Ces plaintes concernent toutes la violence psychologique, physique, sexuelle ou encore virtuelle dans le cadre scolaire.

Un constat alarmant pour certains, normal pour d'autres. Appelé « bullying », le phénomène n'est certes pas nouveau et pas seulement péruvien mais au pays des Incas, il prend une ampleur particulièrement conséquente. A tel point que de nombreux reportages télévisés et autres articles pointent du doigt les « bagarres ». Certaines études ont même relevé que des collèges trouvaient « normal que les étudiants en viennent aux mains », quelques-uns allant même jusqu'à « favoriser le bullying en le considérant comme quelque chose de quotidien ». Le constat est alarmant.

Des collèges au cœur du débat

Les spécialistes du domaine et la sphère médiatique n'y vont pas de main morte. Pour eux, ce sont clairement les établissements scolaires qui n'agissent pas en faveur d'une réduction de la violence entre leurs murs. La Defensoría del Pueblo a enquêté auprès de 295 collèges du pays. La conclusion ? Il faut bousculer les normes actuelles pour appliquer des changements : améliorer la communication autour du harcèlement et former les professeurs. Car un autre problème de fond se cache derrière tout cela : la réforme scolaire nécessaire au pays. Le Pérou a besoin d'une standardisation, d'une uniformisation de ses établissements et un système plus abouti de recrutement et de formation des professeurs. Les collèges privés peuvent en effet contourner les lois du pays et mener leur bateau comme bon leur semble. Le « bullying » ne déroge pas à la règle.

Un phénomène largement sous-estimé

S'il est banalisé, le bullying est également sous-évalué. De l'étude de la Siseve, il faut surtout retenir que seulement 9 000 collèges sont affiliés à l'organisme alors qu'il existe plus de 90 000 établissements dans le pays. Les chiffres rapportés l'ont donc été dans seulement 10 % des écoles... un chiffre bien en-deçà de la réalité. L'éducation nationale a besoin de se structurer afin de pouvoir analyser le phénomène dans sa véritable mesure et puis seulement après cela, agir en connaissance de cause. Comment combattre quelque chose dont on ne peut établir la réelle dimension ? La situation paraît aussi surréaliste que les réponses données par des collèges trop « amateurs » à ce sujet. Car même s'il est quotidien et terriblement répandu, cela ne signifie pas qu'il doive se banaliser et être accepté comme certains directeurs le conçoivent.

Mais ne vous trompez pas, les chiffres peuvent dire beaucoup de choses, au final, l'éducation des enfants est une responsabilité partagée et reflète « l'état » d'une société. Les parents et les mœurs actuelles ont énormément à voir avec la croissance des « jeux de mains » et si solution il y a, on ne résoudra pas le problème du jour au lendemain... d'autant que la violence se déplace désormais sur internet.

Violence 2.0

On l'appelle « cyber-bullying » et il augmente avec l'omniprésence des réseaux sociaux. Il s'agit d'une violence dite psychologique parfois bien plus dangereuse que des « coups réels ». Elle peut en effet mener l'enfant à la dépression ou pire bien que plus rare au suicide. Évidemment, le collège n'est ici pas directement lié à cette tendance et on en revient finalement à l'idée que le problème est d'abord celui de l'éducation et du contrôle parental. La communication est au cœur des débats mais aussi les valeurs inculquées dans le foyer familial. Voilà pourquoi les difficultés persistent. En effet, s'il est envisageable de changer et réformer l'éducation au Pérou, agir au sein des maisons de chaque Péruvien afin de sensibiliser les parents à ce sujet se révèle être beaucoup plus délicat et pourtant primordial...

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1.Posté par mimidellagioia le 31/03/2014 15:18
Bonjour ,
Perso , je vis en Equateur depuis plus d'un an avec mes deux enfants de 10 et 6 ans . Celle de 10 ans a été victime de harcèlement . J'ai tout essayé . Discuter avec les gamins responsables , avec les parents et même avec les professeurs . Cela a été traité avec légèreté . Les professeurs ont propose aux gamins responsables de faire des excuses . Sur les 7 impliques , seuls 2 sont venus présenter des excuses . Sans que pour autant cela s'arrête .
J'ai fini par faire changer d'école à mes enfants ...
Triste à dire mais ici l'enfant est roi . Les professeurs sont totalement impuissants . On leur demande d'enseigner mais sans autorité . Pour avoir vu les élèves , hurler , jouer au ballon dans la classe ou partir quand ils le souhaitaient , c'est devenu l'anarchie dans les classes . Alors l'impunité pour harceler un gamin ...

2.Posté par Martin le 14/05/2014 11:49
Malheureusement, ce n'est pas forcément mieux dans certaines écoles et collèges de France. Je pense que le collège est l'étape scolaire dans laquelle les phénomènes de harcèlement sont les plus susceptibles d'avoir lieu, et par conséquent il convient aux parents et aux professeurs d'être très vigilants.

Je suis d'accord avec mimidellagioia et votre article, beaucoup de personnes dans le milieu scolaire sous-estiment ce phénomène, mais si le suicide est la cause de mortalité le plus courante chez les adolescents, le harcèlement scolaire n'y est sans doute pas pour rien... et aux États-Unis, les fusillades n'y sont pas étrangères non plus (en France, on peut se contenter de coups de couteau...).
Mais les principaux responsables de tout cela demeurent selon moi les parents, qui doivent être à la base de l'éducation de leurs enfants.

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