L’opération IMPACT, telle que votée par la Chambre des Communes du Canada, prévoit l’envoi de six avions de chasse CF188 Hornet, deux avions de surveillance CP 140 Aurora, un appareil de ravitaillement en vol ainsi que 600 militaires pour épauler pendant six mois la coalition rassemblée par les Etats-Unis pour venir en aide aux forces de sécurité irakiennes et les forces peshmergas kurdes. Le Canada versera en outre jusqu’à 15 millions de dollars canadiens en matière de sécurité : dix millions de dollars sont destinés à une aide non létale pour l’acquisition d’équipements et de matériel – casques, gilets pare-balles, véhicules de soutien logistique –, et cinq millions de dollars viendront soutenir les efforts régionaux qui tentent de restreindre l’entrée de combattants étrangers en Irak et en Syrie.
Si la Chambre des Communes a adopté en la majorité l’intervention des Forces armées canadiennes, elle a rejeté l’amendement néo-démocrate qui proposait d’offrir une aide au transport de matériel militaire pendant trois mois ainsi que de l’aide humanitaire. Pour l’opposition, bon nombre de questions demeurent aujourd’hui encore sans réponse. En effet, aucun détail concernant les coûts des opérations ainsi que les territoires exacts visés par les frappes aériennes canadiennes n’ont été publiés par les autorités.
Par ce vote, le Canada entend lutter contre les forces armées de l’Etat islamique aux côtés de ses alliés, et notamment les Etats-Unis son principal partenaire économique. Il est intéressant de noter qu’à part la guerre du Vietnam, le Canada a pris part à toutes les guerres états-uniennes. D’ailleurs, l’intervention canadienne en Irak n’est pas sans rappeler la guerre en Afghanistan, qui avait débuté en 2001, suite aux attentats du 11 septembre 2001. Rappelons qu’à l’époque le Canada avait décidé l’intervention en Afghanistan sans réel débat public ni parlementaire. Selon Francis Dupuis-Déri, « dans le cas de l’Afghanistan, il est tragique de constater que les puissances occidentales se sont engouffrées derrière les Etats-Unis dans une guerre qui visait d’abord à frapper le réseau Al-Qaïda et le régime taliban, sans que personne n’ait d’idée claire quant à la suite des choses » (L'armée canadienne n'est pas l'armée du salut).
De nombreuses questions demeurent sans réponse concernant l’intervention des Forces armées canadiennes contre l’Etat islamique : le gouvernement canadien se limitera-t-il, comme promis, à des frappes aériennes ? Quelles mesures vont être mises en œuvre pour permettre de terminer l’opération dans les temps escomptés ? N’ouvre-t-on pas là la voie vers des interventions dans d’autres pays touchés par l’Etat islamique, tels que la Syrie ? Car depuis le 12 septembre 2001, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 1368, autorisant l’attaque d’un régime hébergeant sur son territoire des bases terroristes.
Une aide humanitaire venant s’ajouter aux frappes aériennes
L’intervention militaire n’est pas la seule et unique solution envisagée par le gouvernement canadien. En effet, le ministre des Affaires étrangères, John Baird, a annoncé une aide canadienne de 5 millions de dollars canadiens pour les victimes de violences sexuelles en Irak ainsi qu’une aide supplémentaire de 5 millions de dollars visant à financer une enquête permettant de poursuivre en justice les auteurs des crimes sexuels sur le territoire contrôlé par l’Etat islamique.
Ces deux enveloppes seront distribuées par différents organismes tels que Justice Rapid Response et le Haut Commissariat aux droits de l’Homme des Nations Unies. Depuis le début de l’année, le Canada s’est engagé à verser une aide atteignant au total 28,9 millions de dollars canadiens aux Irakiens (pour 19,4 millions de dollars) et aux Syriens (9,5 millions de dollars) touchés par le conflit contre l’Etat islamique. Cette aide sera distribuée par l’intermédiaire d’organismes humanitaires de l’ONU, du Comité international de la Croix-Rouge ainsi que d’ONG partenaires. Concrètement, cette aide vise à répondre aux besoins urgents en termes de santé, d’abris, de protection, d’éducation et d’alimentation. Ainsi, l’aide humanitaire adoptée par le Canada se donne pour objectif de répondre aux besoins à court terme tout autant que pour favoriser la stabilité et la prospérité du pays dans un long terme. A ces aides financières vient s’ajouter la participation du Canada à une mission d’évaluation conjointe avec le Royaume-Uni visant à cerner les initiatives pouvant aider les victimes des crimes commis par l’Etat islamique.
Les fusillades à Ottawa et à Saint-Jean-sur-Richelieu, de plausibles répercussions
En l’espace d’une semaine, le territoire canadien a connu deux événements tragiques. Lundi 20 octobre, Martin Rouleau, membre du parti radical plus connu sous le nom de Ahmad Reconverti sur Facebook, a heurté de plein fouet deux militaires avec son véhicule à Saint-Jean-sur-Richelieu – Québec – avant de prendre la fuite et de succomber à ses blessures. Si la Sûreté du Québec invite à la prudence afin de ne pas qualifier trop tôt ce drame d’acte de terrorisme, les réactions politiques n’ont cependant pas tardé à évoquer un possible acte terroriste contre les Forces canadiennes en lien avec le dossier de l’Irak. Les autorités américaines ont quant à elles accru leur vigilance suite à l’attaque contre les deux militaires canadiens.
Mercredi 23 octobre, trois fusillades à Ottawa ont attristé le Canada: une première au Monument commémoratif de guerre, la seconde devant le Parlement canadien et la troisième au sein même de l’hôtel du Parlement. Ces fusillades ont causé la mort de deux personnes, un soldat des Forces armées canadiennes et le principal suspect – abattu par le sergent d’armes de la Chambre des Communes, M. Kevin Vickers. Si le principal suspect armé d’un fusil de chasse, Michael Zehaf-Bibeau – selon les dernières informations – a été abattu, la confusion règne encore quant au nombre exact de suspects impliqués dans les multiples fusillades. En réactions aux fusillades, les bases militaires canadiennes se sont fermées aux visiteurs et ont redoublé leurs mesures de surveillance. Les membres des Forces armées canadiennes ne sont plus autorisés à sortir publiquement en uniforme, sauf en cas de besoins opérationnels.
Les gouvernements provincial et fédéral travaillent conjointement sur les enquêtes, mais ils ne sont pas encore en mesure de savoir si les attaques sont revendiquées par des loups solitaires ou par un groupe. Toutefois, il convient de noter que selon le Department of Homeland Security des Etats-Unis, il y aurait une augmentation de la propagande encourageant des attaques à petite échelle contre des forces de l’ordre des pays occidentaux qui soutiennent l’intervention en Irak et en Syrie.