L'Inde dit stop au télégramme

Ramalingam Va, traduit de l'anglais par Thomas Denis
22 Juillet 2013



Autrefois considéré comme le moyen de communication le plus rapide en Inde, le télégramme vient de rendre son dernier souffle. Le gouvernement a décidé de mettre un terme à ce service trop onéreux et désuet. À l'ère des téléphones portables et d'Internet, le télégramme n'a pas su tirer son épingle du jeu.


Crédits photo -- Rajanish Kakade/AP
Crédits photo -- Rajanish Kakade/AP
Interrompu aux Etats-Unis en 2006 et survivant en France via un service téléphonique d'Orange, le réseau télégraphique indien s'est à son tour éteint le 15 juillet dernier. Ce mode de communication est arrivé dans le pays en 1850 avec la British East India Company et y a survécu près de 163 années. Après l'indépendance en 1947, ce service est un temps pris en charge par le département postal puis le ministère des Télécommunications. Le télégramme a connu sa période faste.

Dans les forces armées, c'est par télégramme que la hiérarchie prenait contact avec ses troupes. Toutes les nouvelles, bonnes ou mauvaises, transitaient via ces messages câblés. La population utilisait ce service pour communiquer avec leurs proches les plus éloignés. Aujourd'hui encore, beaucoup se rappellent les différents codes de salutation et les messages utilisés dans les services télégraphiques. Avant la banalisation du téléphone, et surtout du téléphone portable, le télégramme a occupé une place importante dans la vie quotidienne des citoyens indiens ordinaires.

Un rôle clé dans la lutte pour l'indépendance

Bien que relativement nouveau à l'époque, le télégraphe a joué un rôle décisif dans la lutte pour l'indépendance de l'Inde. En 1857, pendant la première guerre d'indépendance, les dépêches ont facilité la répression du soulèvement en permettant à l'East India Company de rapidement mobiliser les troupes et alerter des cibles potentielles de la révolte. En 1942, en plein mouvement « Quit India » (« Quittez l'Inde ») impulsé par le Mahatma Gandhi, les manifestants ont profité d'une marche contre la présence britannique en Inde pour s'attaquer aux lignes télégraphiques.

Un service coûteux

Si le gouvernement indien a décidé de se débarrasser de ce symbole, c'est avant tout parce que le secteur a enregistré de lourdes pertes. D'après les chiffres officiels, le service aurait, sur une année, généré environ 120 000 euros, alors que le coût de fonctionnement atteindrait les 15 million d'euros. Autant dire que le télégramme a perdu de son éclat. Trop lent, trop cher. De jour en jour, les services télégraphiques ont vu leur personnel fondre comme neige au soleil. De nombreux bureaux se retrouvaient ainsi avec une seule personne pour parcourir de longs kilomètres à bicyclette et transmettre les messages. Il faut dire que le nombre de clients a drastiquement chuté et dans un même temps, la proportion de téléphones portables et de lignes d'accès à Internet a augmenté. Et c'est ainsi que le télégraphe a rejoint le club des objets « vintage » élevés au rang d'antiquité à préserver.

Les derniers mots

Ce 14 juillet pourtant, les bureaux ont été pris d’assaut. En hommage à un symbole des télécommunications, tous ont voulu dire adieu comme il se devait à ce service vieux de deux siècles. Beaucoup ont souhaité garder avec eux un petit morceau d'Histoire en envoyant un dernier télégramme à leurs proches et ainsi pouvoir conserver une relique à la maison. Même le vice-président du parti au pouvoir, Rahul Gandhi, en a reçu.

Ils sont nombreux à avoir protesté contre cette décision de mettre fin au télégraphe, mais le gouvernement a fait la sourde oreille. De leur côté, les anciens employés du secteur racontent avec nostalgie leur expérience dans les médias. « Les services télégraphiques ont massivement recruté en 1986. Aujourd'hui, la plupart de ces recrues approchent de la retraite. Ils partent presque en même temps que ce service vieux de 162 ans. », raconte un haut fonctionnaire au New Indian Express. Comme la plupart de ses confrères, il finira sa carrière dans un service consacré à Internet ou à la téléphonie fixe et mobile.

L'Inde est bel et bien entrée dans l'ère du numérique. La révolution technologique est en marche dans un pays de plus en plus connecté. Mais même les grands patrons actuels de la télécom ne sont pas prêts d'oublier le sons de frappe dans les bureaux, les points et les traits envoyés en morse par les lignes télégraphiques.

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