Le « Oui, mais » de la Cour constitutionnelle allemande

13 Septembre 2012



Comment la ratification du Mécanisme Européen de Stabilité en Allemagne est-elle perçue dans la presse ? Revue de presse.


afp.com/Uli Deck
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« L’examen a révélé que selon toute vraisemblance, les textes de loi incriminés ne violaient pas la Constitution. » Andreas Voßkuhle, président de la Cour constitutionnelle allemande.
 
Un seul des dix-sept pays de la zone euro n’avait pas encore ratifié le Mécanisme européen de stabilité (MES) : l’Allemagne. Des recours devant la Cour constitutionnelle avaient été déposés par l’association « Plus de démocratie », les députés du parti de gauche Die Linke et le député conservateur Peter Gauweiler, bloquant le processus de décision.
 
Ce mercredi 12 Septembre, les huit juges de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe ont rendu un avis favorable à l’adoption par le Parlement allemand du MES et du Pacte budgétaire. Le gouvernement d’Angela Merkel devra toutefois s’assurer que la responsabilité de l’Allemagne sera limitée à 190 milliards d’euros et que tout dépassement de cette somme devra être soumis au vote du Bundestag.
 
Les journaux allemands ont immédiatement réagi, évoquant les possibles conséquences d’un tel jugement.
 
Dans le quotidien berlinois Die Taz, Ulrike Hermann souligne qu’il n’y avait pas réellement de suspense. Les huit juges de la Cour constitutionnelle n’avaient pas le choix. Ils ne pouvaient prendre le risque de bloquer le MES et le Pacte budgétaire au vu des possibles conséquences économiques. Le chef de la Bundesbank, Jens Weidmann, est alors le seul véritable perdant. Farouche opposant au rachat de titres de la dette des Etats par la Banque centrale européenne (BCE), son dernier espoir résidait dans un avis négatif en provenance de Karlsruhe. Et la journaliste de conclure en rappelant que le sauvetage de l’euro reste un problème politique, qui doit être réglé par les politiques. 
 
Pour la Süddeutsche Zeitung, le jugement de Karlsruhe ne fait pas avancer l’Europe, ni l’Allemagne, ni même la démocratie. Ce jugement esquive les principales questions. Alors certes, la Cour constitutionnelle a un peu renforcé les pouvoirs du Parlement allemand mais il ne s’agit que d’un droit de veto. Le quotidien munichois déplore le fait que les députés n’aient pas le pouvoir d’initier des politiques européennes, et regrette du même coup la faiblesse du Parlement européen. 
 
Le journal libéral Die Frankfurter Allemgemeine Zeitung rappelle quant à lui que plus de la moitié des Allemands seraient contre le MES et le Pacte budgétaire. Mais que se serait-il passé si la Cour constitutionnelle avait retoqué ceux-ci ? Pas grand chose en réalité puisque la BCE a déjà annoncé qu’elle achèterait des titres de dette souveraine sans limite et c’est précisément ce qui inquiète le journal francfortois. Cette stratégie risque de créer de nouvelles bulles financières en provoquant un surplus de liquidité sur les marchés et de mener in fine à de nouvelles crises financières.
 
Ironique, Die Junge Welt titre « Les sauveurs de l’euro sauvés » et raille la réaction presque unanime de la scène politique allemande – des conservateurs aux écologistes –, résumée par les propos d’Angela Merkel : « C’est un bon jour pour l’Allemagne et l’Europe ». Pourtant, le quotidien d’orientation marxiste pointe la difficulté qu’il y aura à maîtriser en pratique la limite supérieure de 190 milliards d’euros. Peu importe, « les sauveurs de l’euro » peuvent respirer. Mais pour combien de temps encore ?
 
 

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Journaliste spécialiste des questions économiques. En savoir plus sur cet auteur