François Mazabraud, Les dessous de table, 2009, © François Mazabraud
Les amateurs d'art ont raison de penser que les Français sont chauvins. Cela fait 365 ans qu'on expose des artistes méconnus dans des salons. À la base, l'idée vient de l'Académie royale de peinture et de sculpture fondée en 1648. Cette dernière accrochait les « Morceaux de réceptions » effectués par quelques artistes, à la disposition d'un public resserré lors d'expositions aussi irrégulières que diversifiées.
Peu après, l'exposition a bénéficié d'une reconnaissance toute particulière puisque dès 1725, c'est au milieu du Palais royal, du Louvre, qu'elle se déroule. Le nouveau « Salon officiel » était autant un lieu d'exposition que de représentation sociale. Les œuvres présentées étaient celles d'artistes académiciens qui ne rendaient rien de la magnificiance de leur créativité et de leur liberté artistique dans leurs travaux puisqu'ils créaient sous le joug de quelques riches mécènes désireux de voir fleurir des œuvres dites classiques au milieu de leurs salles à manger. Après la Révolution française, le Salon impose son style. Il fait de l'antique une destination de rêve, les cartons toilés se parent de colonnades et de scènes mythologiques, comme Le serment des Horaces, de David. Si l'on veut plaire et vendre, on sait ce qu'il faut : se soumettre au style académique sans rechigner et faire taire sa personnalité à coups de traits de pinceau lisses s'il le faut.
Bien sûr, certains ne se résignaient pas et oeuvraient sous le seul arbitre de leur imagination et de leurs messages propres. Mais ceux-là étaient bien moins récompensés et recevaient dans le dos des œuvres un R pour « refus » qui ne leur permettait pas l'exposition. Par la suite, des salons indépendants ont ouvert leurs portes pour permettre à des barbouilleurs comme Fantin-Latour ou Pissarro de mettre leurs œuvres à disposition du public au lieu de les défenestrer... Et la tradition n'a jamais flanché.
Aujourd'hui, ce n'est plus à Paris, mais à Montrouge que les gens se dandinent entre les œuvres pour trouver la perle rare. L'investissement culturel exceptionnel de la ville a fait de l'événement une action non seulement nationale, outrepassant la tendance monocéphale française (même si les FRAC permettent la multiplication des centres cultures et de création), mais aussi européenne. Depuis 13 ans, le maire de Montrouge, Jean-Loup Metton, principal promoteur du Salon avec Stéphane Corréard, commissaire artistique, gomme les frontières pour faire de son projet, une organisation européenne, la Jeune Création Européenne (JCE). Neuf pays font partie de cette itinérance d'œuvres et d'artistes. Certains restent à quais pendant une ou plusieurs années à Montrouge dans un grand atelier d'artistes où l'émulation est partie prenant de la création.
Là bas, quelque soit son style chaque artiste est mis en valeur. Ce qu'on veut à travers le Salon, c'est faire connaître des artistes pour les propulser sur la scène artistique et faire de leurs œuvres, des modèles pour demain. Les lauréats (Maxime Chanson, Éponine Momenceau et Henrik Potter) remportent chacun trois prix leur assurant un peu de prospérité : 1000 euros, une place pour la Biennale JCE inaugurée en octobre, ainsi qu'un outil de révélation presque infaillible, l'exposition personnelle. Cette dernière prendra place, non pas au milieu du Vercors, mais bien au Palais de Tokyo en automne. Alors, si vous ne pouvez pas vous rendre à Montrouge avant le 12 juin, rendez-vous au palais de Tokyo !
Contrairement aux Salons parisiens du XIXe siècle, chaque artiste est libre de ses thèmes, libre de ses médiums, libre de ses choix créatifs. D'ailleurs, le politiquement correct ne semble même plus être une limite à la création. Les préoccupations artistiques touchent plutôt le quotidien et rien ne prête plus à censure.
Par exemple, dans le travail de Justine Pluvinage, ce qu’elle filme et rend au public, c'est le rapport au présent que ses personnages entretiennent à travers le récit de leurs souvenirs. À la limite du voyeurisme, elle montre la vie de tous les jours d'un couple de quadragénaires. Cela permet de montrer que non plus seulement la peinture et la sculpture sont à l'honneur dans les salons, mais que tous les moyens disponibles dans la création actuelle sont acceptés à Montrouge. L'art contemporain représenté, aussi diversifié que le sont les styles artistiques, prouve en questionnant le quotidien de toutes les classes sociales qu'il est, contrairement à ce que l'on croit le plus souvent, bien plus proche du spectateur que ne l'était l'art moderne. La différence tient en ce que l'on ne comprend pas toujours le dessein de l'artiste au premier regard.
Pourtant, nombreuses sont les œuvres qui traitent de sujets du quotidien sans codes particuliers de compréhension. Il faut souvent faire preuve de patience, de réflexion, de recul vis-à-vis de son propre quotidien, pour adapter le discours de l'artiste à soi. Les artistes ont aussi à cœur de faire participer le public à la création afin de créer une œuvre collective ou dans un autre point de vue, de prouver au spectateur que l'art se trouve partout, tout le monde peut être artiste et surtout, tout le monde peut être artiste de sa propre vie. La sculptrice Véronique Le Mouël Canivet, exposée pour l'édition 2012, avait travaillé sur le concept d'oeuvres participatives. Le concept du cube à tisser est simple : chacun peut graver un message sur une plaque d'aluminium et l'accrocher au cube grâce à du fil à tisser. Ici, chaque action de collaboration est acte créatif en lui-même avant de parvenir à l'oeuvre finale qui sera ensuite démontée et exposée.
À travers cette création, il est possible de se sentir artiste d'un jour et par la même occasion, de se rapprocher de l'art. Ainsi, l'artiste en ouvrant les frontières de la création, ouvre l'art à tous.
Derrière ce concept créatif qui paraît pourtant si moderne et révolutionnaire, il est possible d'entrevoir une pratique beaucoup plus ancienne, puisqu'antique. Véronique Le Mouël Canivet nous replonge ici dans les lamelles oraculaires de Dodone, où de petites lamelles de plomb étaient gravées de messages destinés aux dieux. Faut-il voir derrière son travail une réminiscence de superstitions ? En tous cas, sachons que dans l'art contemporain, tout n'est pas neuf, mais transformé au grès des siècles comme du vent, si l'on apprécie l'art de la renaissance ou l'art moderne, pourquoi ne pas aimer son évolution ? Allez hop, tous à Montrouge...
Peu après, l'exposition a bénéficié d'une reconnaissance toute particulière puisque dès 1725, c'est au milieu du Palais royal, du Louvre, qu'elle se déroule. Le nouveau « Salon officiel » était autant un lieu d'exposition que de représentation sociale. Les œuvres présentées étaient celles d'artistes académiciens qui ne rendaient rien de la magnificiance de leur créativité et de leur liberté artistique dans leurs travaux puisqu'ils créaient sous le joug de quelques riches mécènes désireux de voir fleurir des œuvres dites classiques au milieu de leurs salles à manger. Après la Révolution française, le Salon impose son style. Il fait de l'antique une destination de rêve, les cartons toilés se parent de colonnades et de scènes mythologiques, comme Le serment des Horaces, de David. Si l'on veut plaire et vendre, on sait ce qu'il faut : se soumettre au style académique sans rechigner et faire taire sa personnalité à coups de traits de pinceau lisses s'il le faut.
Bien sûr, certains ne se résignaient pas et oeuvraient sous le seul arbitre de leur imagination et de leurs messages propres. Mais ceux-là étaient bien moins récompensés et recevaient dans le dos des œuvres un R pour « refus » qui ne leur permettait pas l'exposition. Par la suite, des salons indépendants ont ouvert leurs portes pour permettre à des barbouilleurs comme Fantin-Latour ou Pissarro de mettre leurs œuvres à disposition du public au lieu de les défenestrer... Et la tradition n'a jamais flanché.
Aujourd'hui, ce n'est plus à Paris, mais à Montrouge que les gens se dandinent entre les œuvres pour trouver la perle rare. L'investissement culturel exceptionnel de la ville a fait de l'événement une action non seulement nationale, outrepassant la tendance monocéphale française (même si les FRAC permettent la multiplication des centres cultures et de création), mais aussi européenne. Depuis 13 ans, le maire de Montrouge, Jean-Loup Metton, principal promoteur du Salon avec Stéphane Corréard, commissaire artistique, gomme les frontières pour faire de son projet, une organisation européenne, la Jeune Création Européenne (JCE). Neuf pays font partie de cette itinérance d'œuvres et d'artistes. Certains restent à quais pendant une ou plusieurs années à Montrouge dans un grand atelier d'artistes où l'émulation est partie prenant de la création.
Là bas, quelque soit son style chaque artiste est mis en valeur. Ce qu'on veut à travers le Salon, c'est faire connaître des artistes pour les propulser sur la scène artistique et faire de leurs œuvres, des modèles pour demain. Les lauréats (Maxime Chanson, Éponine Momenceau et Henrik Potter) remportent chacun trois prix leur assurant un peu de prospérité : 1000 euros, une place pour la Biennale JCE inaugurée en octobre, ainsi qu'un outil de révélation presque infaillible, l'exposition personnelle. Cette dernière prendra place, non pas au milieu du Vercors, mais bien au Palais de Tokyo en automne. Alors, si vous ne pouvez pas vous rendre à Montrouge avant le 12 juin, rendez-vous au palais de Tokyo !
Contrairement aux Salons parisiens du XIXe siècle, chaque artiste est libre de ses thèmes, libre de ses médiums, libre de ses choix créatifs. D'ailleurs, le politiquement correct ne semble même plus être une limite à la création. Les préoccupations artistiques touchent plutôt le quotidien et rien ne prête plus à censure.
Par exemple, dans le travail de Justine Pluvinage, ce qu’elle filme et rend au public, c'est le rapport au présent que ses personnages entretiennent à travers le récit de leurs souvenirs. À la limite du voyeurisme, elle montre la vie de tous les jours d'un couple de quadragénaires. Cela permet de montrer que non plus seulement la peinture et la sculpture sont à l'honneur dans les salons, mais que tous les moyens disponibles dans la création actuelle sont acceptés à Montrouge. L'art contemporain représenté, aussi diversifié que le sont les styles artistiques, prouve en questionnant le quotidien de toutes les classes sociales qu'il est, contrairement à ce que l'on croit le plus souvent, bien plus proche du spectateur que ne l'était l'art moderne. La différence tient en ce que l'on ne comprend pas toujours le dessein de l'artiste au premier regard.
Pourtant, nombreuses sont les œuvres qui traitent de sujets du quotidien sans codes particuliers de compréhension. Il faut souvent faire preuve de patience, de réflexion, de recul vis-à-vis de son propre quotidien, pour adapter le discours de l'artiste à soi. Les artistes ont aussi à cœur de faire participer le public à la création afin de créer une œuvre collective ou dans un autre point de vue, de prouver au spectateur que l'art se trouve partout, tout le monde peut être artiste et surtout, tout le monde peut être artiste de sa propre vie. La sculptrice Véronique Le Mouël Canivet, exposée pour l'édition 2012, avait travaillé sur le concept d'oeuvres participatives. Le concept du cube à tisser est simple : chacun peut graver un message sur une plaque d'aluminium et l'accrocher au cube grâce à du fil à tisser. Ici, chaque action de collaboration est acte créatif en lui-même avant de parvenir à l'oeuvre finale qui sera ensuite démontée et exposée.
À travers cette création, il est possible de se sentir artiste d'un jour et par la même occasion, de se rapprocher de l'art. Ainsi, l'artiste en ouvrant les frontières de la création, ouvre l'art à tous.
Derrière ce concept créatif qui paraît pourtant si moderne et révolutionnaire, il est possible d'entrevoir une pratique beaucoup plus ancienne, puisqu'antique. Véronique Le Mouël Canivet nous replonge ici dans les lamelles oraculaires de Dodone, où de petites lamelles de plomb étaient gravées de messages destinés aux dieux. Faut-il voir derrière son travail une réminiscence de superstitions ? En tous cas, sachons que dans l'art contemporain, tout n'est pas neuf, mais transformé au grès des siècles comme du vent, si l'on apprécie l'art de la renaissance ou l'art moderne, pourquoi ne pas aimer son évolution ? Allez hop, tous à Montrouge...