Ouganda : un sprint final plein de rebondissements

Noé Michalon
17 Février 2016



A la veille des élections présidentielles et législatives ougandaises, les coups de théâtre se multiplient dans une ambiance toujours aussi tendue. Alors que la campagne s’est achevée officiellement mercredi soir à 18 heures, les dernières heures ont révélé quelques coups de théâtre susceptibles de peser sur le vote.



Yoweri Museveni au débat, la surprise du chef

Alors qu’il avait déclaré que « les débats étaient pour les écoliers » pour justifier son absence à la première édition, le président Yoweri Museveni a créé la surprise en participant au second débat présidentiel face à ses sept opposants. Longuement attendu sur la scène de l’hôtel de luxe où se tenaient les échanges devant une foule survoltée, le chef de l’Etat a placidement défendu son bilan, en mettant à nouveau en avant son action pour la paix. « Nous ne sommes pas en guerre puisque nous avons vaincu tous ceux qui voulaient amener la guerre », s’est-il félicité dans sa conclusion.
La photo historique des candidats main dans la main
La photo historique des candidats main dans la main

Alors que le thème principal était la politique étrangère, le Président a plaidé pour la mise en place d’une cour africaine pour se substituer à la Cour Pénale Internationale. Revendiquant la découverte de pétrole en Ouganda par son gouvernement, Yoweri Museveni a cherché à se montrer inflexible sur son action, rejetant les accusations de ses rivaux qui lui reprochaient l’intervention de l’armée ougandaise dans la guerre civile au Sud-Soudan voisin.
Crédit Noé Michalon
Crédit Noé Michalon

« Quelle sécurité ressentent nos jeunes, dont 83% sont au chômage ? » a attaqué sur un autre terrain son ancien Premier Ministre (2011-2014) Amama Mbabazi, tandis que le principal opposant, Kizza Besigye, s’est inquiété des suites potentiellement violentes de l’élection.
Sans surprise, M. Museveni ne s’en est pas inquiété, et a promis une élection dans la paix.
Sans surprise, M. Museveni ne s’en est pas inquiété, et a promis une élection dans la paix.

Il a aussi été question d’économie, et donc de pétrole, au cœur de l’effervescence qui agite le pays depuis une petite décennie. Kizza Besigye a profité du sujet pour tacler le pouvoir en place, allant jusqu’à dire que « le pétrole est un fléau quand il est dans les mains d’un régime corrompu » et dénonçant « les faux investisseurs » présents dans le pays.

Si les « petits candidats » ont tout fait pour exister, en dénonçant notamment la corruption et le mauvais état du système de santé, c’est avant tout le trio des favoris, Museveni-Besigye-Mbabazi qui a suscité le plus de réactions sur les réseaux sociaux. Largement commenté et diffusé sur plusieurs médias, le débat a fait monter d’un cran l’effervescence qui précède cette élection.

Les réactions étaient partagées à son issue, qui semble sans vainqueur. Toutefois, en se joignant à la mêlée tout en prenant ses distances, en courant le risque de se faire attaquer par tous, le chef de l’Etat est sorti plutôt renforcé de l’épreuve, que certains opposants l’accusaient de craindre. « Museveni a gagné le débat sur les arguments, Besigye sur son bon comportement. En restant calme et modéré, il a réussi à ne pas transformer l’événement en bagarre de bar » a ainsi commenté l’influent journaliste Andrew Mwenda, bien au fait de la popularité de l’opposant historique du Président.

Les sirènes de la capitale, trois jours avant le jour J

Mais la dispute de bar a bel et bien fini par avoir lieu. Deux jours plus tard, le lundi, les sirènes de police et de l’armée retentissaient plusieurs heures dans l’après-midi torride de Kampala. En cause ? La brève interpellation du même Kizza Besigye par la police à la mi-journée, alors qu’il paradait – illégalement selon la police – avec ses militants dans le centre-ville, en direction de l’Université Makerere. Plusieurs blessés, entre un et trois morts seraient à déplorer, tandis que les forces de l’ordre se sont lancées dans une démonstration de force : gaz lacrymogène, grenades assourdissantes et déploiement imposant ont réduit au silence les partisans devenus manifestants d’un jour.


Appelant au calme, celui qui affirme avoir été arrêté une quarantaine de fois depuis 2000 et son passage à l’opposition a été libéré au bout de quelques heures, juste à temps pour animer un dernier meeting. Mais à trois jours du vote, l’onde de choc de ces échauffourées n’est pas de nature à apaiser l’électorat, tandis que le camp présidentiel risque d’en pâtir dans les urnes.
« Y a-t-il déjà eu une élection entre Museveni et Besigye lors de laquelle Besigye n’a été menotté les mains dans le dos ? », s’est interrogé le journaliste Charles Onyango Obbo.
« Y a-t-il déjà eu une élection entre Museveni et Besigye lors de laquelle Besigye n’a été menotté les mains dans le dos ? », s’est interrogé le journaliste Charles Onyango Obbo.

L’arrivée tonitruante de l’hélicoptère présidentiel

Comme pour prouver l’existence d’une classe d’écart entre lui et ses concurrents, le Président sortant a fait une entrée remarquée à son meeting de clôture, mardi, en atterrissant dans son hélicoptère jaune (la couleur de son parti) parmi ses supporters, rassemblés sur la vaste étendue de Kololo AirStrip, près du centre-ville de la capitale. De quoi faire grincer quelques commentateurs de l’élection, qui estiment que « le seul carburant utilisé pour l’hélicoptère pourrait suffire à construire un centre de santé ».

A 24 heures du scrutin, avec ces derniers événements, le pays n’a jamais été aussi proche d’un second tour historique. Les sondages révèlent encore un grand nombre d’indécis et des scores très fluctuants pour le chef de l’Etat, entre 53 et 70%, donc peut-être à la lisière d’une seconde bataille à mener.

Jeudi 18 février, de 5 à 14 heures (heures françaises), suivez le live tweet du premier tour par Le Journal International.

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