Aujourd'hui, les subcultures n'ont que peu de choses à voir avec celles du passé. Depuis l'essor des internets, l'abondance d'images en tout genre exacerbe la créativité des internautes. Ainsi, Dora Moutot, fashion journalist, investigatrice de cyber tendances et créatrice de La Gazette du Mauvais Goût, définit le terme de cyber sous-culture comme « la construction d'un esthétisme particulier à travers la profusion d'images, qui constituent une sous-culture visuelle ». De plus, « Celle ci se transforme parfois en lifestyle ». Les exemples en la matières sont nombreux. L'un des derniers médiatisés en date était le healthgoth. Rien à voir avec les gothiques au teint blafard. Leur kiff à eux, c'est de se promener affublé d'un bras bionique dans des vêtements de sport noir. D'ailleurs la tendance a fait un tel buzz, que le créateur de la page Facebook « healthgoth », Mike Grabarek, aurait été approché par Adidas pour collaborer sur une collection d'équipement. Impossible d'en savoir plus, c'est encore top secret.
Mais Dora, gourou du mauvais goût, reste sur la réserve: « Ces esthétiques stagnent plus ou moins aujourd'hui, je vois moins de nouveautés en terme de style. Les esthétiques tumblr, comme le healthgoth, déclinent aussitôt qu'elles sont cataloguées à travers un mot, car aujourd'hui la publicité récupère immédiatement tout ces types d'esthétiques, du coup leur temps de vie dans 'l'underground' est très court ».
Weird facebook
L'underground, en ce moment, c'est le « weird facebook ». Quasi introuvable IRL, c'est un mélange de groupe secret fermé et de pages de memes à l'esthétique particulière.
« En gros sur Facebook il y a des groupes fermés souvent créés par des artistes du net art. L'intérêt de ces groupes, comparés aux autres réseaux sociaux, c'est qu'on y fait une recherche esthétique en commun avec d'autres gens. C'est beaucoup moins individualiste ! Par exemple, il y a des pages comme 'Archival Aesthetics: Environment and Object'. Tout le monde amène des images et c'est une esthétique qu'on construit ensemble. C'est une passion pour les esthétiques diverses et ça fonctionne sur le principe du forum. »
Dans le même genre, il existe aussi sur Facebook Mallsoft, Medical Fashion Quarterly ou Casual 3d Potluck... Reese Riley, un des fondateurs de Archival Aesthetics: Environment and Object nous en dit plus : « La canonisation du 'weird Facebook', c'est une façon de normaliser la partie marginalisée de Facebook. En effet, mon groupe Corporate Aesthetics: Environment and Object a été utilisé comme un symbole pour définir ce que pourrait être le 'weird Facebook', et le terme s'est ensuite popularisé. Pour beaucoup d'internautes, ce n'est pas bizarre, mais c'est plutôt une habitude. » Le « weird Facebook » se veut à la marge du Facebook « mainstream ».
Une database alternative
L'esthétique de Archival Aesthetics: Environment and Object est difficile à définir. C'est surtout une grande base de données et d'images en tous genres. Le projet est divisé en 12 groupes, soit 12 catégories d'images : « Aqua, Retail, Tech, Sport, Homecare, Corporate, Arctic, Laboratory, Desert », tous reliés à la page principale Archival Aesthetics: Environment and Object. C'est un mélange de photos de type Google Image, d'images en 3D et d'ésotérisme. Riley aime à définir son groupe comme un « esthétisme qui aimante l'oeil ».
Il ajoute : « Si un membre du groupe possède une image d'un salon en 3D, il doit vraiment la poster sur le groupe ! Peut-être qu'apparaît dans le salon un businessman qui prend un café. Dans ce cas là, l'image va dans the Corporate group. Mais peut-être qu'il y a un balai qui traîne dans un coin, dans ce cas l'image ira dans Homecare group. Une fois de plus, on pourrait y voir une piscine à travers les fenêtres du salon, dans ce cas, l'image va dans Aqua group.... Sans l'utilisation de codes et d'outils de différentiation, ça ne serait pas un archivage. »
« Je n'essaye pas de tirer profit de ce projet. Je crains un biopouvoir souverain, et tout le monde devrait en avoir peur aussi, surtout en ce moment. Ces images qui se trouvent sur le groupe sont juste un autre point dans un tourbillon en furie de vecteurs qui indiquent l'origine des images et vers quoi elles pourraient potentiellement tendre. C'est une humble réflexivité analogique sur les comportements d'internet. »
Ce weird Facebook, invisible aux non initiés, est une sorte de grand bazar plus ou moins bien organisé. Ce temple du net art est participatif. Et parfois, derrière un montage pourrait se cacher une invitation à la réflexion.