Une gare, quoi de plus banal dans nos pays occidentaux et industrialisés ? Au Niger par contre c’est un évènement ! La première gare ferroviaire du pays vient d’être inaugurée ce lundi 7 avril à Niamey, la capitale de ce pays où tous les déplacements s’effectuent par la route ou les chemins de terre.
Aucun train ne circule pour l’instant à Niamey mais l’inauguration de la gare s’est faite en grande pompe, le jour anniversaire des trois ans de l’arrivée au pouvoir de Mahamadou Issoufou, le président nigérien. Les présidents du Togo et du Bénin (Faure Gnassingbé et Thomas Boni Yayi), deux pays qui seront à l’avenir reliés à Niamey par le train, étaient également présents. Pour l’occasion, un train a été placé sur les rails et a effectué un voyage symbolique de 500m avec à son bord les chefs d’État, les personnalités politiques et de nombreux invités étrangers. Radio France Internationale a donné la parole à des auditeurs nigériens présents à l’inauguration, visiblement conscients du moment historique qu’ils étaient en train de vivre (http://www.rfi.fr/emission/20140409-2-afrique-ouest-boucle-ferroviaire/) : « le sentiment de fierté était immense », « je n’ai jamais eu l’occasion de prendre le train, c’est la première fois que je voyais des rails de ma vie » « j’ai vu des gens pleurer, les gens n’en revenaient pas. J’ai bien fait d’y être ». « Le chemin de fer était vraiment attendu par l’ensemble du peuple nigérien, il va participer au désenclavement du Niger ».
Une opportunité de développement
Le coup d’envoi des travaux a donc été donné lundi à Niamey et mardi à Cotonou au Bénin. Les deux capitales devraient être reliées d’ici deux ans. C’est une entreprise française, le groupe Bolloré, qui pilote le projet. Vincent Bolloré était d’ailleurs présent lors de l’inauguration. Le projet doit à terme créer une grande boucle ferroviaire reliant Abidjan, Ouagadougou, Niamey et Cotonou, plus un tronçon entre le Togo et le Bénin. Le chemin de fer va permettre de désenclaver considérablement le Niger et le Burkina Faso qui n’ont pas d’accès à la mer. Avec le rail, il sera possible d’acheminer des marchandises vers les ports que sont Abidjan et Cotonou plus rapidement, en plus grandes quantité et de façon moins coûteuse que par le biais des camions utilisés aujourd’hui et qui dégradent considérablement les routes d’Afrique de l’Ouest.
Les Nigériens espèrent ainsi une baisse mécanique des prix des produits, due à la réduction des coûts d’importation, et un développement économique grâce aux possibilités d’export qu’offre le rail, notamment pour des matières premières comme l’uranium dont le Niger est un des principaux producteurs. Au-delà de l’aspect économique, le train offre aussi des perspectives alléchantes en matière de transport de voyageurs. La possibilité de circuler plus facilement et plus rapidement entre la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Niger, le Togo et le Bénin est incontestablement une bonne nouvelle pour les habitants des pays concernés.
Le train en Afrique de l’Ouest, une histoire coloniale
Parallèlement au tronçon Niamey-Cotonou entamé cette semaine, les travaux sur la ligne Abidjan-Ouagadougou devraient débuter d’ici août. Au total, la boucle ferroviaire devrait s’étendre sur près de 2768 km. Le coût total pour l’ensemble des acteurs du projet s’élèverait à près de mille milliards de francs CFA.
Cela faisait près de quatre-vingts ans que le Niger attendait l’arrivée du chemin de fer. Au début du XXème siècle, les puissances coloniales en Afrique de l’Ouest (en l’occurrence la France) avaient construit des voies de chemin de fer pour faciliter l’exploitation de leurs colonies, notamment en reliant l’arrière pays producteur de matières premières et les ports, plateformes d’export. Mais aucun rail n’est parvenu jusqu’au Niger. En 1904 a été lancée la construction du tronçon Côte d’Ivoire-Haute Volta (l’actuel Burkina Faso). Parti d’Abidjan en 1904, le chemin de fer atteindra Ouagadougou en 1954. Cette ligne, réhabilitée et reconstruite, formera d’ici quelques années une partie de la grande boucle ferroviaire. Il en va de même pour le tronçon Cotonou-Niamey. Le projet lancé en 1910 devait relier le Dahomey (l’actuel Bénin) au Niger. Mais les rails s’arrêtèrent finalement à Parakou au Bénin en 1936. Les travaux débutés mardi prévoient justement de réhabiliter cette ancienne voix coloniale.
Il faudra donc attendre encore quelques années avant de voir un train circuler au Niger et s’arrêter en gare de Niamey. Mais l’attente a été tellement longue que les deux années de patience supplémentaires ne semblent pas si insurmontables.