Palestine : une symphonie pour la paix

Camille Regache
28 Mai 2013



Fait rare, les villes de Jérusalem, Ramallah et Jénine accueilleront fin mai l’Orchestre symphonique de Dresde. Au programme, la « Symphonie pour la Palestine », une composition originale contre le conflit israélo-palestinien.


Le Western Eastern Divan Orchestra
Le Western Eastern Divan Orchestra
La « Symphonie pour la Palestine » est l’histoire d’une collaboration entre des musiciens européens, membres de l’Orchestre symphonique de Dresde, leur chef d’orchestre, l’italien Andrea Molino, des solistes virtuoses de la musique traditionnelle orientale, originaires de Palestine et d‘Azerbaïdjan, et le compositeur iranien Kayhan Kalhor.
 
A l’heure où tous les orchestres symphoniques rassemblent au sein de leurs pupitres des musiciens professionnels de toutes nationalités, cette collaboration multiculturelle pourrait passer inaperçue. Pourtant cette création est porteuse d’une charge symbolique qui dépasse le multiculturalisme musical tel que nous le connaissons. 

Une œuvre engagée

Kayhan Kaldor, a composé sa symphonie afin de militer pour le rétablissement de la paix dans le conflit israélo-palestinien. Cette dernière est dédiée plus particulièrement à deux victimes de cette guerre. Le premier, Ahmed Khatib, un enfant palestinien de onze ans abattu en 2005 par un soldat israélien ayant confondu le pistolet à eau de l’enfant avec une arme réelle. Les parents d’Ahmed avaient fait don des organes de leur fils à des enfants israéliens.
 
Le second, Juliano Mer-Khamis, était à la tête d’un centre culturel situé dans un camp de réfugiés à Jénine. Bien plus qu’un simple acteur et directeur du théâtre du centre, il était un activiste politique, qui défendait une conception de l’art comme outil privilégié dans la construction d’une société pacifiée. Né d’une mère juive et d’un père arabe chrétien. Mer-Khamis incarnait par ailleurs toute la complexité du conflit israélo-palestinien. Son assassinat en 2011 avait provoqué l’annulation de la première tournée palestinienne de la symphonie, contraignant les musiciens à jouer le programme à Dresde même. 

Un mélange de sonorités

Autre particularité, l’œuvre jouée traduit de manière sonore le mélange des cultures opéré par la collaboration des musiciens, ce qui est rarement le cas lors des représentations des autres orchestres internationaux militant en faveur de la paix. En effet, le répertoire européen est le plus souvent à l’honneur : Beethoven, Wagner, Brahms ou Verdi.
 
La création de Kayhan Kaldor permet de faire résonner une association de mélodies perses et arabes. Les instruments traditionnels orientaux rencontrent ceux de l’orchestre occidental : le violon arabe côtoie son frère européen, alors que le kamânche, la darbouka, et le qanûn se mêlent aux cordes et percussions européennes. 

La musique, un langage sans frontières ?

Moyen de communication international et universel, la musique, qu’elle soit classique ou non, est une discipline artistique privilégiée pour promouvoir l’harmonie et la paix entre les peuples. Cependant, il est rare que les orchestres symphoniques se produisent ailleurs que dans le monde occidental. 

A ce titre, les tournées du West-Eastern Divan Orchestra sont symptomatiques. Cet orchestre symphonique, né en 1999 sous l’impulsion du pianiste et chef d'orchestre juif israélo-argentin Daniel Barenboïm et de l'écrivain chrétien américano-palestinien Edward Saïd, réunit environ 80 jeunes instrumentistes israéliens, syriens, libanais, égyptiens, jordaniens et palestiniens. Or cette formation musicale, dont l’objectif est de promouvoir le dialogue et la paix entre les peuples juifs et arabes, ne s’est jamais produite dans une ville du Moyen-Orient.
 
Quant à l'Orchestre mondial pour la paix de l'Unesco, créé en 1995, il n’a pu jouer pour la première fois dans le monde arabe qu’en 2011, dans le cadre du Festival d'Abu Dhabi, et ne s’est produit que deux fois en 18 ans d’existence en dehors des continents européen et nord américain.
 
Le projet de Kayhan Kaldor a ainsi le mérite de contourner les difficultés habituelles liées au déplacement d’un orchestre entier sur un territoire en conflit, qu’elles soient techniques ou diplomatiques. Le message adressé n’en est que plus fort. 

Au-delà du déplacement extraordinaire d’un orchestre européen au Moyen-Orient, si l’on considère indépendamment toutes les caractéristiques de la « Symphonie pour la Palestine » - pluralité des nationalités des musiciens, mélange de sonorités occidentales et orientales, inscription de l’œuvre dans une lutte pour la paix -, celles-ci n’ont rien de novateur. Mais c’est en revanche leur association autour d’une unique œuvre qui rend le projet aussi remarquable. 

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