Crédit Photo : AP Photo/Vahid Salemi
C’est Mana qui a choisi le point de rendez-vous. Un lieu public : la terrasse d’un café qu’il connait bien. Une façon de savoir où il met les pieds, sûrement – un vieux réflexe d’homme traqué, peut-être. Son chapeau noir cache son regard. Incognito.
Depuis 2006, Mana vit en exil. Il y a sept ans, il est interpellé par la police et mis en prison. « Je faisais des dessins pour enfants. Certains ont été mal interprétés par les Azéri [communauté iranienne, ndlr], qui se sont sentis blessés, assure-t-il. Des gens sont descendus dans la rue pour manifester. Le gouvernement a décidé de m’arrêter pour calmer les tensions. » Le 23 mai 2006, Mana est jugé coupable « d’incitation à la division ethnique ». Il est incarcéré durant trois mois, puis placé en liberté conditionnelle. Aidé par un proche, il choisit de fuir sa patrie. Il se souvient : « J’ai eu deux semaines pour tout préparer. Avec ma femme, nous sommes partis ensemble, dans la précipitation. » Derrière lui, Mana laisse toute une vie. Soutenu par un réseau d’amis, il s’exile successivement à Dubaï, en Turquie, puis en Malaisie. En 2010, la France lui accorde le statut de réfugié, qui lui avait été jusque-là refusé. Mana devient ainsi le premier réfugié à être reçu à Paris par le projet ICORN, un réseau international destiné à accueillir des auteurs persécutés en raison de leur activité. « J’ai été hébergé pendant deux ans à la Cité Internationale des Arts, au cœur de Paris, précise-t-il. Maintenant, j’ai un vrai chez-moi. »
Depuis 2006, Mana vit en exil. Il y a sept ans, il est interpellé par la police et mis en prison. « Je faisais des dessins pour enfants. Certains ont été mal interprétés par les Azéri [communauté iranienne, ndlr], qui se sont sentis blessés, assure-t-il. Des gens sont descendus dans la rue pour manifester. Le gouvernement a décidé de m’arrêter pour calmer les tensions. » Le 23 mai 2006, Mana est jugé coupable « d’incitation à la division ethnique ». Il est incarcéré durant trois mois, puis placé en liberté conditionnelle. Aidé par un proche, il choisit de fuir sa patrie. Il se souvient : « J’ai eu deux semaines pour tout préparer. Avec ma femme, nous sommes partis ensemble, dans la précipitation. » Derrière lui, Mana laisse toute une vie. Soutenu par un réseau d’amis, il s’exile successivement à Dubaï, en Turquie, puis en Malaisie. En 2010, la France lui accorde le statut de réfugié, qui lui avait été jusque-là refusé. Mana devient ainsi le premier réfugié à être reçu à Paris par le projet ICORN, un réseau international destiné à accueillir des auteurs persécutés en raison de leur activité. « J’ai été hébergé pendant deux ans à la Cité Internationale des Arts, au cœur de Paris, précise-t-il. Maintenant, j’ai un vrai chez-moi. »
« Un dessinateur ne se sent jamais en sécurité »
A des milliers de kilomètres de l’Iran, Mana a encore peur d’être pris pour cible. Inquiet, il fait allusion à un récent fait d’actualité : « Des femmes du PKK [parti des travailleurs du Kurdistan, ndlr] se sont faites abattre en plein jour et en plein Paris. Ce n’est pas parce que je suis en France que je me sens en sécurité… » Le dessinateur s’est pourtant battu quatre ans avant de recevoir le statut de réfugié politique dans l’Hexagone. « Quand on est journaliste, c’est souvent plus facile d’avoir un visa en France, reconnait-il. Pour moi, ça a été plus compliqué… »
Pendant la Révolution verte, Mana a beaucoup dessiné. Pour de nombreux médias sous la tutelle du gouvernement, mais aussi pour quelques magazines réformistes. Il précise néanmoins : « La presse réformiste n’est pas pour autant indépendante. En Iran, pour avoir de l’argent, il faut avoir des liens avec le régime, explique-t-il. La vraie indépendance n’existe pas. »
Pendant la Révolution verte, Mana a beaucoup dessiné. Pour de nombreux médias sous la tutelle du gouvernement, mais aussi pour quelques magazines réformistes. Il précise néanmoins : « La presse réformiste n’est pas pour autant indépendante. En Iran, pour avoir de l’argent, il faut avoir des liens avec le régime, explique-t-il. La vraie indépendance n’existe pas. »
« Le mode de vie, c’est le régime qui le choisit »
Pour le dessinateur, la mainmise du régime sur les libertés est intolérable. Il se souvient du soulèvement populaire de 2009 : « La Révolte verte a été déclenchée par l’élection présidentielle. Le peuple avait massivement voté pour le réformiste Mir Hossein Moussavi, mais le gouvernement a changé le résultat et annoncé la victoire du conservateur Mahmoud Ahmadinejad. » Mana assure que les manifestants « ne voulaient pas faire la révolution, mais seulement protester. » Il rappelle : « Les gens se demandaient : où sont passés nos votes ? »
Pour l’élection du 14 juin prochain, Mana ne se fait pas d’illusions : « Je ne suis pas fataliste mais réaliste. Rien ne changera après l’élection, c’est un conservateur qui va l’emporter et il appliquera la politique du Guide. » Mais, cette fois-ci, le dessinateur ne croit plus à un soulèvement populaire similaire à celui de 2009. Désabusé, il explique : « En Iran, il n’y a ni syndicats, ni réels partis politiques. Et on ne peut pas s’opposer sans ces organisations structurées… Il y a bien les réseaux sociaux, ajoute-t-il, mais ils sont peu développés et les classes moyennes n’y ont quasiment pas accès. » Pour Mana, l’absence de sondages permet également de tenir les citoyens à l’écart de la vie publique. « C’est une façon supplémentaire d’empêcher les contestations. » Le réfugié témoigne même : « Maintenant, même les appels Skype commencent à être contrôlés. Le régime s’en prend à l’un des derniers moyens d’organiser une opposition et de garder contact avec l’extérieur. » Encore un pont entre Mana et son pays qui risque de céder.
Pour l’élection du 14 juin prochain, Mana ne se fait pas d’illusions : « Je ne suis pas fataliste mais réaliste. Rien ne changera après l’élection, c’est un conservateur qui va l’emporter et il appliquera la politique du Guide. » Mais, cette fois-ci, le dessinateur ne croit plus à un soulèvement populaire similaire à celui de 2009. Désabusé, il explique : « En Iran, il n’y a ni syndicats, ni réels partis politiques. Et on ne peut pas s’opposer sans ces organisations structurées… Il y a bien les réseaux sociaux, ajoute-t-il, mais ils sont peu développés et les classes moyennes n’y ont quasiment pas accès. » Pour Mana, l’absence de sondages permet également de tenir les citoyens à l’écart de la vie publique. « C’est une façon supplémentaire d’empêcher les contestations. » Le réfugié témoigne même : « Maintenant, même les appels Skype commencent à être contrôlés. Le régime s’en prend à l’un des derniers moyens d’organiser une opposition et de garder contact avec l’extérieur. » Encore un pont entre Mana et son pays qui risque de céder.
© Mana Neyestani