L’Union Bancaire : un projet européen

Corentin Corcelette
3 Juin 2014



L’idée a été lancée par le patron de la Banque Centrale Européenne, Mario Draghi. L’objectif est de définir un cadre réglementaire, destiné à prévenir et résoudre les différentes faillites des banques au niveau européen. De plus, cette union doit permettre d'éviter qu'une nouvelle crise bancaire n’aboutisse à une crise de la dette. C'est-à-dire que les Etats et donc les contribuables ne paient pas pour renflouer des banques en difficulté. Comment fonctionne cette union bancaire et sera-t-elle efficace ? Analyse.


© BELGA_DPA_D.Reinhardt
© BELGA_DPA_D.Reinhardt
La principale mission de la Banque Centrale Européenne est de superviser et de prévenir les faillites des cent trente plus grandes banques de la zone euro. Avec la possibilité de contrôler les plus petites banques qui peuvent poser problème. C’est la française Danièle Nouy qui dirigera le conseil de supervision. Elle sera assistée par mille personnes afin de mener à bien cette mission. Dans un premier temps, les prochains mois vont servir à lancer une opération d’évaluation des banques et de tester leur résistance. 

L’objectif recherché est de réunir des informations sur la situation et les besoins de financement des différentes banques. Tout cela dans le but de retrouver la confiance des investisseurs, perdue depuis les défaillances de certaines banques comme l’établissement Bankia en Espagne. Les résultats de cette étude sont prévus à l’automne 2014. 

Le renflouement interne

Le problème du renflouement des banques est un sujet de discorde récurrent. En effet, durant la crise, le renflouement externe ou « bail-out » a été privilégié pour recapitaliser les établissements. Ce dernier consiste à faire intervenir l’argent public pour sauver les banques comme par exemple Dexia en France et en Belgique. Ce système a été jugé injuste par les Européens qui se sont alors mis d'accord sur des nouvelles règles. Désormais, un conseil de résolution sera créé et devra décider de la recapitalisation ou de la liquidation des banques. Ce conseil sera constitué de cinq membres nommés par les Etats et de la Commission européenne. Dès lors que la BCE alertera le conseil sur la santé d’une banque, ce dernier devra décider des mesures à appliquer.  

Dorénavant, c’est le renflouement interne ou « bail-in » qui sera appliqué lorsque qu’une banque sera en difficulté. Concrètement, les premiers à payer seront les actionnaires et les créditeurs. Ils devront couvrir au minimum 8% des pertes de la banque et seulement après il sera possible de faire appel à des fonds nationaux.

La garantie des dépôts

« Si ma banque fait faillite demain, est-ce que je risque de perdre mon argent ? » Le but de garantir les dépôts est d’indemniser les déposants lorsque leur banque ne peut plus faire face à ses engagements. Ce qui va rassurer les clients des banques. Dans le projet, les dépôts bancaires seront couverts à hauteur de cent mille euros par déposant et par établissement, par des systèmes de garantie qui seront mis en place par chaque Etat européen. Chaque Etat membre devra alors mettre en place des fonds de résolution qui devront atteindre un niveau de 1% des dépôts couverts dans les dix ans. Ces règles entreront en vigueur début 2016.  

La liquidation

La liquidation d'une société est une opération consistant à transformer en argent les éléments de l'actif et à payer les dettes sociales de la société. Ce mécanisme de l'Union bancaire européenne est prévu pour début 2016. La liquidation va permettre de faire appliquer les règles de renflouement interne dans les banques de la zone euro. C'est-à-dire dans les trois cents banques les plus importantes de la zone euro et les banques transfrontalières. Une banque transfrontalière étant décrite comme une institution financière, dont l'étendue du réseau sur le plan international, lui permet d'avoir un périmètre géographique suffisant, pour apporter une solution globale à une entreprise multinationale dans le cadre de la centralisation de ses flux financiers générés par ses filiales. Il est très important de s'occuper de ces banques, car il serait dangereux de laisser les filiales de banques étrangères seules. En effet, cela amoindrirait la confiance dans le système financier des pays européens, ce qui provoquerait des chutes de prix d'actifs. Ainsi, au final, les banques de l'Europe occidentale seraient touchées. 

À cela s'ajoute la création d'un fonds doté d'environ soixante milliards d'euros, qui va permettre d'organiser la liquidation d'une banque ou de financer les coûts de restructuration. Ce fonds sera financé par les banques elles-mêmes. Il sera compartimenté, chaque partie sera alimentée par les banques d'un Etat et ne permettra de renflouer que les banques de cet Etat. Cependant, le projet final est d'aboutir à un fond unique au bout de dix ans. En attendant, des filets de sécurité ou "backstops" sont prévus en mettant à contribution le mécanisme européen de stabilité (MES).    

Un projet longtemps discuté et critiquable : une confrontation France-Allemagne

L'Allemagne a longtemps été opposée à plusieurs points du projet de la France, qui était considéré comme beaucoup plus ambitieux. C’est d'ailleurs Paris qui a dû faire de nombreuses concessions sur plusieurs points. Tout d’abord, l'Allemagne était contre le fait que ce soit la Commission européenne qui prenne la décision de liquider les banques. Au final, ce sera le Conseil des ministres des Finances qui sera en charge de la liquidation comme le souhaite Berlin. Ensuite, la France voulait que les nouvelles règles et que la supervision s'appliquent à l'intégralité des banques de la zone euro, y compris les plus petites. Ce qui représente six mille établissements bancaires. Une nouvelle fois, Berlin a obtenu gain de cause en protégeant ses caisses régionales de la vue des européens. 

Une autre opposition concernait le fait que le MES soit impliqué dans le filet de sécurité. L'Allemagne refusait cette proposition, car le pays ne voulait pas faire payer les contribuables allemands pour la faillite d'une banque italienne ou espagnole. Finalement, les Etats ont le droit d'emprunter auprès du MES, mais sous leur signature, et pas celle de l'Europe, ce qui va donc alourdir considérablement la dette du pays concerné par une faillite. 

Quelques critiques du projet

Le processus de décision est jugé beaucoup trop complexe et politisé. En effet, le mécanisme de résolution unique (MRU) avait fait l'objet de nombreuses négociations complexes entre les ministres des Finances de l'UE et le Parlement européen. Ce dernier avait refusé d'accepter le compromis décidé en décembre dernier par les ministres des Finances. La raison avancée étant le fait que le MRU était trop complexe pour permettre de sauver ou de fermer une banque en difficulté rapidement. De plus, la décision finale de liquidation d’une banque revient toujours aux ministres des Finances de l’UE. Le risque étant donc que la décision de sauver ou de liquider un établissement ne soit entachée par des considérations politiques.

Ensuite, les banques françaises seraient d'après la formule de calcul retenue, les premières contributrices du fonds de résolution commun. Cependant, ces banques restent favorables à l'union bancaire, car elles se souviennent encore de la crise des dettes souveraines européennes de 2011. Ainsi, les banques estiment que quelque que soit le prix, une meilleure organisation de la solidarité européenne va améliorer la perception des institutions financières qui souffrent encore d'une certaine défiance. 

Enfin, le cercle vicieux entre risque bancaire et risque souverain n'est pas brisé. En effet, un autre sujet de discorde entre les ministres des Finances de l'UE et le Parlement européen concerne le fonds de résolution unique, qui se trouve au cœur du MRU. On l'a vu précédemment, ce fond est constitué de compartiments nationaux, financés par les banques de chaque pays. Or, ces compartiments ne seront mutualisés qu'au bout d'une période de dix ans. On peut ajouter comme le souligne Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste à l'université Paris 1, que soixante milliards d'euros, c'est une goutte d'eau. En effet, le secteur bancaire a bénéficié entre 2008 et 2011 de plusieurs milliards d'euros d'aides. Par exemple, la France a soutenu son secteur bancaire à hauteur de quatre cent-treize milliards.

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