Yoweri Museveni, le vieux routier
Il vient tout juste de fêter les trente ans de son accession au pouvoir par un coup d’État militaire. Le président sortant Yoweri Kaguta Museveni, 71 ans, part archi-favori pour ce scrutin que l’opposition accuse d’avoir verrouillé à double-tour. Stratège militaire et politique, d’origine marxiste désormais devenu parangon d’un libéralisme ouvert, le leader du Mouvement National de la Révolution (NRM) bat campagne en vantant essentiellement son action pour la paix. L’Ouganda, qui n’a connu aucune alternance pacifique, a beaucoup souffert de la guerre contre l’Armée de Résistance du Seigneur entre 1986 et 2006, dans le Nord du pays, et d’autres rébellions et tensions régionales dans les années 2000. Combinant avec habileté discours anti-impérialistes et doctrine libérale, il sait jouer sur tous les fronts pour s’attirer à la fois la faveur des investisseurs chinois et l’aide publique occidentale. Très populaire dans ses pâturages de l’Ouest (lui-même revendique souvent être agriculteur), la capitale Kampala lui est beaucoup moins favorablement acquise, tandis que le Nord demeure une place forte pour l’opposition.
Kizza Besigye, éternel opposant
Compagnon de route et ancien médecin militaire de Yoweri Museveni lors de la Guerre du Bush qui a porté leur génération au pouvoir, Kizza Besigye considère désormais son vieil ami comme un dictateur. Charismatique, celui qui se considère comme « un défenseur des droits de l’Homme » ne perd pas espoir de supplanter son ancien patient à la présidence, malgré déjà trois tentatives infructueuses (2001, 2006 et 2011). À la tête du puissant Forum pour un Changement Démocratique (FDC), le jeune sexagénaire demeure l’opposant le plus en vue malgré ses échecs passés. Proposant une remise à plat des institutions, il inclut aussi dans son programme un important investissement dans l’éducation, avec cantine gratuite et revalorisation des salaires des enseignants. Également populaire dans l’Ouest d’où il est aussi originaire, il connaît certaines difficultés à mener campagne, certains de ses meetings étant parfois interdits ou bloqués pour des raisons de sécurité. Plusieurs fois emprisonné dans le passé pour avoir manifesté contre le pouvoir en place, il continue, envers et contre tout, de croire en ses chances. Si sa victoire finale est plus qu’improbable, il pourrait accrocher un second tour, un sondage récent ne donnant Yoweri Museveni gagnant qu’avec « seulement » 51% au premier tour.
Amama Mbabazi, le dissident
C’est avec perte et fracas qu’Amama Mbabazi s’est fait congédier de son poste de Premier ministre en septembre 2014 après une lutte interne houleuse au NRM, entre ses partisans et ceux du président. Bras droit de ce dernier pendant trois ans après des passages à des postes clés à la Justice, la Défense puis la Sécurité dans les années 2000, ce membre fondateur du parti présidentiel s’évertue désormais à critiquer son ancien patron et axe son programme sur « la bonne gouvernance ». Candidat indépendant soutenu par une coalition de partis d’opposition dont certains historiques, comme le Democratic Party, il peine à mobiliser et reste à la traîne dans les sondages, en raison notamment des efforts déployés par Yoweri Museveni pour contrer ce rival gênant. Il arrive ainsi fréquemment que des membres de son équipe de campagne le quittent pour rallier le camp présidentiel, tandis qu’une radio locale a été fermée quelques heures à peine après l’une de ses interviews à leur micro. Mais ses 67 ans et son implication présumée dans certaines affaires de détournement au sommet de l’État constituent également un motif de défiance pour le très jeune électorat ougandais.
Benon Biraaro, la troisième voie
C’est une pointure militaire qui se présente en la personne du Général à la retraite Benon Biraaro. Candidat pour le Farmer’s Party (parti agrarien) dont les détracteurs l’accusent d’être le seul adhérent, cet ancien chef de la police militaire ougandaise a dirigé les opérations de l’armée en République démocratique du Congo à la fin des années 1990. Il fut collaborateur de Yoweri Museveni à son arrivée au pouvoir en 1986, proposant, entre autres, une réforme de l’éducation et un soutien à l’agriculture. Cet homme de fer essaie de se frayer un chemin entre les autres candidats en critiquant autant le pouvoir que l’opposition. Une posture difficile, d’autant qu’il doit souvent se défendre des atrocités passées dont est accusée l’armée ougandaise, notamment dans le Nord du pays.
Maureen Kyalya, la princesse sociale
Fille du prince du Royaume du Busoga dans l’Est du pays, Maureen Kyala a vécu dans les années 2000 à Londres, où elle a fini ses études, avant de se présenter aux élections de 2016 choquée par le niveau de vie et la corruption du pays. Anciennement au Forum for a Democratic Change (FDC, parti de Kizza Besigye), elle est désormais à la tête du Parti pour la Restauration Africaine, proposant la réunification de tous les États du continent. Partisane d’un État-providence en Ouganda, elle mise sur les coopératives pour rendre plus équitable la croissance économique du pays.
Elton Joseph Mabirizi, l’antisystème
Entrepreneur et pasteur, ce quadragénaire mise sur son âge et son passé apolitique pour critiquer la classe dirigeante et opposante actuelle, issue de la même génération, celle de la guerre du Bush. Se focalisant sur la lutte contre la corruption, sa campagne peine à décoller.
Abed Bwanika, jamais deux sans trois
Candidat en 2006 puis en 2011, Abed Bwanika revient en 2016, à la tête du Parti du Peuple pour le Développement. Après des scores de 0,95 % puis 0,65 % aux précédentes échéances, ce vétérinaire et pasteur tente de relancer son combat politique en essayant de réhabiliter la figure contestée de l’ancien président Idi Amin Dada au pouvoir entre 1971 et 1979, connu pour son pouvoir totalitaire et sanguinaire, mais de plus en plus célébré pour ses infrastructures.
Venansius Baryamureeba, l’universitaire
Surdiplômé, Venansius Baryamureeba a dit au revoir au monde universitaire le temps de sa course à la présidence. Mathématicien, docteur en philosophie, ingénieur en informatique, le candidat de la plateforme des Ougandais Progressistes a été vice-chancelier de la prestigieuse université Makerere de Kampala, qui a formé plusieurs présidents de la sous-région, dont le premier président ougandais Milton Obote. Critique du gouvernement, il prévoit 20 % du budget national pour l’éducation et 16 % à la santé, tout en proposant une banque de développement pour les jeunes. Il se singularise aussi par son souhait de transformer le pays en État fédéral.
Jeudi 18 février, de 5 à 14 heures, suivez le live tweet du premier tour par Le Journal International.