Le Haut-Karabagh, une mainmise arménienne sur des terres azerbaïdjanaises

Bastien Delvech
30 Septembre 2014



Voilà 20 ans cette année que les relations entre Azeris et Arméniens, deux peuples sud-caucasiens, sont à l'arrêt. Alors que les relations commerciales entre la France et cette région vont bon train, il convient de mettre en lumière le différend territorial qui les oppose au sujet du Haut-Karabagh. Etat de la situation.


Crédit UN Photo/Armineh Johannes
Crédit UN Photo/Armineh Johannes
En 1991, la chute de l'URSS ayant de facto entraîné l'indépendance de ses anciennes républiques, au nombre desquelles l'Azerbaïdjan et l'Arménie, le Haut-Karabagh, région montagneuse azérie composée à 94 % d'Arméniens, fait sécession. Après trois ans de conflit armé entre les armées azerbaïdjanaises et arméniennes, l'Organisation des Nations unies (ONU) obtient un cessez-le-feu en 1994, et le Haut-Karabagh, source du conflit, s'autoproclame République. Toutefois, ce territoire reste occupé par les forces arméniennes et les relations entre les deux pays sont depuis lors gelées.

Une résolution du conflit ralentie par le manque de volonté arménien

Les 20 et 21 mai derniers, la Conférence sur l'interaction et les mesures de confiance en Asie (CICA), forum intergouvernemental pour la promotion de la paix et le renforcement de la coopération en Asie, a tenu son 4ème sommet des chefs d'Etat à Shanghai. Alors que l'Arménie ne participe pas à ces discussions, la Conférence, qui regroupe 26 pays dont l'Azerbaïdjan, a évoqué le dossier haut-karabaghtsi en faisant part de sa « préoccupation du fait que le conflit opposant l'Arménie et l'Azerbaïdjan n'est toujours pas réglé et ne cesse de menacer la sécurité dans la région et dans le monde ». Et celle-ci d'enjoindre au Groupe de Minsk de « redoubler d'efforts en vue de régler ce conflit ».

Créé en 1992 par la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (aujourd'hui OSCE) et présidé par le triumvirat Etats-Unis, Russie et France, le Groupe de Minsk planche depuis plus de 20 ans sur des pistes de sortie de crise, en vue d'une réunion avec les parties au litige. Bien que celle-ci n'ait pas encore eu lieu, le groupe de travail reste actif et s'est fixé plusieurs objectifs. L'un d'eux, fournir un cadre approprié pour la résolution du conflit en assurant le processus de négociations, semble très compromis eu égard à la mauvaise volonté de l'Arménie. Pourtant, il représente la pièce maîtresse soutenant toute la fondation d'un accord, qui, pour l'heure, demeure plus qu'hypothétique.

Depuis 20 ans, l'Arménie occupe, en sus des terres montagneuses haut-karabaghtsies, sept provinces limitrophes d'Azerbaïdjan, soit 20 % de son territoire. Ladite mauvaise volonté arménienne, empêchant ne serait-ce que, pour commencer, la création d'un cadre à la résolution du litige, réside en ce que le gouvernement d'Arménie refuse purement et simplement de discuter la rétrocession de ces territoires azerbaïdjanais indûment occupés. A l'international, pourtant, nul ne souhaite reconnaître la légalité de cette emprise, et d'aucuns brandissent les normes du droit onusien pour dénoncer cet état de fait.

« Une région du monde aux allures de poudrière »

Et comme si cette illégalité ne suffisait pas, outre l'exode massif de réfugiés azerbaïdjanais – environ 875 000 –, de nombreux cas d'exactions sont perpétrés par les militaires arméniens à l'encontre des populations azéries colonisées. Parce que de tels traitements ne peuvent rester sans réponse, mais également parce que le Caucase est « une région du monde aux allures de poudrière », la résolution du conflit devient éminemment pressante. Le Caucase du Sud est l'un de ces points du globe où, depuis des années, les différends territoriaux et leurs lots de tragédies sont le quotidien de populations littéralement prises en otages. Les trois Etats – Azerbaïdjan, Arménie et Géorgie – qui composent cette région ont en effet en commun ce triste constat. Alors que les deux premiers sont empêtrés depuis plus de 20 ans dans le litige haut-karabaghtsi, la Géorgie a dû faire face aux revendications séparatistes de ses provinces d'Ossétie du sud et d'Abkhazie, qu'elle a finalement perdues au profit de Moscou.

La géostratégie internationale est, de plus, directement affectée par ces tensions, notamment celles issues du conflit arméno-azéri. Ainsi, la Turquie, qui affiche très clairement sa position en faveur de l'Azerbaïdjan, refuse par-là même toute entente avec l'Arménie. L'idée n'est pas d'affirmer que le règlement du litige haut-karabaghtsi serait la solution à tous les problèmes géopolitiques rencontrés. Mais le Caucase du Sud, véritable couloir entre l'Asie centrale et l'Europe, est une région qui cristallise nombre d'intérêts – notamment eu égard aux ressources pétrolifères et gazières azéries – et, partant, de coalitions.

Certains prônent ipso facto la reconnaissance pure et simple de l'indépendance de la République autoproclamée du Haut-Karabagh. Mais au nom de quelles règles l'Azerbaïdjan se résignerait-il à abandonner ses territoires ? D'autant plus que le Haut-Karabagh n'est reconnu, à l'international, que par des régions séparatistes comme les Basques espagnols ou les anciennes provinces géorgiennes d'Ossétie du sud et d'Abkhazie. Autant dire personne, au regard du droit international.

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