Maldives : la discipline au paradis

Sofia Nitti
10 Novembre 2013



Les Maldives sont dans le chaos, et ce depuis février 2012, lorsque le président Mohammed Nasheed a été destitué dans des conditions douteuses. Toute la population demande des réformes pour améliorer le respect des droits fondamentaux, mais le chemin est davantage obstrué par diverses malversations et autres fraudes électorales.


Crédits photo -- Mauroof Khaleel/Presidency Maldives
Crédits photo -- Mauroof Khaleel/Presidency Maldives
En octobre 2008, Mohammed Nasheed a été le premier président élu lors d’élections multipartites. Il était salué comme le « sauveur » des Maldives : prisonnier d'opinion dans les années 1990, il avait commencé, en 2005, une campagne de désobéissance civile et de protestation non-violente pour s'opposer au gouvernement de Maumoon Abdul Gayoon et ses nuances dictatoriales. Gayoon, élu en 1978, conservait le pouvoir depuis 30 ans. Les élections, il les remportait avec pas moins de 90 % des voix en moyenne. Au fil des ans, il n’a pas seulement accumulé les pourcentages, mais aussi de nombreuses critiques lourdes de conséquences concernant son accumulation de rôles et de pouvoirs ainsi que la corruption plus qu’omniprésente dans sa politique.

Cependant, le changement n'a pas eu le temps de se mettre en place : après 40 mois, les efforts réformateurs de Nasheed ont été interrompus par des manifestations qui l'ont obligé à démissionner sous la contrainte des armes, l'accusant d’être trop libéral. Depuis cet instant, le chaos a pris le total contrôle des Maldives. Remplacé par son vice-Président, Mohammad Waheed Hassan, Nasheed a été appelé à comparaître devant le tribunal pour des accusations de fraude et abus de pouvoir. Waheed, de son coté, a essayé de « garder le gouvernail du bateau », en convoquant enfin de nouvelles élections pour septembre 2013.

Des élections sans fin

7 septembre 2013, premier tour de l’élection présidentielle, quatre candidats se font face : le président sortant Mohamed Waheed (qui obtient 5,13 % des voix), Gasim Ibrahim, ministre des Finances du gouvernement Gayoom (24,07 %), Abdulla Yameen, demi-frère de Gayoom (23,35 %) et, surprise, Mohammed Nasheed, qui remporte le vote avec 45,5 % des voix. 

La solution pacifique est bien loin : les protestations et recours (notamment de la part de Gasil Ibrahim) qui font suite à ce premier tour confirment la menace imminente d’une crise politique. Le pays est à la dérive : les villes sont prises d'assaut par le désordre et la police arrête des dizaines de manifestants. Les résultats du premier tour sont annulés. Une deuxième tentative prévue pour le 19 octobre n’aboutit pas, bloquée par la police après que deux des candidats ont refusé de signer le registre des électeurs.

Une fin de semaine décisive

La Constitution prévoit qu'un nouveau président soit élu au plus vite pour prendre la place de Mohamed Waheed, puisque ce dernier a affirmé ne pas vouloir prolonger son mandat de président par intérim après le 11 novembre. Une nouvelle date d’élection a donc été fixée pour le samedi 9 novembre 2013, et, malgré des difficultés d'organisation, les élections se sont déroulées comme prévu.

Les résultats ont confirmé les préférences exprimées par les 240 000 électeurs il y a deux mois : 47 % des voix pour Mohammed Nasheed et presque 30 % pour son principal opposant, Gasim Ibrahim. Le troisième candidat, Abdulla Yameen a obtenu 23 % des votes et est donc hors de la compétition. Un ballottage sera quand même nécessaire entre les deux premiers candidats puisque Nasheed n'a pas atteint les 50 %.

L'incertitude demeure dans la nation. « J’espère seulement que la Cour Suprême ne viendra pas encore perturber les événements ce soir », a déclaré hier Ameen Ali, 63, électrice de Male (capitale du pays), interviewée par Reuters. Ses paroles se sont révélées prophétiques. La commission électorale a dû annuler le ballottage prévu pour aujourd'hui, après que les protestations d'un des candidats ont été recueillies par la Cour Suprême. Au final, le week-end décisif nécessaire pour stabiliser la politique des Maldives ne sera pas celui-ci. Le scénario reste toujours mené par un régime autocratique qui a infiltré ses racines dans tous les domaines de l'organisation étatique.

Un double enjeu économique et social

Si une présidence stable et démocratiquement élue reste une utopie, l'économie des Maldives ne paraît pas aller beaucoup mieux.
Largement dépendant du tourisme, le pays voit sa principale ressource économique s’affaiblir et ses partenaires internationaux éviter les accords économiques face à la précarité politique et à l'insuffisante crédibilité économique du pays. Au cours de ces dernières années, les atolls paradisiaques ont été pris d'assaut par un million de touristes par an et le tourisme représentait 27 % du PIB en 2012.

Situées à 451 km de l'Inde, les Maldives ont en commun avec celle-ci une grande partie de la culture et de l’histoire (notamment l'influence britannique au cours des 19e et 20e siècles), mais aussi la problématique du taux de violence et d’abus sexuel sur les femmes et les mineurs. Alors qu'en Inde le gouvernement commence à élaborer des réformes globales concernant la protection et la prévention des violences, la population des Maldives élève la voix pour le changement radical d'une justice paradoxale, qui punit davantage les victimes que les bourreaux.
Selon un sondage, 92 % de la population considère urgent et nécessaire que le gouvernement fasse des réformes pour la protection contre les abus.

Quiconque sera élu au siège de sixième Président de la République des Maldives devra donc faire face à une situation dramatique et ramifiée. Sur le plan interne, il faudra à nouveau établir un ordre au niveau national, combattre la corruption et le non-respect des droits humains. Les problèmes ne s’arrêtent pas aux petites îles : les Maldives ne sont pas indépendantes ni d’un point de vue énergétique ni du point de vue des ressources ; la crédibilité aux yeux des puissances internationales sera donc plus que fondamentale.

Notez