Grèce : 54e édition du festival du film de Thessalonique

Le festival international du film de Thessalonique qui s'est déroulé du 1er au 10 novembre a été sans aucun doute un moment fédérateur pour le peuple grec. Par un temps clément et presque estival, le public de tout âge est venu en masse s'asseoir dans les salles obscures. Pendant exactement 10 jours, plus de 120 films ont été projetés dans les six salles réparties sur la place Aristote et sur le port, qui constitue désormais un grand complexe culturel.

Deux ans après la mort de Théo Angelopoulos, le festival ne perd rien de sa dynamique et de sa réputation, alors que ses financements ont été drastiquement diminués par la fermeture d'ERT, l'audiovisuel public grec, qui était un des principaux mécènes du festival. En cette période de crise, la culture agit d'autant plus en tant que rempart aux difficultés quotidiennes et comme vecteur de solidarité au sein de la société grecque en plein délitement.

Le film d'Elina Psykou, L'éternel retour d'Antonis Paraskévas, en est un exemple probant. Avec un budget minimaliste, Elina Psykou a réalisé son premier long métrage avec une équipe de bénévoles. L'ensemble du film constitue une métaphore de la Grèce. Le personnage principal, ancien présentateur télé, met en scène sa propre disparition pour s'attirer de nouveau la lumière des projecteurs. L'hybris du présentateur durant son éphémère célébrité contraste avec sa descente aux enfer.

La direction du festival a également organisé cette année une journée francophone, le 8 novembre, en partenariat avec TV5 monde et l'Institut Français de Grèce. À cette occasion, 8 films francophones ont été programmés.

Le très attendu Tom à la ferme, nouveau long-métrage de Xavier Dolan, concourrait dans la catégorie « Horizons ouverts ». Le film constitue une rupture profonde avec les précédents films du cinéaste. Plus sombre, Tom à la ferme est l'occasion pour Dolan d'expérimenter le thriller, tout en gardant ses thèmes de prédilection que sont l'amour impossible et le désir. Mais à cela, s'ajoute, plus singulièrement, une réflexion sur la mort et l'oubli. Ce qui tranche également, c'est cette volonté de donner à voir la réalité de manière presque naturaliste. Au milieu du film, Tom s'écrit : « Ici, c'est le réel ».

Programmé dans la compétition officielle internationale, Suzanne de Katell Quillévéré a rencontré un franc succès auprès du public. Le film a remporté le second prix du festival, l'Alexandre d'argent, et son actrice principale, Sara Forestier, Prix de la meilleure actrice.

Sorti en août dernier en France, Grand Central de Rebecca Zlotowski, figurait également au rang de la programmation du festival. Accompagnée d'une bande son exceptionnelle, la peinture réaliste de ce monde de marginaux, d'ouvriers travaillant dans une centrale nucléaire, a cependant divisé l'opinion du public.

La Vénus à la fourrure de Roman Polanski, Un château en Italie de Valeria Bruni-Tedeschi et La Belle Vie de Jean Denizot étaient également les grands rendez-vous du festival. Les productions canadiennes occupaient une place conséquente de la programmation, avec notamment Vic + Flo ont vu un ours, thriller décalé et sarcastique de Denis Côté, et Le Démantèlement, tragédie humaine et émouvante de Sébastien Pilote.

Deux rétrospectives ont été dédiées à deux réalisateurs français de premier plan, venus à Thessalonique pour l'occasion : Alain Guiraudie et Claire Simon. La projection de l'intégralité des longs métrages d'Alain Guiraudie (dont Pas de repos pour les braves, Le Roi de l'évasion et Voici venu le temps) a été clôturée par la présentation de son dernier film, L'Inconnu du Lac. Le film avait été très remarqué lors du dernier festival de Cannes et a également alimenté les conversations à la sortie de la séance à Thessalonique.

Claire Simon s'est elle aussi vue proposer une rétrospective réunissant la totalité de ses longs métrages, à savoir, Sinon oui, Les bureaux de Dieu, Ça brûle, et Gare du Nord. La réalisatrice avait répondu présente pour présenter à la salle comble sa dernière création, Gare du Nord. Le film flirte avec le genre documentaire et mêle réalité et fiction. La gare du Nord fait l'objet d'une enquête sociologique mais elle est surtout le lieu des rencontres des personnages qui vont se lier et créer une histoire. Critique et esthétique, le film a été particulièrement bien accueilli par le public thessalonicien.

Pour son premier long-métrage, Golden Cage, Diego Quemada-Diez a reçu le premier prix de la 54e édition du festival de Thessalonique. La création mexicaine traite avec un regard neuf la question de l'immigration vers les États-Unis. Le travail de jeunes réalisateurs argentins (notamment Matias Pineiro, Augustin Toscano, Jasmin Lopez, et Marco Berger) a également été récompensé par un hommage rendu à cette « nouvelle vague » argentine. Enfin, deux jeunes cinéastes américains, Chris Eska et Daniel Patrick Carbone, ont été invités à présenter leur film, tous deux sélectionnés dans la catégorie « Horizons ouverts ».

The Retrieval de Chris Eska narre l'histoire dramatique d'un jeune garçon, Chris, envoyé par un groupe de chasseurs de prime, pour retrouver Nate, recherché par la justice. Fresque subtile de la guerre de sécession, le scénario possède également une véritable originalité.
Hide your smiling faces de Daniel Patrick Carbonne a été une des révélations du festival. Récit d'enfance au milieu d'une nature reine, le film adopte une vision déformée du réel propre à l'enfance où tous nos sens sont décuplés. Avec une esthétique romantique, le cinéaste explore la relation qu'entretient l'enfance à la nature.

A l'instant où se clôt la 54e édition du festival international du film de Thessalonique, la seconde cité grecque est en passe de devenir, à partir de janvier 2014, la « ville européenne de la jeunesse ». Même dans un contexte de crise, la 54e édition du festival n'a fait que rappeler le dynamisme culturel de la Grèce.