Le cinéma iranien : reflet d'une société sous haute pression

Emmanuel Girard
30 Juin 2013



« Quel avenir pour le cinéma iranien contemporain ? ». Voici la grande question qui sera posée aujourd'hui, en marge du Premier Festival du Cinéma Iranien, qui se tient à Paris jusqu'au 2 juillet. Découverte.


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J'ai choisi de rester en vie, de faire des films et d'en assumer les conséquences. La balle est dans le camp du gouvernement. A eux de décider s'ils me renvoient en prison et s'ils prononcent des sentences plus lourdes à mon égard : ils devront alors en répondre à l'opinion publique mondiale », voilà ce que disait récemment Jafar Panahi à son entourage, sa condamnation (arrêté en mars 2010 et libéré sous caution, il vit actuellement en résidence surveillée) l'empêchant de répondre aux nombreuses questions de la presse. Malheureusement, il n'est pas le seul cinéaste iranien dans ce cas, victime des années Ahmadinejad et de la pression de « groupes avec des identités floues ».

On peut ainsi citer Majid Barzegard, le réalisateur de plusieurs long-métrage comme Rainy Seasons (La saison de la mousson) ou encore Parviz, qui n'a pu sortir dans les salles sombres d'Iran. De son coté, Kambozia Partovi, auteur du scénario du Cercle de Panahi et co-réalisateur de Closed Curtain, a vu ses derniers projets de films refusés par les autorités iraniennes, la preuve que « durant ces quatre dernières années, les autorités iraniennes ont été les plus sévères avec les cinéastes qui ne sont pas leurs alliés ».

Mais depuis le 13 juin 2013, le cinéma iranien comme d'autres artistes aperçoivent une lueur d'espoir, celle d'un avenir meilleur marqué par la disparition ou du moins la diminution de la pression, des arrestations et condamnations subies par ces derniers depuis maintenant huit ans. Huit ans entaché d'une « guerre contre des artistes » selon Mohammad Hossein Moazezinia, directeur de la revue de cinéma Vingt-quatre. Cet espoir, c'est l'élection d'Hassan Rohani à la tête de l'Iran, présenté comme le seul candidat modéré de la campagne. Ainsi, sans pour autant être totalement optimiste sur l'avenir de leur pays, de leur métier, ou surtout pour celui du 7ème art, les artistes énoncent cette phrase: « Cela ne peut pas être pire qu'avant ».

Ces jours-ci alors, comme un présage à cette période électorale, est organisé le premier festival du cinéma iranien à Paris jusqu'au 2 juillet sous la houlette de Nader T. Homayoun, cinéaste auteur en 2006 de Iran, une révolution cinématographique, et de Bamchade Pourvali, spécialiste du cinéma iranien. A l'heure actuelle, dans un monde où l'art est une des armes essentielles d'une société en colère, le cinéma iranien, en essor permanent, n'est que le reflet voire le cursus d'une population oppressée par la politique et les blessures profondes d'un pays.

Ainsi, grâce à cette célébration, de nombreux films primés dans les festivals internationaux et des documentaires sur les révolutions iraniennes seront mis en lumière et par là-même, trois films de jeunes réalisateurs, inédits en France : Taboor (2012), film d'anticipation de Vahid Vakilifar, Parviz, de Majid Barzegar, et Modest Reception, de Mani Haghighi. Une belle programmation donc, couronnée par quelques tables rondes et discussions sur les enjeux futurs auxquels devra faire face l'Iran du XXIème siècle.

Aujourd'hui, plusieurs questions se posent et la principale est : que restera t-il de ces films ? Une marque indélébile dans un pays plus ouvert et à la liberté d'expression sans précédent ou seulement des bribes dans l'inconscient national d'un peuple marqué par un « climat pervers » et par le resserrement de l'étau économique et religieux ? Voici l'une des problématiques qui sera posée aujourd'hui en marge de cette manifestation cinématographique sous l'interrogation suivante : « Quel avenir pour le cinéma iranien contemporain ? ».

Heureusement, un début de réponse nous a été apporté par le célèbre critique de films Houshang Golmakani qui voit ici l'apparition d'un instrument redoutable : « Les obstacles que les autorités peuvent poser sur son chemin peuvent tout au plus le ralentir, mais certainement pas le stopper ».


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