Négociations en Colombie : enfin la paix ?

Claire Tholozan et Simon Morvan
13 Mai 2014



La conférence-débat d’Alvaro Duran, avocat des droits de l’Homme et porte-parole du comité de soutien des prisonniers politiques et des communautés indigènes, s’est déroulée à Lyon le jeudi 24 avril. L’occasion de faire le point sur le conflit armé et les négociations pour un traité de paix en Colombie.


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Le comité de soutien et de solidarité aux prisonniers d’Amérique latine a été crée en 1973. Gabriel Garcia Marquez, homme de lettre très populaire en Amérique latine soutient la cause des prisonniers politiques et a reversé une partie de la somme reçue pour son prix Nobel de littérature au comité. L’objectif du mouvement est de dénoncer les faits et ravages de la guerre sale, financée par le narcotrafic, dont les disparitions et assassinats de défenseurs de droits de l’Homme.

Le pays est déchiré par les luttes syndicales et un proverbe colombien dit d’ailleurs qu'« être syndicaliste, c’est porter sa pierre tombale sur le dos ». Amnesty International a comparé la situation de la Colombie avec celle de la Syrie dans son rapport annuel, soulignant la gravité du conflit. Les atteintes fréquentes aux droits de l’Homme en Colombie sont souvent méconnues. De nombreux activistes ont perdu la vie, parmi eux, Faustino Acevedo et Jose Adan Quinto, tous deux assassinés en avril 2014.

Une lutte entre l'Etat, les guérillas et les groupes paramilitaires

Le conflit a débuté en 1960 avec la création de guérillas marxistes puis de groupes paramilitaires d’extrême droite en 1980 pour leur faire face. On dénombre deux cent cinquante mille morts entre 1985 et 2005 et c’est pour sécuriser le pays que le gouvernement de Juan Manuel Santos est entré en négociation fin 2012 avec les FARCS, la principale guérilla communiste. Ces groupes qualifiés de terroristes sont financés par le narcotrafic, une activité contre laquelle luttent les Etats Unis en mobilisant des fonds. 

Alvaro Duran, avocat des droits de l’homme et porte parole du comité de soutien des prisonniers politiques et des communautés indigènes. Crédit Simon Morvan
Alvaro Duran, avocat des droits de l’homme et porte parole du comité de soutien des prisonniers politiques et des communautés indigènes. Crédit Simon Morvan
Les Etats-Unis et les firmes industrielles soutiennent le Président Juan Manuel Santos dans sa tentative de négociation avec les FARCS. Les principales victimes sont des civils, ils subissent des violences sexuelles, des prises d’otages, des déplacements forcés et des homicides.

Les civils se mobilisent pour la paix

La population colombienne se place clairement en faveur des négociations entre guérillas et gouvernement. Le mouvement de protestation pour l’indépendance, « la marcha patriotica », organisée l’année dernière a mobilisé deux cent cinquante mille manifestants. Les groupes paramilitaires de droite, que la police estime à six mille membres ont toutefois tué vingt personnes et fait cinq cents prisonniers. L’objectif de cette manifestation était de trouver une solution négociée au conflit armé, d’obtenir un dédommagement pour les victimes du conflit, de réformer l’agriculture et de parvenir à la souveraineté populaire. 

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Le Congrès international sur les peuples indigènes d’Amérique latine a tenu à souligner cette manifestation comme une alternative réussie. Il reste toutefois un long chemin à parcourir pour que les civils récupèrent leurs terres et deviennent autonomes, Amnesty International s’est engagée à rester sur place pour aider à soutenir l’application de la paix. 

Vers la fin du conflit armé ?

Même si le gouvernement lutte pour la répression des organisations terroristes paramilitaires de droite ou guérillas de gauche, la répression est limitée dans les faits. En effet, sur trente-trois mille membres de groupes paramilitaires arrêtés, seuls trois mille ont étés jugés et deux cents emprisonnés. Cette impunité laisse paraître un manque d’engouement des hommes politiques, explicable par les lourdes conséquences que la fin du conflit aurait sur le pays. Les militaires en particulier cherchent à mettre un terme au processus de paix et espionnent les négociations en cours à la Havane. Alvaro Duran affirme que « cet accord ne sera pas possible sans leur soutien ». Ils sont opposés à cet accord de paix car la fin de la guerre signifierait de nombreuses pertes économiques et engendrerait un fort taux de chômage.

Le pays est aujourd’hui surmilitarisé pour faire face aux groupes paramilitaires et aux guérillas. Il y a en Colombie cinq cent cinquante mille soldats et la fin du conflit impliquerait la reconversion de quatre cent cinquante mille soldats. La paix revenue, la mission des soldats restants sera d’empêcher la mobilisation sociale pour anéantir la création de nouveaux groupes terroristes. La mobilisation pour la redistribution des terres, la mise en place de l’éducation gratuite et le retour à des conditions de vies décentes se fera de manière plus pacifiste et légale, par la voix des élections peut-être.

Cet évènement à été organisé par les associations Palenque  et France Amérique Latine  avec l'aide d'Amnesty International.

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