Une caméra trop mobile : Just the Wind succombe à un défaut courant du cinéma contemporain. La caméra n'est jamais posée, elle est toujours à l'épaule. Aucun plan ne s'offre donc à la contemplation. Ce n'est certes pas le but premier du film : on doit vivre avec les différents membres de cette famille de Roms pendant une journée, et non contempler leur quotidien de l'extérieur. Mais cette façon de filmer parvient-elle à symboliser le quotidien de Mari, Anna et Rio ? A certains moments peut-être, lorsque leurs tâches quotidiennes nous sont montrées au plus près, comme si nous étions eux. Mais l’œil du spectateur ne peut jamais se reposer sur une surface immobile, le temps d'apprécier et de comprendre tous les enjeux de la scène. Tout s'enchaîne dans une longue suite de mouvements indéfinis et sans motivation. Comme le rappelle un carton au début du film, nous ne regardons pas un documentaire ou des réactions prises sur le vif. Pourquoi alors plaquer sur sa narration un style sans charme ni efficacité ?
Un film politique sans émotion
Ce film est avant tout un film politique. Il s'affirme du moins comme un dénonciateur d'injustices. Le style n'est donc pas sa première préoccupation. A part le titre, admirablement choisi, rien ou très peu de choses sont poétiques ou particulièrement esthétiques dans le film de Bence Fliegauf. Sa volonté première est de montrer la misère et la précarité dans laquelle vivent les Roms en Hongrie. Le film se place du point de vue des victimes, pour mieux comprendre leur peur constante de se faire attaquer ou massacrer. La logique du racisme est démontée tout au long du film à travers de courtes scènes, relativement percutantes. Le racisme n'est ni outrageusement violent, ni complètement naturel (si on excepte les scènes de massacres), Chacun est raciste à sa manière, par son indifférence ou son zèle, et cela forme de nombreux petits événements qui parsèment le quotidien de cette famille. Sans spectacle, leur situation est explorée en toute simplicité.
Mais rien pourtant ne nous touche vraiment. Même si on excepte cette caméra insupportable, l'adhésion du spectateur n'est pas aisée. On comprend et on ressent que le réalisateur a voulu dénoncer l'injustice de cette condition. Mais on ne sait pas, en définitive, ce qu'il a voulu nous montrer ou nous dire.
Le film s'étire en longueur au cours de cette journée banale, sans vie, mais aussi sans véritable intention. Filmer des gens qui marchent dans la nature est à la portée de tout le monde. Le plus compliqué est de trouver le bon angle d'attaque pour que cette marche évoque ou signifie quelque chose. Il faut que quelque chose sorte de l'image, ne serait-ce qu'une énergie propre. Rien dans ce film ne semble s'impliquer. On reste à côté des personnages et certaines caractéristiques de leur vie nous deviennent familière : l'extrême fatigue de la mère ou la fierté de Rio devant sa cachette dans la forêt. Pourtant ces sentiments restent fugitifs, nous n'éprouvons que peu de choses pour eux. Le film reste froid dans son ensemble, à l'image de la dernière scène à la morgue où l'on sent une tendresse, enfermée dans une mise en scène trop lointaine.
L'adhésion du spectateur s'en trouve handicapée. En sortant du film, on éprouve de l'horreur devant cette précarité et cette violence, mais c'est une horreur froide, lointaine, comme si l'on se souvenait constamment que cette histoire n'est qu'une fiction, un point de vue. Le quotidien de ces familles nous horrifient sans nous toucher émotionnellement. Il y a peut-être une raison éthique à cela : on ne doit pas mettre en spectacle l'horreur et lui donner une valeur esthétique ou émotionnelle, ce serait sinon lui donner une importance qu'elle ne doit pas avoir. Pourtant, est-ce que ce sentiment très fort mais désintéressé est plus justifié ? Il est en tout cas certain qu'il est moins efficace. Peu de gens iront voir ce film (les premiers chiffres des entrées en salle ne sont pas bons) parce qu'il n'est pas de ceux qui pourront les ébranler dans leurs convictions. On ne sort pas transformé de ce film, on a juste vécu un moment éprouvant, qu'on désire oublier. Prendre à bras le corps un sujet nécessite une manipulation du spectateur, qui n'est pas forcément amorale. Pour ce film et son sujet très dur, elle aurait sans doute été de trop. Bence Fliegauf, en refusant l'implication émotionnelle, ne nous donne pas de solution pour entraîner le spectateur sans verser dans le spectacle aguicheur.
Mais rien pourtant ne nous touche vraiment. Même si on excepte cette caméra insupportable, l'adhésion du spectateur n'est pas aisée. On comprend et on ressent que le réalisateur a voulu dénoncer l'injustice de cette condition. Mais on ne sait pas, en définitive, ce qu'il a voulu nous montrer ou nous dire.
Le film s'étire en longueur au cours de cette journée banale, sans vie, mais aussi sans véritable intention. Filmer des gens qui marchent dans la nature est à la portée de tout le monde. Le plus compliqué est de trouver le bon angle d'attaque pour que cette marche évoque ou signifie quelque chose. Il faut que quelque chose sorte de l'image, ne serait-ce qu'une énergie propre. Rien dans ce film ne semble s'impliquer. On reste à côté des personnages et certaines caractéristiques de leur vie nous deviennent familière : l'extrême fatigue de la mère ou la fierté de Rio devant sa cachette dans la forêt. Pourtant ces sentiments restent fugitifs, nous n'éprouvons que peu de choses pour eux. Le film reste froid dans son ensemble, à l'image de la dernière scène à la morgue où l'on sent une tendresse, enfermée dans une mise en scène trop lointaine.
L'adhésion du spectateur s'en trouve handicapée. En sortant du film, on éprouve de l'horreur devant cette précarité et cette violence, mais c'est une horreur froide, lointaine, comme si l'on se souvenait constamment que cette histoire n'est qu'une fiction, un point de vue. Le quotidien de ces familles nous horrifient sans nous toucher émotionnellement. Il y a peut-être une raison éthique à cela : on ne doit pas mettre en spectacle l'horreur et lui donner une valeur esthétique ou émotionnelle, ce serait sinon lui donner une importance qu'elle ne doit pas avoir. Pourtant, est-ce que ce sentiment très fort mais désintéressé est plus justifié ? Il est en tout cas certain qu'il est moins efficace. Peu de gens iront voir ce film (les premiers chiffres des entrées en salle ne sont pas bons) parce qu'il n'est pas de ceux qui pourront les ébranler dans leurs convictions. On ne sort pas transformé de ce film, on a juste vécu un moment éprouvant, qu'on désire oublier. Prendre à bras le corps un sujet nécessite une manipulation du spectateur, qui n'est pas forcément amorale. Pour ce film et son sujet très dur, elle aurait sans doute été de trop. Bence Fliegauf, en refusant l'implication émotionnelle, ne nous donne pas de solution pour entraîner le spectateur sans verser dans le spectacle aguicheur.