Crédits : AFP Christophe Simon.
La présidente Dilma Rousseff huée par un stade entier lors de l’inauguration de la Coupe des Confédérations, 100 000 manifestants vêtus de blancs remplissent l’artère principale de Rio de Janeiro, 65 000 marchent à São Paulo, et le Parlement à Brasília se retrouve assailli. Mais que se passe-t-il au Brésil ? Au-delà de son opposition à la hausse des tarifs du transport public, que tente de nous dire cette soudaine rébellion citoyenne ? Le Journal International, au même titre que El País, tente de répondre à la question, « pourquoi le Brésil, et maintenant ? ».
Saisir la réalité économique optimiste du Brésil des dix dernières années apporte une image trompeuse du quotidien vécu par les brésiliens. Plein emploi et croissance économique donne du souffle à une population mais ne règle pas la violence sociale héritée des inégalités et des schémas relationnels de l’esclavagisme sur lequel le pays s’est construit. Inégalités géographiques, problèmes d'organisation urbaine et violations des droits résistent aux indicateurs économiques. Or l’accès à l’université et à la consommation de la génération Lula a participé à son épanouissement et elle refuse désormais de voir son pays pérenniser l’injustice sociale et la corruption.
Saisir la réalité économique optimiste du Brésil des dix dernières années apporte une image trompeuse du quotidien vécu par les brésiliens. Plein emploi et croissance économique donne du souffle à une population mais ne règle pas la violence sociale héritée des inégalités et des schémas relationnels de l’esclavagisme sur lequel le pays s’est construit. Inégalités géographiques, problèmes d'organisation urbaine et violations des droits résistent aux indicateurs économiques. Or l’accès à l’université et à la consommation de la génération Lula a participé à son épanouissement et elle refuse désormais de voir son pays pérenniser l’injustice sociale et la corruption.
Résignation et complexe d’infériorité au placard
C’est une leçon de démocratie que les manifestants donnent aux autorités. Le message est clair : nous ne sommes plus un peuple docile, cette fois-ci nous ne nous laisserons pas faire.
L’Histoire brésilienne n'est pas beaucoup marquée par de très grandes mobilisations, malgré les manifestations fréquentes de part de la population, des organisations de la société civile, qui n’ont cessé de croître en nombre mais aussi en incidence politique tout au long des décennies. L’indépendance même du pays a été proclamée par le fils du Roi du Portugal qui voulait son propre Empire. Mais sans revenir aussi loin, on constate que les manifestations ont toujours été l’objet d’une violente répression dissuadant ainsi les tentatives de révolte. La Dictature Militaire de 1964 à 1985 fut une époque où les libertés politiques étaient quasi inexistantes. A cela s’ajoute la répétition des crises économiques, des fluctuations des prix de l’alimentation. Or la hiérarchie sociale restait toujours la même, héritée du système colonial et de l’esclavagisme. La répression et la perpétuation de la pauvreté de génération en génération à créé dans la culture brésilienne un certain sentiment de résignation. Des sociologues brésiliens (notamment Walquiria Leão Rego) parlent même de « culture de la résignation ». On s’en remet à Dieu, ou à quelque force du destin, puisqu’à quoi bon ? Or les évènements récents rompent avec cette résignation.
Autre trait de la culture brésilienne : le « complexe du chien bâtard ». Longtemps, la samba, les carnavals étaient vus comme l'œuvre de pauvres et l’élite lui préférait le modèle culturel étasunien. Mais désormais ce folklore est au service de l’identification nationale et est l’image de marque du Brésil dans le monde. Des jeunes issus de classes aisés descendent également dans les rues, au nom du Brésil, dont, désormais, ils sont fiers.
Les deux mandats de Lula ont assez ouvert le pays pour permettre à ses étudiants d’étendre le champ du possible en imaginant un avenir brésilien pour le Brésil. Il n’est plus question de lui calquer un modèle étasunien ou européen. Autrement dit certains pans de la société brésilienne ont changé de regard sur leur propre pays ces dernières années.
L’Histoire brésilienne n'est pas beaucoup marquée par de très grandes mobilisations, malgré les manifestations fréquentes de part de la population, des organisations de la société civile, qui n’ont cessé de croître en nombre mais aussi en incidence politique tout au long des décennies. L’indépendance même du pays a été proclamée par le fils du Roi du Portugal qui voulait son propre Empire. Mais sans revenir aussi loin, on constate que les manifestations ont toujours été l’objet d’une violente répression dissuadant ainsi les tentatives de révolte. La Dictature Militaire de 1964 à 1985 fut une époque où les libertés politiques étaient quasi inexistantes. A cela s’ajoute la répétition des crises économiques, des fluctuations des prix de l’alimentation. Or la hiérarchie sociale restait toujours la même, héritée du système colonial et de l’esclavagisme. La répression et la perpétuation de la pauvreté de génération en génération à créé dans la culture brésilienne un certain sentiment de résignation. Des sociologues brésiliens (notamment Walquiria Leão Rego) parlent même de « culture de la résignation ». On s’en remet à Dieu, ou à quelque force du destin, puisqu’à quoi bon ? Or les évènements récents rompent avec cette résignation.
Autre trait de la culture brésilienne : le « complexe du chien bâtard ». Longtemps, la samba, les carnavals étaient vus comme l'œuvre de pauvres et l’élite lui préférait le modèle culturel étasunien. Mais désormais ce folklore est au service de l’identification nationale et est l’image de marque du Brésil dans le monde. Des jeunes issus de classes aisés descendent également dans les rues, au nom du Brésil, dont, désormais, ils sont fiers.
Les deux mandats de Lula ont assez ouvert le pays pour permettre à ses étudiants d’étendre le champ du possible en imaginant un avenir brésilien pour le Brésil. Il n’est plus question de lui calquer un modèle étasunien ou européen. Autrement dit certains pans de la société brésilienne ont changé de regard sur leur propre pays ces dernières années.
Une génération informée et une conjoncture propice à la révolte
Dans les manifestations, beaucoup de jeunes qui sont passés par l’université et ont bénéficié d’une certaine mobilité sociale grâce à la croissance économique. Ces mêmes jeunes qui manifestent au nom de tous. La misère sociale n’est plus supportable même pour les moins pauvres. Ils manifestent pour un Brésil uni et s'opposent, par leur comportement, à une société scindés en deux, d’une part l'élite qui accaparent la richesse nationale, et de l’autre, le peuple.
Les travailleurs sont aussi de la partie. Pour afficher leur soutien, les habitants accrochent à leur fenêtre un drap blanc, une idée qui s’étend sur les réseaux sociaux. À Rio, les employés ont depuis leurs bureaux, lancé des feuilles blanches, couleur symbolique de la manifestation pacifique qui s’est tenu en plein cœur de la ville.
Bien sûr les brésiliens ne sont pas sensibilisés du jour au lendemain pour la cause de leur pays ! Très nombreuses sont les associations citoyennes qui travaillent aux respects des droits de chacun et au progrès social. En revanche, ce qui est nouveau, c’est que la société civile défit le pouvoir local en s’appropriant de cet espace public qu’est la rue.
En septembre 2012, les élections municipales ont été l’occasion de montrer la problématique de la corruption dans les sociétés de transports. Dans un sens, cette élection a préparé le terrain en incluant la société civile dans une logique de lutte politique, tout du moins de mobilisation collective. Les débats et rencontres politiques au sein des universités ont fait naître des revendications claires chez les progressistes. Alors, quand 9 mois plus tard, une nouvelle hausse du prix du ticket de bus est annoncé, le travail politique en amont est déjà fait.
La société civile portée par le jeune génération, vient s’engouffrer dans cette fenêtre d’opportunité politique. Personne ne peut plus légitimer ni justifier ces augmentations qui étouffent la population qui consacre jusqu’à un tiers de ses revenus dans un système de transport inefficace. Le transport symbolise la difficulté d'un quotidien imposé à tous les brésiliens, permet par conséquent l'existence de cette révolte.
Les travailleurs sont aussi de la partie. Pour afficher leur soutien, les habitants accrochent à leur fenêtre un drap blanc, une idée qui s’étend sur les réseaux sociaux. À Rio, les employés ont depuis leurs bureaux, lancé des feuilles blanches, couleur symbolique de la manifestation pacifique qui s’est tenu en plein cœur de la ville.
Bien sûr les brésiliens ne sont pas sensibilisés du jour au lendemain pour la cause de leur pays ! Très nombreuses sont les associations citoyennes qui travaillent aux respects des droits de chacun et au progrès social. En revanche, ce qui est nouveau, c’est que la société civile défit le pouvoir local en s’appropriant de cet espace public qu’est la rue.
En septembre 2012, les élections municipales ont été l’occasion de montrer la problématique de la corruption dans les sociétés de transports. Dans un sens, cette élection a préparé le terrain en incluant la société civile dans une logique de lutte politique, tout du moins de mobilisation collective. Les débats et rencontres politiques au sein des universités ont fait naître des revendications claires chez les progressistes. Alors, quand 9 mois plus tard, une nouvelle hausse du prix du ticket de bus est annoncé, le travail politique en amont est déjà fait.
La société civile portée par le jeune génération, vient s’engouffrer dans cette fenêtre d’opportunité politique. Personne ne peut plus légitimer ni justifier ces augmentations qui étouffent la population qui consacre jusqu’à un tiers de ses revenus dans un système de transport inefficace. Le transport symbolise la difficulté d'un quotidien imposé à tous les brésiliens, permet par conséquent l'existence de cette révolte.
Des revendications qui se pulvérisent
Au début de ces dernières manifestations, la revendication était bien claire : l’augmentation des tarifs du transport public, qui demeure précaire. Au fur et à mesure que les manifestants sortaient dans les rues et étaient réprimés par la police, les médias et l’État, les manifestations ont changée de profil. Les approches politiques et idéologiques des différents groupes de la population ont été mis de côté, dans les derniers manifestations au profit de causes communes : l’augmentation des tarifs du transport public, premièrement ; la répression de la police et de l’État aux manifestations ; la concentration des grands médias conservateurs qui publièrent des opinions contre les manifestants et incitant à la violence policière dans leurs éditoriaux.
C’est encore tôt pour parler de causes plus profondes et de conséquences plus durables. Plein d’autres anciennes et nouvelles revendications sont apparues sur les pancartes des manifestants. C’est que la manifestation est très hétérogène en termes de classes sociales et d’idéologies politiques. Les revendications des différents groupes qui se sont retrouvés dans les rues sont parfois opposés ce qui constitue un défi pour la suite du mouvement. « Les brésiliens veulent se mobiliser » : voici le message fort des mobilisations du lundi 17 juin.. Il faut voir jusqu’où, quand et comment cette volonté durera. Le risque d'une appropriation des manifestations par des politiciens et des médias traditionnels conservateurs, en changeant le message, pour défendre leurs propres intérêts contre certaines politiques gouvernementales est imminent. La pointe de l'iceberg commence à apparaître dans l'horizon.
C’est encore tôt pour parler de causes plus profondes et de conséquences plus durables. Plein d’autres anciennes et nouvelles revendications sont apparues sur les pancartes des manifestants. C’est que la manifestation est très hétérogène en termes de classes sociales et d’idéologies politiques. Les revendications des différents groupes qui se sont retrouvés dans les rues sont parfois opposés ce qui constitue un défi pour la suite du mouvement. « Les brésiliens veulent se mobiliser » : voici le message fort des mobilisations du lundi 17 juin.. Il faut voir jusqu’où, quand et comment cette volonté durera. Le risque d'une appropriation des manifestations par des politiciens et des médias traditionnels conservateurs, en changeant le message, pour défendre leurs propres intérêts contre certaines politiques gouvernementales est imminent. La pointe de l'iceberg commence à apparaître dans l'horizon.
Transports : lumière sur le disfonctionnement de la démocratie brésilienne
Au niveau local demeure un système politique brésilien vieux comme son indépendance : le colonelisme. Ce sont les grands propriétaires, les possédants, qui tiennent les rênes. Le pouvoir a toujours été l’affaire d’une petite élite jusqu’à, peut-être, l’élection de Lula. Mais localement presque rien n’a changé. Les candidats puissants et populistes sont élus et font les affaires de leurs amis à la tête des sociétés de transports. Les élites administrent le territoire à la manière de seigneurs sur leurs terres : la notion de biens communs n’existe pas, la sphère publique n’est qu’une opportunité de s’enrichir. Le phénomène selon lequel l’État est un cadre d’enrichissement personnel possède même sa théorie, on l’appelle le patrimonialisme.
C’est ce système-là qui est pointé du doigt par les manifestants. Et les étudiants ou les jeunes adultes de la toute nouvelle classe moyenne portent le message d’un ras-le-bol du copinage auquel se livrent les élites locales au détriment des conditions de vie des brésiliens.
La machine est en marche, et l’on a désormais du mal à croire qu’elle puisse s’arrêter. Il n’y a pas de démocratie sans peuple, aujourd’hui il est là, il lui tend les bras.
C’est ce système-là qui est pointé du doigt par les manifestants. Et les étudiants ou les jeunes adultes de la toute nouvelle classe moyenne portent le message d’un ras-le-bol du copinage auquel se livrent les élites locales au détriment des conditions de vie des brésiliens.
La machine est en marche, et l’on a désormais du mal à croire qu’elle puisse s’arrêter. Il n’y a pas de démocratie sans peuple, aujourd’hui il est là, il lui tend les bras.