Les Panama Papers vus d'Islande

Solveig Veyssiere
2 Mai 2016



Dans la nuit du 3 au 4 avril 2016, des millions de documents confidentiels ont fuité, révélant l’existence de plus de 214 000 sociétés offshore et le nom de leur détenteur. Les Panama Papers – nom donné à la fuite en référence au cabinet panaméen Mossack Fonseca – ont touché de nombreuses personnalités dont d’actuels dirigeants politiques dans des dizaines de pays. La discrète île islandaise n’y a pas échappé puisque le Premier ministre Sigmundur Davíð Gunnlaugsson figure dans ces documents, tout comme la ministre de l’Intérieur et le ministre des Finances. Les Islandais ont manifesté leur colère dans les rues et les rassemblements ont totalisé, selon la police ou les manifestants, entre 8 000 et 22 000 personnes, les chiffres demeurant malgré tout historiques pour le pays (323 000 habitants).


Des manifestants à Akureyri, au nord de l'Islande, le 6 avril 2016. Crédit : Solveig Veyssiere
Des manifestants à Akureyri, au nord de l'Islande, le 6 avril 2016. Crédit : Solveig Veyssiere
Le 4 avril dernier, des milliers d’Islandais sont descendus dans les rues de la capitale, une banane à la main en référence aux républiques bananières auxquelles ils se comparent. Ils ont protesté devant le Parlement et demandé la démission du Premier ministre Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, en exercice depuis 2013. Ce dernier serait impliqué dans une histoire de fraude fiscale révélée par la bombe Panama Papers qui secoue le monde entier depuis le 3 avril. Accusé d’avoir détenu une société offshore nommée Wintris dans les Îles Vierges britanniques, appartenant désormais entièrement à son épouse, le Premier ministre a démenti en avoir été propriétaire et a coupé court à une interview durant laquelle des journalistes suédois tentaient d’en apprendre plus sur son lien avec Wintris. Selon lui, sa femme a toujours été en règle vis-à-vis de la société et paye régulièrement ses impôts. Or, comme le font remarquer de nombreux Islandais interrogés, il est impossible de vérifier ce qu’il avance.

Au lendemain des manifestations, le 5 avril 2016, après avoir soutenu qu’il ne quitterait pas son poste parce qu’il n’avait rien à se reprocher, le Premier ministre a finalement donné sa démission. Si les manifestations ont eu cette ampleur, c’est parce que les révélations faites par les Panama Papers remettent en question de nombreux éléments concernant la crise de 2008 qui a envoyé banquiers et personnalités haut-placées devant le tribunal.

Le Premier ministre Sigmundur Davíð Gunnlaugsson. Crédit : Muriel Epailly
Le Premier ministre Sigmundur Davíð Gunnlaugsson. Crédit : Muriel Epailly
Kristín Margrét Jóhannsdóttir, professeur à l’Université d’Akureyri se dit « dégoûtée » de l’actuel gouvernement suite à l’affaire et tient à rappeler que la capacité du pays à se remettre de la crise financière est en grande partie due à l’ancien gouvernement qui a fourni « un travail incroyable ». D’après cette enseignante, interviewée par Le Journal International, le nouveau gouvernement a été élu en promettant aux Islandais de récupérer leur vie aisée d’avant la crise, ce qu’une importante part de la population souhaitait, tout en sachant que c’était paradoxalement l'une des principales causes de la crise. Enfin, elle souligne le manque de cohérence vis-à-vis de la manière dont les élus poussent les Islandais à investir et avoir confiance en l’économie du pays alors que ces mêmes représentants ouvrent des comptes dans des sociétés étrangères.

Les Islandais se sont de nouveau rassemblés dans le but de demander la démission de l’ensemble du gouvernement. Nombreux sont ceux qui demandent des élections anticipées. Une seconde manifestation, très peu suivie, a eu lieu le 6 avril 2016 à Akureyri au nord du pays.

Des t-shirts à l'effigie du Premier ministre Sigmundur Davíð Gunnlaugsson avec la mention « pas mon premier ministre ». Crédit : Solveig Veyssiere
Des t-shirts à l'effigie du Premier ministre Sigmundur Davíð Gunnlaugsson avec la mention « pas mon premier ministre ». Crédit : Solveig Veyssiere
Près de deux semaines après l’éclatement de l’affaire, Reykjavik semble avoir retrouvé son calme. Le 21 avril représente le premier jour de l’été en Islande, c’est un jour férié et, mis à part un marathon organisé dans les rues de la capitale, aucun autre type de manifestation ne semble avoir lieu et toute la ville est calme. L'ancien Premier ministre Gunnlaugsson a le droit à sa tête sur des t-shirts portant le slogan « ekki minn forsaetisradherra » (« pas mon Premier ministre »).

Notez