En Lettonie, le Président de la République est élu au suffrage indirect. Ainsi, ce ne sont pas les citoyens mais les 100 députés du parlement – la Saeima – qui sont en charge du vote. Pour remporter l’élection présidentielle, le prétendant au titre doit obtenir au moins 51 voix, soit la majorité absolue. Un second tour, et si besoin un troisième, départage les candidats en cas de non majorité absolue. Bien que le rôle du président letton soit essentiellement institutionnel, l’enjeu est important : quel candidat peut représenter au mieux la Lettonie à l’étranger ? Doit-on s’attendre à des relations un peu plus diplomatiques avec la Russie, l’ancien occupant ? Ou faut-il prévoir une politique exclusivement tournée vers l’Union européenne ?
Rôlé clé de la diplomatie
Dans un pays comme la Lettonie, le Président de la République est particulièrement attendu sur les questions diplomatiques. En rejoignant l’Union européenne et l’OTAN en 2004, l’État balte a choisi de couper les ponts avec son passé soviétique. Pour autant, les problématiques d’aujourd’hui sont les mêmes que depuis l’obtention de l’indépendance en 1991. Que faire des 30 % de russophones résidant en Lettonie, du transit du pétrole, de la célébration annuelle de la victoire alliée sur le nazisme, synonyme d’occupation pour la Lettonie ?
Bien souvent, le pays est délaissé par l’Union européenne sur ces sujets. Le président a alors la responsabilité d’apporter des réponses si possible diplomatiques. Le 9 mai 2005, la présidente lettonne Vaira Vīķe-Freiberga avait ainsi fait la une des journaux en acceptant l’invitation de Vladimir Poutine à venir commémorer dans la capitale russe la victoire des Alliés sur le nazisme. En période de tensions, comme c’est le cas aujourd’hui, peut-on attendre un acte aussi symbolique du futur président letton ?
Interrogations sur le pronostic
Alors que l’actuel président est sans appartenance partisane, et qu’il a déclaré en avril dernier ne pas vouloir d’un deuxième mandat, ses quatre potentiels successeurs sont tous plus ou moins liés à un parti : Mārtiņš Bondars est leader de l’Association lettonne des régions, à tendance centriste. Sergejs Dolgopolovs se réclame du parti social-démocrate Harmonie, considéré « pro-russe ». Egils Levits est quant à lui soutenu par l’Alliance nationale orientée vers une droite nationale et libérale, et Raimonds Vējonis est président de l’Union des verts et des paysans.
Si la majorité relative des députés est pro-russe au parlement avec 24 sièges, des alliances sont attendues de la part des autres partis pour mettre à la tête de l’État un président plutôt à droite. Raimonds Vējonis et Egils Levits semblent donc bien placés pour l’emporter. Les internautes lettons sur le site mansprezidents - qui permet de simuler la prochaine élection présidentielle au suffrage universel direct - semblent toutefois accorder une préférence à Mārtiņš Bondars. Quoi qu’il en soit, le candidat « pro-russe » Sergejs Dolgopolovs, s’il possède la majorité relative au parlement, ne gagnera probablement pas l’élection. Sur les quelque 15 000 internautes ayant voté sur le site, il ne possède d’ailleurs qu’une cinquantaine de voix, contre plus de 5 500 pour le leader de l’Association lettonne des régions.
Président polyglotte ?
Reste une question essentielle : le chef de l’État sera t-il polyglotte ? Depuis la présidence de Vaira Vīķe-Freiberga qui a su, entre 1999 et 2007, s’approprier la scène internationale grâce à sa maîtrise parfaite de cinq langues, les habitants de Lettonie semblent vouloir un président aux compétences similaires. Le journaliste Māris Zanders, du quotidien Diena, écrit d'ailleurs : « Si nous souhaitons tous si ardemment que le nouveau président ne soit pas provincial, c’est pour éviter que nous ne devenions nous-mêmes provinciaux. On ne cesse de souligner l’importance de sa maîtrise de l’anglais. En effet, plus on connaît de langues, plus les sources d’information se diversifient et plus la vision du monde s’élargit - du moins en théorie. L’essentiel est que le nouveau président ne pense pas uniquement au prestige de sa fonction, mais également à ses concitoyens. » (traduction du site)
De fait, un Letton pratique en moyenne 2,7 langues contre 1,8 pour un Français. On peut imaginer que les Lettons puissent se sentir mieux représentés par un président polyglotte. Ce dernier serait d’ailleurs à l’image du pays, qui accueille chaque année de plus en plus d’étudiants étrangers et de touristes. Si le polyglottisme était le critère de sélection, alors Egils Levits, qui parle parfaitement cinq langues (letton, russe, allemand, anglais et français) pourrait avoir un avantage certain. Mais quoi qu’il en soit, le dernier mot reviendra aux 100 députés de la Saeima, qui décideront ce mercredi 3 juin du nouveau Président de la République.