Kazakhstan : Moukhtar Abliazov, la demande d'extradition russe comme priorité

Gabriel Zignani
28 Décembre 2013



Jeudi 12 décembre 2013, une procédure d'extradition vers la Russie a été enclenchée par le parquet général de la cour d'appel d'Aix-en-Provence concernant l’ancien ministre kazakh, Moukhtar Abliazov. Également opposant politique dans son pays d’origine, il est accusé d’avoir détourné plusieurs milliards de dollars lorsqu’il était à la tête de la banque kazakhe BTA.


Crédits photo -- Photoxpress | Maxppp
Crédits photo -- Photoxpress | Maxppp
Ce sera donc la Russie. L’avocate générale de la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Solange Legras, a effectivement requis, jeudi 12 décembre, l’extradition du Kazakh Moukhtar Abliazov vers le pays de Vladimir Poutine. Une demande similaire avait également été formulée par l’Ukraine, mais la magistrate souhaite donner la priorité à celle émise par la Russie: « Au vu de l’importance du préjudice, des faits considérablement plus graves commis en Russie, je vous demande de prioriser la demande russe », a-t-elle déclaré à la Cour. Mais il risque d'y avoir prescription concernant cette requête, raison pour laquelle la demande d'extradition de l'Ukraine est aussi étudiée sérieusement.

Le Kazakhstan avait également fait une telle demande, mais il n'existe pas de convention d'extradition entre ce pays et la France, rendant celle-ci impossible. L'avocate générale a précisé que « comme la procédure est très longue, il ne devrait pas être extradé avant le printemps 2014 ». Le procès devrait avoir lieu à la fin du mois de janvier.

Des raisons politiques invoquées par la défense

L’ancien ministre kazakh, âgé aujourd’hui de 50 ans, craint d’être poursuivi pour des considérations politiques : « Toutes les raisons invoquées contre moi sont fausses, tout a été fabriqué par le Kazakhstan », a-t-il affirmé, par l’intermédiaire de ses deux interprètes. Pour Solange Legras, cette hypothèse est très peu probable : « M. Abliazov s’est constitué un statut de victime, qu’il a organisé à sa façon. Il est toujours dans cette optique. Il nie même l’évidence », ajoute-t-elle.

Concernant les risques de ré-extradition vers son pays d’origine, l’avocate générale les réfute en se basant sur la Convention de Genève de 1951 et sur la convention européenne d’extradition de 1957. Le risque d’une intervention du Kazakhstan, quelle que soit la manière, est malgré tout assez important puisque Moukhtar Abliazov est l’un des principaux opposants politiques au régime du président kazakh Noursoultan Nazarbaïev. L'avocat de ses enfants, Maître Sahlas, estime d'ailleurs que « le Kazakhstan a mis beaucoup de moyens privés pour le trouver en France ».

Des demandes d'extradition fondées sur des détournements de fonds

Ces demandes d’extradition existent, car l’embarrassant oligarque est soupçonné de s’être livré à des détournements de fonds de plusieurs milliards de dollars, notamment lors de ses opérations en Russie et en Ukraine, lorsqu’il dirigeait la banque kazakhe BTA, entre 2005 et 2009. Aucune raison politique n’est invoquée. Des faits qui se seraient déroulés avant que celle-ci ne soit nationalisée de force. Ces détournements auraient causé de lourds dommages à la banque, qui a évité de peu la faillite. Mais selon les proches de M. Abliazov, la réalité est tout autre. « C’est au contraire cette nationalisation brutale, qui s’est accompagnée d’une grande purge dans la plus pure tradition soviétique, qui a vidé les caisses, car les investisseurs, paniqués, ont retiré leurs capitaux », soutient Maître Peter Sahlas.

Solange Legras considère davantage l’ex-banquier comme un « délinquant de grande envergure » que comme un opposant politique en danger d’être renvoyé dans son pays d’origine. Cependant, l'entourage de Moukhtar Abliazov pourra aisément lui rétorquer qu'il est en danger. Certains de ses proches ont été retrouvés assassinés des années plus tôt, lorsqu'il se trouvait encore au Kazakhstan. Il est de plus l'opposant politique le plus important du dictateur Nazarbaïev encore en vie. Il est d'ailleurs à la tête du parti d'opposition « choix démocratique ». Incarcéré au Kazakhstan en 2003, il est sorti de prison sous condition d'arrêter la politique. Il a alors usé de son droit d'asile pour atterrir en Angleterre. Pays qu'il a quitté après avoir été condamné à 22 mois de prison pour outrage à la cour, pour venir en France. Peu importe, pour le parquet général d'Aix-en-Provence, l'homme est un « escroc » et sera jugé pour le détournement de fonds de la banque BTA, qu'il a pu réaliser en créant de nombreuses sociétés offshores.

Moukhtar Abliazov est pour le moment détenu à la maison d’arrêt de Luynes, dans les Bouches-du-Rhône, depuis le 1er août. Il avait été arrêté le 31 juillet 2013 à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes). Ce jour-là, des policiers cagoulés étaient entrés de force dans sa villa, obéissant alors à une notice rouge lancée par Interpol, sur demande du Kazakhstan.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence a tranché

La cour d'appel d'Aix-en-Provence a accepté jeudi 9 octobre la demande d'extradition de l'ancien oligarque kazakh, Moukhtar Abliazov. Extradition qui aura lieu vers la Russie ou vers l'Ukraine. Cependant, la chambre de l'instruction de la cour a donné sa préférence à la demande russe, étant donnés les faits plus graves qui lui y sont reprochés. Les réquisitions de l'avocate générale Solange Legras ont donc été suivies par les magistrats.

Son épouse Alma Abliazov a réagi en expliquant que « l'extrader, c'est le condamner à mort ». Ses avocats ont d'ailleurs déjà fait savoir qu'ils allaient se pourvoir en cassation, ce qui aura pour effet de suspendre la procédure d'extradition. L'ancien banquier restera donc en prison à Luynes, dans le sud de la France, jusqu'à la fin de la procédure juridique. Mise à jour | 10/01/2014


Notez