Le Brésil divisé par le projet de loi 4330

Alice Yanni
28 Avril 2015



Depuis une semaine, le gouvernement brésilien discute du projet de loi 4330 pour la libéralisation du processus de sous-traitance dans les entreprises. Une décision qui fait polémique au sein du gouvernement, jusque dans les rues.


Crédit DR
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La loi sur l'externalisation fait débat au sein du Congrès depuis 2004, opposant les libéraux et la Confédération nationale des Industries aux syndicats et au ministère du Travail. Le 8 avril, les députés de la Chambre, sous la présidence d'Eduardo Cunha, membre du Parti du Mouvement Démocratique du Brésil, approuvent le texte. Immédiatement, la présidente Dilma Rousseff, représentante du Parti des Travailleurs (PT), lance une campagne contre ce projet. De nombreuses associations se mobilisent. Au sein du Congrès, les économistes du PT sont consternés. La veille du vote, une manifestation contre cette loi est sévèrement réprimée à Brasilia. Sur les bannières, on peut lire « Mundo do trabalho contra a precarização », le monde du travail contre la précarisation.  

Pour mieux comprendre cette polémique, il s'agit de clarifier le sens du principe d'externalisation. Lorsqu'une entreprise cherche à être plus efficace, elle va se décharger d'une tâche en la confiant à une entreprise extérieure afin de pouvoir se concentrer sur son activité essentielle. Face à la croissance rapide du marché et de la technologie, l'entreprise ne peut être efficace et réactive à 100 %. La sous-traitance est alors la solution. Le PL 4330 a pour but de libéraliser ce processus afin de permettre aux sociétés de sous-traiter au maximum et de ce fait, d'être toujours plus efficace et plus rentable.

Contournement du droit du travail

En se penchant plus attentivement sur cette réforme, on s'aperçoit que sous-traiter ses activités permettrait également aux entreprises de payer moins d'impôts, de détourner le droit du Travail et de déresponsabiliser les employeurs.

Les petites et moyennes entreprises sont effectivement sujettes à des impôts plus faibles que les grandes. Il va de soi que l'externalisation offrirait aux entreprises la possibilité de payer moins d'impôts et de faire du bénéfice.

Des études dénoncent, depuis les premières négociations du projet de loi, le non-respect du droit du Travail dans la sous-traitance. D'après le Département intersyndical des Statistiques et des Etudes socio-économiques (DIEESE), les ouvriers sous-traitants travailleraient en moyenne trois heures de plus par semaine que les autres, et seraient payés 25 % de moins. Rendre à ces travailleurs un statut normal entraînerait la création de 882 959 postes.

La distance entre l'entreprise mère et l'entreprise sous-traitante complique aussi les démarches pour prouver la responsabilité de l'employeur. En décembre 2014, la Cour suprême du Travail était confrontée à 15 082 cas de non-respect des droits du Travail liés au statut de sous-traitance. Une situation qui concerne par exemple Petrobras, l'entreprise brésilienne d'extraction de pétrole. Entre 1995 et 2013, 80 % des ouvriers décédés étaient sous-traitants. Isolés, ils se trouvent généralement dans la quasi-impossibilité de négocier leurs conditions de travail avec leur patron, ou de s'organiser avec d'autres salariés de l'entreprise.

Le ministère du Travail se positionne radicalement contre ce projet, qualifié « d'esclavage moderne », et dénonce les 90 % de sous-traitants qui travaillent dans de mauvaises conditions.

Processus législatif sur fond de tension sociale

Après l'approbation de la loi par la Chambre des Députés, c'est au tour du Sénat de se prononcer ces jours-ci. Si le texte est approuvé, la présidente devra signer à son tour. Dilma Rousseff s'est fermement opposée à la libéralisation de l'externalisation, dénonçant l'avènement de « l'exploitation humaine » au nom d'une modernisation industrielle. Face à ce refus, le Sénat et la Chambre devront voter aux deux tiers favorables pour que la loi soit confirmée. En attendant, la campagne « Todos Contra a Terceirização », Tous contre l'externalisation, continue avec l'appui de l'Association nationale des Juges de la Cour du Travail et le mouvement des droits de l'Homme. La réforme, qui prend la même direction que la loi Macron en France, entraîne les mêmes polémiques, le même questionnement : au nom de la crise, jusqu'où le gouvernement pourra-t-il privilégier les entreprises ?

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