Avec 50,3% des voix en faveur de l’initiative extrême droite, le peuple helvétique a accepté la création de contingents annuels pour les immigrants. Les conséquences, certaines connues et d’autres ignorées, se sont avérées rapides et lourdes pour les domaines de la formation, de la recherche et du cinéma.
Effectivement, l’instauration de plafonds annuels concernant les immigrants va à l’encontre de la libre circulation des personnes dans l’espace européen. Ce traité, permettant aux Européens de vivre et travailler librement en Suisse et vice versa, fait partie des accords bilatéraux que le peuple suisse a accepté quatorze ans auparavant, le 21 mai 2000, avec une majorité de 67,2%.
Les sept accords, qui incluent des ententes sur le marché public, l’agriculture, les transports terrestres et aériens, la recherche et les obstacles techniques au commerce, sont liés par une « clause guillotine ». En effet, si l’un des accords n’est pas respectés, tous subiront des conséquences. Le « Oui » du 9 février 2014 met aussi une halte à la signature suisse au bas du «Protocol Croate» qui étend les droits de la libre circulation au nouveau membre européen.
Avant même de se pencher sur la mise en œuvre de l’initiative, le Conseil Fédéral doit faire face à une Commission Européenne mécontente et directe dans ses actions. Tout juste trois semaines après la votation, le commissaire européen, Laszlo Andor, annonce publiquement les conséquences directes du choix des Suisses. A savoir, le gèle immédiat de la participation de la Suisse en tant qu’état membre aux programmes européens « Erasmus + », Horizon 2020 et MEDIA. Un acte que l’Union Européenne ne définit pas comme « sanctions » mais comme « conséquence logique suite au choix qu’a fait le peuple helvétique » (European Commission Statement, Strasbourg, 26 Février 2014).
Vers un langage commun
C’est sous pression que le Conseil Fédéral suisse établit des solutions transitoires en terme de financement des programmes affectés ainsi qu’une nouvelle approche aux échanges avec l’Union Européenne. Le 7 mars 2014, la Confédération adopte les nouveaux règlements européens qui visent à renforcer l’accord Dublin. Le 26 mars 2014, c’est le soutient actif et financier de la Suisse au EASO (European Asylum Support Office) qui est signé.
Le programme vise à soutenir les pays européens croulant sous les vagues d’immigration récentes. Un mois plus tard, le 29 avril 2014, l’Union Européenne publie un communiqué de presse concernant la participation de la Suisse à la mission militaire européenne qui vise à former les Forces armées maliennes. Finalement, le 30 avril, le Conseil Fédéral annonce sa décision de créer des contingents séparés pour la Croatie. Le but étant de traiter le pays Balkans comme un ancien membre de l’Union Européenne.
De plus, la Suisse contribuera à l’élargissement de l’Union Européenne par l’apport de 45 millions de franc suisse en faveur de la Croatie - un geste de solidarité qui s’avère temporairement suffisant. L’Union Européenne annonce le dégel des programmes Erasmus + et Horizon 2020 début mai 2014.
Bien qu’une certaine normalité semble s’être installée pour la première fois depuis le 9 février 2014, les relations Suisse-UE restent dépendantes du principe de l’œil pour œil, dent pour dent. Le Conseil Fédéral a maintenant trois ans pour trouver une façon d’appliquer l’initiative « contre l’immigration en masse » tout en respectant ses contrats avec son partenaire européen, une tâche pratiquement impossible sans faire de mécontents.
Après s’être tiré une balle dans le pied, la Suisse semble être contrainte de s’aligner avec le programme européen. Momentanément, le compromis avec elle-même paraît être la seule option face à une Europe ferme.