Le Coming-out de la Pologne, c’est pour quand ?

Charlotte Guibert, correspondante à Varsovie (Pologne)
13 Mars 2013



A l’heure où le « mariage pour tous » est au centre du débat politico-social français, "Le Journal International" vous emmène du côté de l’Europe de l’Est, plus exactement en Pologne, le pays le plus catholique d’Europe, où l’on préfère bien souvent éviter le sujet.


Lech Walesa
Lech Walesa
Certains n’hésitent pas à clamer haut et fort que "les homosexuels ne méritent pas une plus grande place dans l’espace public que celle qui leur est accordée aujourd’hui, puisqu’ils restent une minorité". Ces propos, datant d’il y a quelques jours, sont ceux de Lech Walesa, personnage symbolique du syndicat Solidarnosc, mouvement qui a joué un rôle primordial dans l’opposition au régime communiste. Pour lui, les députés homosexuels polonais devraient être mis de côté, voire bannis du parlement. Cette déclaration a choqué certains Polonais, surtout les "jeunes des grandes villes, comme nous, explique Konrad, mais ses propos reflètent plutôt bien tout un pan conservateur de la société polonaise". En interrogeant les Polonais sur la question de l’homosexualité en politique, bien souvent, ils mettent en avant un problème plus général : celui du manque de représentativité de l’ensemble des minorités dans la sphère politique, pas seulement les homosexuels.

Si les Polonais, de manière générale, semblent devenir de plus en plus tolérants face à l’homosexualité — notamment les jeunes — il n’en demeure pas moins que les homosexuel(le)s vivent toujours "cachés" et sont victimes d’importantes discriminations dans l’ensemble du pays. Même dans la capitale, il est encore rare de croiser des gays ou lesbiennes main dans la main. 

Une situation héritée de la force de l’Eglise

L’Eglise semble très influente, dans un pays où 90% de la population se dit catholique. Les stéréotypes sont d’ailleurs relayés par les autorités, notamment les hommes politiques. Il est en effet commun d’entendre des passages de la Bible dans les discours publics rappelant à la population le caractère "diabolique" de l’homosexualité. Le gouvernement des frères Kaczyński avait même interdit la gaypride polonaise en 2007. Suite à cet événement, un arrêt du Conseil constitutionnel empêche désormais le gouvernement d’interdire cette manifestation.

@Michal Cizek • AFP
@Michal Cizek • AFP
Cependant, il ne faut pas oublier l’impact de l’histoire polonaise sur les mœurs et les mentalités. Le siècle dernier a été très douloureux pour le peuple polonais. Tiraillées entre le nazisme et le communisme, la Pologne et sa population ont été imprégnées par cette période, ceci étant probablement l'une des causes de l’hostilité des Polonais, surtout les personnes âgées.

Néanmoins, les homosexuels polonais, après avoir longtemps nié être victimes de stigmatisation, commencent à prendre conscience de leur inexistence au nom de la loi. Presque dix ans après l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne — qui représentait un véritable espoir vers un changement des mentalités — l’homophobie a diminué, mais n’a toujours pas disparue de la société polonaise. Seulement 16% des Polonais seraient favorables au mariage gay (selon un sondage de TNS Polska en 2012).

En juin 2012, un arc en ciel fabriqué en fleurs en papier avait été installé place Zbawiciela à Varsovie. Cette installation, aux couleurs du très célèbre drapeau gay, qui n’avait pas à l’origine la vocation de défendre les droits des gays et lesbiennes, est devenue malgré tout un symbole de liberté et d’optimisme pour la communauté homosexuelle. Celui-ci, brûlé à plusieurs reprises, se tient toujours debout, à moitié détruit, devant l’église St Rédempteur.

Le très récent rejet de la loi pour le pacte civil pour les couples homosexuels, le 25 janvier 2013, met en lumière le caractère rétrograde de la Pologne qui semble avoir du mal à s’effacer. Lukasz, Polonais d’une trentaine d’années, avoue lui-même se sentir confus en voyant deux hommes ou deux femmes s’embrasser, et a du mal à se positionner de manière claire. « Je tolère l’homosexualité mais je ne suis pas en faveur de tout ce lobbying qui promeut l’homosexualité comme quelque chose de normal ».

Il faudra au moins attendre la prochaine législature pour espérer une avancée en faveur des gays et lesbiennes. En attendant, les associations luttant pour l’émancipation des homosexuels se multiplient et sont bien décidées à faire changer les choses.

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