L’entrepreneuriat social, nouveau facteur de developpement au sud ?

Marie Ollivier
20 Juin 2013



Microcrédit, commerce équitable, agroalimentaire... Les secteurs de l'entrepreunariat social sont divers. Au Sud, les entreprises solidaires se multiplient à vitesse grand V. Pourtant, les acteurs de cette économie de demain ont de grandes difficultés à développer leurs initiatives à grande échelle.


Crédit photo -- Beyond profit
Crédit photo -- Beyond profit
A l’heure où la mondialisation et le modèle économique dominant sont sans cesse remis en cause, on ne peut que constater la subsistance d’inégalités criantes : 94% du revenu mondial revient aujourd’hui à 40% de la population seulement. Ces écarts sont aussi présents au sein même des sociétés. Pour lutter contre la pauvreté et les inégalités sociales, une nouvelle vague économique pourrait bien aider les pays du Sud : l’entrepreneuriat social.

Des initiatives privées au service de l'interet général

A première vue, le terme d’« entreprise sociale » est paradoxal. Est-il vraiment possible d’allier capitalisme et secteur non-marchand ? L’entreprise sociale cherche à mettre l’efficacité économique au service de l’intérêt du plus grand nombre. La finalité sociale prime, mais le projet doit rester économiquement viable. Une douce utopie pour certains. Et pourtant, cela fonctionne ! Véritable mouvement d’ampleur à partir des années 1980 avec la fondation d’Ashoka, réseau mondial d’entrepreneurs sociaux aujourd’hui présents dans 70 pays, l’entrepreneuriat social ne cesse de se développer et fait figure d’alternative à notre modèle actuel. Le développement du microcrédit, la lutte contre la pauvreté, l’accès à l’autosuffisance alimentaire, à l’éducation, à la santé, ou encore le commerce équitable sont autant d’objectifs pour les entreprises sociales.

Des actions locales au sud, un impact international

Dans les pays du Sud, les entrepreneurs sociaux jouent un rôle important dans la lutte contre la pauvreté, et contribuent ainsi au développement des économies. Née de l’association de la Grameen Bank, première institution de microcrédit fondée dans les années 1980 par Muhammad Yunus - Prix Nobel de la Paix 2006 - et de Danone, firme multinationale agroalimentaire française, la Grameen Danone Foods est une entreprise sociale située au Bangladesh. Elle produit des yaourts vendus localement à très bas prix, pour combattre la malnutrition des enfants. Cette production a engendré des créations d’emplois sur place, tandis que les profits sont réinvestis dans l’entreprise. Un triple impact donc : amélioration de la santé publique, création d’emplois, et de richesses.

L’approche utilisée par la Grameen Danone Foods, et par de nombreuses entreprises sociales dans les pays du Sud, est celle de la « base de la pyramide » (BoP), théorisée par Prahalad, qui consiste à viser un marché de personnes très pauvres mais très nombreuses. Les entreprises sociales vont répondre à leurs besoins en proposant des produits à prix abordables. En témoigne le développement d’Essilor en Inde, qui offre aux plus pauvres l’accès à des paires de lunettes à des prix modiques, ou encore l’initiative de Devi Shetty, cardiologue, qui propose des opérations gratuites ou très bon marché aux patients défavorisés.

L’entrepreneur social prend également en compte le potentiel local, naturel et humain. Le commerce équitable, par exemple, s’inscrit à la fois dans une logique de développement du territoire, mais aussi d’enrichissement de la société productrice. Les entrepreneurs sociaux dans les pays du Sud sont ces acteurs du changement du monde et leur action locale, à la fois sociale et économiquement soutenable, ne peut que permettre la réduction des inégalités à tous les niveaux.

Un changement d'échelle nécessaire

Mais ces solutions efficaces s’étendent difficilement hors des pays, voire des régions où elles ont vu le jour. Cela est dû à un manque de communication et de visibilité de ces projets, pourtant grandement productifs. Même en France, où l’entrepreneuriat social se développe et où les médias sont omniprésents, seuls 18% des habitants ont déjà entendu parler de l'« entrepreneuriat social », selon un sondage OpinionWay de 2012. Pour Yogavelli Nambiar, directeur de l’African Social Entrepreneurs Network, il convient d’accroître le rôle des médias et des citoyens pour plus de visibilité, de sensibiliser les étudiants et les institutions publiques aux enjeux de l’entrepreneuriat social, mais aussi d’impliquer au maximum le secteur privé pour se diriger vers de nouvelles alliances.

Aujourd’hui, le problème posé est celui du changement d’échelle. Il permettrait la démultiplication de l’impact social à travers le monde, qui tendrait alors vers l’idée utopique de M. Yunus d’« un monde sans pauvreté ». 

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1.Posté par Yessod le 03/03/2014 16:48
Bonjour ,

Pensez vous que l'entreprenariat social est dissociable d'une lucrativité limitée ?
Je m'explique : selon les nombreuses explications trouvable sur internet , tout le monde s'accorde pour dire que l'entreprenariat social ne peut pas être fait dans un but 100% lucratifs ?
Mais personnellement je ne pense pas , qu'en pensez vous ?

2.Posté par Martin le 13/05/2014 15:42
L’entrepreneuriat social est en effet susceptible d'aider le développement de certains pays de l’hémisphère sud, mais il a également un rôle à jouer à l'intérieur même des pays développés. En France, certaines zones sont réellement pauvres d'un point de vue économique, et des entreprises solidaires peuvent aider à lutter contre le chômage et les difficultés d'insertion sociale. L'entreprise solidaire Ocito Services à Illzach (banlieue de Mulhouse), pour laquelle j'ai travaillé dans le cadre d'un projet tuteuré pour mes études, joue par exemple un peu ce rôle-là : http://www.ocito-services.fr

Mais bien évidemment, dans une logique humaniste, il demeure plus urgent d'aider avant tout les pays les plus pauvres.

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