Malaisie : Putrajaya, nouvelle capitale artificielle

30 Septembre 2013



Située à 25 km au sud de Kuala Lumpur, Putrajaya est depuis 1995 la nouvelle capitale administrative de la Malaisie. Sortie de terre par le biais du travail de bulldozers ayant rasé des milliers d’hectares de plantations d’huile de palme, la ville est le symbole des nouvelles bases solides et durables voulues par le gouvernement. Retour sur le développement de cette ville des plus artificielles.


Palais du Premier ministre | Crédits photo -- Gryffindor
Palais du Premier ministre | Crédits photo -- Gryffindor
14h30. Nous montons dans le bus qui nous emmène découvrir Putrajaya. Notre surprise est grande lorsque nous apercevons les grandes avenues désertes, les parcs vides de promeneurs, les monuments gigantesques ayant pour seuls visiteurs les cars de touristes s’arrêtant tout au plus dix minutes. Et que dire de notre incompréhension quand nous avons appris que cette cité érigée ex-nihilo a couté la bagatelle de 20 milliards de ringgit, soit plus de 4,5 milliards d’euros. Ce projet pharaonique peut sembler invraisemblable au premier abord, mais s'inscrit finalement dans la dynamique malaisienne de développement.

Le symbole du développement malaisien

À l’image de ces quartiers résidentiels qui poussent comme des champignons, la population de Putrajaya ne cesse d’augmenter. De 30 000 en 2007, le nombre d'habitants est passé à 80 000 en 2013. À terme, le gouvernement espère attirer près de 330 000 personnes dans ce qui deviendra le centre politique du pays. Tous les ministères ont été délocalisés à Putrajaya dès sa construction, le palais du Premier ministre étant de loin l’édifice le plus impressionnant. S’étendant sur des centaines de mètres carrés, le bâtiment se veut l’image du gouvernement malaisien aux yeux du monde, la représentation concrète du poids du chef du gouvernement. À ses côtés trônent les ministères, un défilé de bâtisses vitrées au top de la modernité. Tout cela dans un rayon n’excédant pas les trois kilomètres.

Une belle volonté donc de montrer sa modernité et son avancée technologique. La technologie est en effet le second point notable de cette ville, et véritable fierté du pays. Située stratégiquement à égale distance entre Kuala Lumpur et le principal aéroport international du pays, la cité se veut l’égale de la Silicon Valley. Si la comparaison est de taille, l’ambition est marquée de créer un centre important de TIC (Techniques d'Information et de Communication) en Malaisie, afin d’attirer les entreprises multinationales et start-up locales. La ville est entièrement gérée par informatique, et de nombreux avantages fiscaux sont délivrés, dans ce nouvel État fédéral, aux entreprises dédiées à la recherche et au développement. Une mesure qui commence à porter ses fruits puisque des entreprises comme Nokia ou Microsoft ont déjà délocalisé leur siège régional à Putrajaya.



Crédits photo -- mile.mmu.edu.my
Crédits photo -- mile.mmu.edu.my
Enfin, après les facettes politique et économique, c’est sur le plan écologique que le pays veut faire ses preuves à travers la construction de la capitale administrative. Ce n’est pas pour rien que la ville est appelée « World’s First Intelligent Garden City ». Avec ses cinq parcs et ses multiples espaces verts, Putrajaya prend à contre-pied les critiques écologiques qui pleuvent sur la Malaisie notamment concernant la déforestation continue. Le gouvernement veut par là prouver au monde que le pays est capable de mettre en place une réelle politique écologique face aux problématiques environnementales.

Des balbutiements pour une future métropole politique

Tout n’est néanmoins pas si vert pour Putrajaya, le gigantisme de la ville pose indubitablement certaines questions. Le projet de construction de Putrajaya s’inscrit dans un paradigme plus grand, celui de la « Vision 2020 » du Premier ministre de l’époque, Mahathir Mohamad. Ce projet d’envergure nationale avait pour but de faire de la Malaisie un leader industriel à l’échelle mondiale à l’horizon 2020. Pari formidable ou mégalomanie de son auteur, on ne peut juger, mais il en reste que des constructions pharaoniques ont été lancées à cette période. Putrajaya fait partie de celles-ci, tout comme la réplique authentique du centre ville de la ville de Colmar, en raison de l’amour que portait le Premier ministre à la ville alsacienne. Et ce n’est pas la seule, puisque la nouvelle capitale administrative recèle de répliques à échelle de monuments mondialement connus. 

Il est par exemple très surprenant que le guide nous indique que l’on arrive aux Champs-Elysées, avenue qui s’étend sur 7 km et se veut l’identique de notre avenue nationale. Mieux encore, au bout des Champs Elysées malaisiens se trouve le pont Alexandre III, construit en tout points pareil au pont parisien. Aux côtés de celui-ci, on retrouve une copie du Khaju Bridge d’Ispahan en Iran, et ce que le guide nous a présenté comme la réplique du Golden Gate de San Fransisco.

De tels projets ont néanmoins leur part de conséquences néfastes. Ville gigantesque en pleine construction, Putrajaya paraît trop artificielle, et nous offre le même sentiment qu’on peut retrouver à Brasilia. Les rues sont désertes, l’ensemble est trop neuf et vide, on ne ressent pas cette vie que l’ont trouve dans les rues de Kuala Lumpur.

Il faudra certainement du temps pour que la capitale administrative prenne forme, qu’elle prenne vie et devienne enfin la grande cité dont rêve la Malaisie. Difficile pour le guide de nous parler de l’histoire de Putrajaya et ne remonter qu’aux années 2000, la crédibilité de son discours en prend un coup. Mais ce n’est que partie remise, des ambassades commencent peu à peu à prendre leurs quartiers dans cette ville qui ne demande qu’à accueillir de nouveaux habitants.

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