Michael Kohlhaas : un combat romanesque pour la justice

14 Août 2013



Le réalisateur français Arnaud des Pallières signe cette semaine un film franco-allemand avec, en tête d'affiche, le talentueux Mads Mikkelsen. Sélectionné en compétition officielle lors du dernier festival de Cannes, Michael Kohlhaas est reparti sans aucun prix. Pourtant, ce n'était pas démérité...


Crédits photo -- Les Films du Losange
Crédits photo -- Les Films du Losange
Ce long-métrage retrace le parcours d'un marchand de chevaux des Cévennes sans histoire en quête de justice. Le rôle est tenu par le Danois Mads Mikkelsen. Alors que le Cévenol mène une vie prospère et heureuse, sa vie bascule le jour où il est victime d'une injustice de la part de son suzerain. Ce protestant, pieux et d'habitude discret, décide de lever une armée et de retourner le pays entier pour tenter d'obtenir réparation.

Pour son quatrième film, Arnaud des Pallières s'est inspiré d'un roman allemand du XIXe siècle : Michael Kohlhaas écrit par Henrich Von Kleist en 1810. L'intrigue se déroule au XVIe siècle, période de transition, où l'on peut apercevoir le crépuscule du Moyen-Âge qui cède sa place à la Renaissance. Durant ce « Beau XVIe siècle » comme aiment l’appeler les historiens, les guerres de religion font rage et la féodalité tend à devenir de moins en moins importante. La quête de vérité et de justice reste le premier combat défendu tout au long du film. Le protestantisme, la féodalité et les révoltes paysannes sont abordés en arrière-plan.

Une œuvre philosophique ?

Jusqu'où peut-on aller pour faire régner l'ordre et obtenir gain de cause ? Comment réagir dignement face aux injustices ? Le personnage interprété par Mads Mikkelsen a beau être un simple marchand, il n'en est pas moins instruit, il sait lire et écrire, chose réservée à une certaine élite à l'époque. La religion est prépondérante et l'aiguille dans sa quête, il croisera sur sa route un pasteur qui lui (et nous) fera douter de la légitimité de ses actes. Il choisit, pourtant, la violence pour faire valoir ses droits. Michael Kohlhaas reste cependant digne et respectueux de sa propre idée de la justice.

Arnaud des Pallières est un habitué des films plutôt lents, « qui font réfléchir » comme Adieu. Ici, le cinéaste nous gratifie de quelques scènes d'action. Toutefois, il ne faut pas s'y méprendre, les batailles qu'on peut admirer ne sont pas comparables aux affrontements épiques de Braveheart ou autre 300. Le réalisateur a préféré filmer ces scènes de loin afin de montrer la violence avec une certaine retenue. Bien sûr, il y a quelques scènes fortes, comme la naissance d'un poulain, ou une scène de pendaison filmée de façon très contemplative. Le but n'est pas de choquer mais de pousser à la réflexion.

Un problème de rythme

Le film a un rythme plutôt lent. Les scènes de paysages sont véritablement agréables pour les spectateurs, et d'ailleurs, magnifiées par le travail du réalisateur qui nous offre de longs plans sur cette montagne cévenole avec une lumière très travaillée. Cependant, un problème de rythme persiste, il faut attendre une bonne demi-heure pour que l'histoire démarre et même après ce labs de temps, il reste difficile de se plonger totalement dans l'histoire. Ajoutez à cela, la rareté des dialogues qui accentue cette lenteur.

Le film est sauvé par un très beau casting européen. Pour ses seconds rôles, Arnaud des Pallières s'entoure de l'allemand David Kroos, connu pour son interprétation dans The reader, ou encore l'Espagnol Sergi Lopez, César du meilleur acteur en 2001 pour son rôle dans Harry, un ami qui vous veut du bien. Toutefois, la performance à saluer est, bel et bien, celle de l'acteur danois Mads Mikkelsen. Déjà bluffant dans La chasse, pour lequel il a reçu le prix d'interprétation masculine à Cannes en 2012, il dégage ici une sorte de magnétisme. Il est à la fois puissant et touchant. Sa présence ensorcelante et son regard plus que captivant méritaient sûrement une autre palme.

Michael Kohlhass, à première vue film austère, est une œuvre puissante qui malgré quelques problèmes de longueur, vaut le coup d'être admirer. Arnaud des Pallières est peut-être reparti bredouille de Cannes mais il réussi à nous faire vivre de belles émotions à l'instar de la scène finale. Un film marquant et rempli d'exaltation.


Notez


Julien Lopez
Astronaute, blogueur, esthète, amateur de cinéma, Don Draper du dimanche, animateur radio et bien... En savoir plus sur cet auteur