Kazakhstan : des élections présidentielles futiles

25 Avril 2015



Le 26 avril 2015 se tiendra la cinquième élection présidentielle de l'histoire du Kazakhstan. Ces élections anticipées sont sans enjeux politiques, Noursoultan Nazarbaïev ne faisant pas face à une opposition très marquée. Que cache cette République en pleine expansion économique ? Décryptage.


Crédit Reuters
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Le Kazakhstan est un ancien pays de l’URSS, ayant obtenu son indépendance lorsque celle-ci a éclaté en 1991. Le pays s’est très vite libéralisé afin de se rendre accessible aux investisseurs étrangers. Le changement a été rapide mais efficace puisque le pays pourrait devenir le 7ème producteur mondial de pétrole d'ici 2020. Le Kazakhstan détient actuellement 75 % des réserves d’hydrocarbures de la mer Caspienne et les deuxièmes réserves mondiales en matière d'uranium. Sa croissance économique dépend entièrement des exportations. 

Politiquement, le pays est officiellement une République qui se veut démocratique, notamment par le biais d'élections régulières. Noursoultan Nazarbaïev est devenu et demeure aujourd'hui le Président de la nation depuis son indépendance. Pour se présenter en tant que candidat aux élections présidentielles, 93 000 signatures de partisans sont nécessaires - soit 1 % de l'électorat - ainsi que la validation d'un examen sur la langue kazakhe. Vingt-sept candidats ont été éliminés de la course, ne laissant que deux rivaux fantômes à Nazarbaïev. Actuellement, le mandat d'un président est limité à 5 ans. 

Noursoultan Nazarbaïev : un président dictatorial

Noursoultan Nazarbaïev a été élu à la majorité absolue lors de chacune des élections, la dernière ayant eu lieu en 2011. Il avait alors été élu avec 95,55 % des voix, et son parti — Nur Otan, duquel il est le leader— occupe la plupart des sièges, tant à la chambre basse (le Majilis) qu’à la chambre haute (le Sénat). Ces deux formant le Parlement, plusieurs lois valorisant le président ont facilement été adoptées, comme la réforme constitutionnelle de 2007. Proposée par le président lui-même, elle inclut des réformes telles que l'augmentation du nombre de sénateurs sélectionnés par le président, ainsi que le Premier ministre, et l'autorisation pour Noursoultan Nazarbaïev de se présenter sans limite de mandats aux élections présidentielles. Il n'a d'ailleurs pas hésité à qualifier ses mandats de « dictature éclairée ».

En 2011, un référendum pour étendre le mandat du Président jusqu’en 2020 a été proposé, sur le modèle  de la tentative de 1995. Cependant, le Conseil constitutionnel a rejeté la proposition du référendum, avec l’accord de Nazarbaïev, créant ainsi des élections anticipées. La même année, de nombreuses révoltes avaient eu lieu et ainsi déstabilisé le pouvoir. Cette année, des élections anticipées auront une nouvelle fois lieu, « dans l’intérêt du peuple » selon le Président qui explique qu’elles auraient été trop rapprochées des élections législatives de début 2017. En réalité, en raison de la forte baisse des prix d’exportation du pétrole, des mesures économiques strictes vont devoir être mises en place. Il est donc possible que la date du vote ait été décalée afin de ne pas affecter les résultats du gouvernement à l'issue de l'établissement de ces mesures.

L’opposition sans pouvoir

Un des principaux opposants est le diplomate Rakhat Aliyev. En 2007, il rallie les opposants de la nouvelle réforme constitutionnelle. Peu après, il est accusé de kidnapping et d'extorsion. En 2013, il publie un livre dans lequel il dénonce la corruption, les activités criminelles, les secrets et systèmes de gouvernance du pouvoir. Après s’être livré aux autorités autrichiennes en juin 2014, il a été retrouvé mort en prison le 24 février 2015. 

Le principal opposant vivant est donc le chef du Parti communiste du Peuple Kazakh, existant depuis depuis 2004. Jusqu’en 2012, le parti avait fait moins de 2 % des voix à toutes les élections, mais a remonté à 7,19 % aux élections législatives de 2012. Cependant, le parti est considéré comme loyal envers le Président en place. Le candidat présidentiel, Turgun Syzdykov, fonctionnaire publique depuis l’époque soviétique est caractérisé en tant que “communiste solide”, puisque qu’il a toujours gardé son idéologie. En 2014, il est devenu l’un des dirigeants du parti et le 4 mars a été voté à majorité comme candidat à l’élection présidentielle. Dans son programme, il prévoit un retour à la propriété étatique des installations énergétiques et industrielles de base. Il ne veut cependant pas un retour à l’ancien système soviétique, mais une alliance entre les avancées scientifiques et l’idéologie marxiste. 

Le troisième et dernier candidat aux élections présidentielles de ce dimanche est Abelgazi Kusainov, président de la Fédération des syndicats du Kazakhstan. La majeure partie de son programme s'appuie sur un point de vue environnementaliste — à travers un développement écologique rationnel — et sur la sécurité industrielle.

L'unique enjeu du pouvoir en place est de mobiliser les foules, le résultat étant connu d'avance. Avec la réforme constitutionnelle de 2007, Nazarbaïev, actuellement âgé de 74 ans, pourrait se retrouver président à vie, entamant à l'issue de ces élections son cinquième mandat. 

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Carolina Duarte de Jesus
Arrivée en France il y a quatre ans, j'ai entamé des études de Science-Politique. Les relations... En savoir plus sur cet auteur