Bataillon de forces de police especiale BOPE, en patrouille dans une favela de Rio de Janeiro - Crédit DR
Le Brésil est depuis longtemps réputé pour son insécurité, mais le bilan de l'année 2014 est encore plus alarmant : augmentation des homicides, de nombreux morts au cours d'opérations policières, manifestations violemment réprimées, agressions de journalistes, rébellions mortelles en prison et enfin, cas de tortures.
2014, une année meurtrière
Pour Atila Roque, « un pays où 60 000 personnes meurent chaque année ne parvient clairement pas à apporter une réponse adéquate au principe fondamental de l'État, à savoir, protéger la vie de sa population. » Selon le rapport de l'organisation, la militarisation des forces de l'ordre contribue à la grande mortalité de la violence au Brésil. Durant les cinq dernières années, la police brésilienne a tué autant de personnes que ne l'a fait la police américaine en trente ans, même si cette dernière est l'une des plus meurtrières parmi les pays développés.
Certains cas ont marqué l'année 2014. Notamment celui de Pedreiro Amarildo, dans la favela de Rocinha, à Rio de Janeiro, torturé à mort par une brigade de « police pacificatrice » ainsi que celui du fameux danseur Douglas da Silva, décédé à la suite de blessures par balles au cours d'une opération policière, dans la favela de Cantagalo. Un massacre orchestré par des agents de la police militaire, au cours d'une opération de vengeance d'un de leurs collègues décédé, a fait une dizaine de morts en novembre dernier à Belém, dans le Nord du pays. Le constat est unanime : au Brésil, et en particulier à Rio de Janeiro et São Paulo, la sécurité est extrêmement fragile et les pouvoirs publics ne parviennent pas à exercer de réel contrôle en leur sein. Faire preuve de transparence et rendre des comptes sur les comportements de leurs propres agents est loin d'être un de leurs atouts. Les policiers ne sont évidemment pas les seuls responsables de la forte mortalité qui touche le Brésil, ils en sont même parfois victimes. En revanche, ils ne parviennent pas à en neutraliser les autres acteurs. Formations insuffisantes et inadaptées, manque d'équipements et salaires très bas font partie des explications de ce phénomène.
Une impunité au service de la violence
Amnesty International pointe un autre facteur responsable de ce scénario alarmant : l'immense impunité à l'égard des agents de forces de l'ordre auteurs de violations des droits de l'Homme. La justice fait face à une grande difficulté d'investigation des homicides. En moyenne, 85 % d'entre eux restent impunis, soit en raison de l'incapacité des autorités à trouver les coupables, soit en l'absence même d'investigation. « Il existe presque une licence pour tuer au Brésil. On n'enquête sur un crime que s'il a été commis au grand jour, aux yeux de tout le monde. Le crime dont tout le monde a vu le coupable » affirme Atila Roque. Cette omniprésence de la violence aussi bien parmi les civils que parmi ceux qui sont censés les protéger, crée chez la population une angoisse et un sentiment de peur permanents. Les Brésiliens voient leurs vies paralysées par la peur quotidienne du danger.
Un système carcéral précaire
La population carcérale brésilienne est la quatrième plus nombreuse du globe. Emprisonnement massif ne signifie pas pour autant emprisonnement efficace. Les individus qui peuplent les cellules des prisons brésiliennes ne sont pas ceux qui commettent les crimes les plus violents. Ce sont ceux qui commettent des crimes contre la propriété, le patrimoine ou qui sont impliqués dans le trafic de drogues. Selon le rapport d'Amnesty International, surpopulation extrême, conditions de vie dégradantes, cas de tortures et violences demeurent des problèmes endémiques aux centres pénitenciers brésiliens. Par exemple, la prison de Pedrinhas dans l'État du Maranhão a été le théâtre de 78 assassinats de détenus entre octobre 2013 et octobre 2014. La situation est telle qu'au cours des dernières années, plusieurs plaintes à l'égard des conditions d'incarcération ont été déposées aux Commission et Cour interaméricaines des droits de l'Homme.
Les recommandations d'Amnesty International
L'entité suggère l'élaboration d'un plan national d'objectifs pour la réduction immédiate des homicides ainsi que la démilitarisation et la réforme des forces de polices. Cela passerait par des mécanismes de contrôle externes de leurs activités, la valorisation des agents et une amélioration de leur formation, de leurs conditions de travail ainsi que des moyens d'investigation. Amnesty International réclame également la mise en place d'un plan de protection des défenseurs des droits de l'Homme. « Il est nécessaire que nous envisagions la réforme et la restructuration de la police. Nous devons penser la sécurité comme un domaine d'affirmation des droits de l'Homme, pas comme un domaine de violation de ceux-ci. Nous devons la penser comme partie intégrante des politiques publiques, et par conséquent, comme un problème national » a souligné Atila Roque.