La lutte du machisme par le sport

Depuis 2006, le pays respire une vague de modernité. L’élection d’Evo Morales à la présidence a permis de restaurer la place des minorités dans le pays, notamment celle des femmes et des indigènes. Il est le premier président d’origine indienne, revendiquant l’égalité des sexes. Mais, bien que cette élection puisse paraîitre bénéfique et novatrice, celle-ci n’a pas réussi à réformer l’esprit conservateur du pays. Les femmes restent sous-représentées par rapport aux hommes. Elles n’ont aucun droit successoral vis-à-vis de la mort de leur mari, ne peuvent être propriétaires d’une terre, ou faire des démarches économiques sans que cela soit mal vu. Elles sont soumises quotidiennement à l’autorité de leur mari. Défier cette autorité semble être un préjudice : 7 femmes sur 10 sont touchées par des violences conjugales, sans que cela soit reconnu comme un délit. Des instances de sécurité tentent d’endiguer ce phénomène et de punir les responsables, mais cela semble difficile. Ce problème s’apparente de plus en plus à une banalité.

Voilà donc le nouveau mot d’ordre des « Cholitas » : se battre pour s’affirmer. Pendant la seconde moitié du XXème siècle, la plupart d’entre elles ont commencé à participer à des combats de catchs pour le plaisir. Mais ce sport est très vite devenu un emblème pour les Boliviennes. Tous les dimanches, une minorité de femmes s’affrontent entre elles ou combattent contre des hommes avec une aisance inégalée. Ces derniers perdent souvent la partie, ne pouvant résister à l’habileté et la force des « Cholitas ». A travers ces combats et ces victoires, le message est clair : la femme est l’égale de l’homme. Leur popularité ne cesse d’augmenter car les Boliviennes admirent leur courage. En pratiquant ce sport, elles représentent ces femmes victimes d’un machisme ambiant et des violences qui en découlent.

L’incarnation ne se fait pas seulement au travers des femmes, mais également en faveur des peuples indigènes. Leur tenue de combat peut sembler inadaptée pour un terrain de catch mais c’est par ces habits qu’elles se distinguent des autres concurrents. Ainsi sont-elles vêtues d’une jupe longue et volante surnommée la « pollera », de ballerines plates, de tresses épaisses et de chapeaux melons, le tout dans des couleurs vives. Soit une tenue traditionnelle incarnant le peuple aymará.

Ce n’est pas seulement un affrontement sportif, c’est une représentation théâtrale. Ces femmes s’adonnent à des mouvements physiques spectaculaires, sans que cela soit un réel combat. Le show est au rendez-vous, ce qui explique le prix des places. Ces femmes peuvent gagner jusqu’à 60 euros par combat, notamment grâce à la contribution de touristes qui payent plus cher leurs billets mais qui sont mieux placés. Les « Cholitas » ne sont donc pas seulement admirées par les Boliviens puisqu’elles attirent en masse les personnes et les médias étrangers. Leur rôle premier est de se battre pour l’égalité des sexes mais il ne faut pas oublier que la Bolivie est l'un des pays les plus pauvres d’Amérique latine. Ces combats de catch arrondissent ainsi leurs fins de mois, en plus de leur salaire gagné pour la majorité d’entre elles sur les marchés. Il est tout à leur honneur de lutter contre le machisme par le sport, mais par leur grandissante popularité, ne pourraient-elles pas oublier la visée première de leur combat ?

Selon la fondatrice du mouvement social « Mujeres Creando », María Galindo, « c'est un spectacle machiste. Ce ne sont pas de véritables « cholitas ». Ce sont juste des femmes qui portent la jupe et le chapeau traditionnel parce que c'est exotique ! Elles se battent contre des personnages déguisés... Mais pas contre des hommes ! ».
Libre à chacun de se faire une opinion sur ces femmes et leur combat, autant sportif que social. Ce qui est sûr, c’est que leurs spectacles sortent de l’ordinaire et sont recommandés par de nombreux internautes.